Le banc : cinéma

Et si on domptait des tornades ?

Les tornades et autres événements climatiques extrêmes attisent depuis longtemps les fantasmes. Avec Twisters, Lee Isaac Chung narre l’histoire d’une chasseuse de tornades et spécialiste en météorologie, et sa tentative d’aider celles et ceux qui en sont victimes.

Tout commence avec l’expérience scientifique de Kate (Daisy Edgar-Jones) dans le cadre de son doctorat. Elle pense avoir trouvé le moyen d’arrêter les tornades. Mais l’essai s’avère être un échec, et Kate perd trois de ses amis, dont son amoureux Jeb, dans l’aventure. Cinq ans plus tard, alors que le traumatisme est toujours présent, Javi (Anthony Ramos), le cinquième membre de l’expédition et rescapé comme elle, la recontacte. Hésitante, elle finit par retourner sur le terrain avec lui et son équipe qui étudie le phénomène, afin de mieux le comprendre et être capable de le prévoir. Elle fait alors face à la frénésie des chasseur·se·s de tornade amateur·ice·s, et fait la connaissance Tyler Owens (Glen Powell) et son équipe de YouTubeurs. Une rencontre qui pourrait bien changer ses perspectives…

Si l’histoire n’est pas sans nous rappeler le Twister de 1996, alors réalisé par Jan de Bont, précisons ici qu’il ne s’agit pas, à proprement parler d’un reboot. À l’origine, ce projet devait pourtant être une suite de Twister, portée par Helen Hunt et Bill Paxton, qui campaient les deux protagonistes principaux du film d’origine. Outre la thématique, de nombreux éléments de l’histoire nous font penser à Twister, et les liens sont légion !

Un film très américain

Qu’on se le dise d’emblée, tout, dans le fond comme dans la forme, nous évoque les États-Unis et leurs ressorts scénaristiques, avec tout ce qu’on attend d’un thriller, et même plus encore. Une dimension qui, d’ailleurs, est nettement moins frappante dans le film de Jan de Bont. Il y a déjà cette thématique : la chasse aux tornades. Le phénomène a pris une ampleur folle, notamment avec l’amélioration des techniques et moyens technologiques à disposition – en témoigne d’ailleurs la dernière vidéo de la YouTubeuse Dooms – depuis plusieurs années, et ceci est parfaitement illustré dans Twisters : à l’arrivée de Kate et Javi en Oklahoma, les pickups et autres caravanes sont légion. À leur bord : des amateur·ice·s de sensations fortes, équipés de tablettes et autres outils pas toujours utiles, sans véritable conscience du danger qui les attend. Quant à l’arrivée de Tyler Owens, le supposé antagoniste, on ne pouvait pas faire plus cliché : ce vrai cowboy de l’Arkansas, son chapeau vissé sur la tête, lâchant des « yiiiha » à tour de bras, débarque avec ses gros sabots et son excès d’assurance parfaitement assumé. Il nous évoque évidemment le harceleur de tout bonne série sur le lycée qui se respecte, ou encore Jonas, dans le Twister de 1996, qui chassait les tornades plus pour l’argent que pour la science. Tyler finira même par emmener Kate au rodéo… et pourtant, on pourrait bien être surpris·e ! Mais on y reviendra.

Car il nous faut aussi parler du scénario. Là aussi, tous les ressorts connus sont bien présents : des apparences trompeuses, des trahisons, un abus de confiance, une histoire de rédemption, une famille qui se retrouve après avoir été brisée suite à un traumatisme, de grands moments de tension, un passé qui doit permettre de sauver le présent… et même, qui l’eût cru, la fameuse scène de l’aéroport, ou presque ! Malgré tout cela, le scénario s’avère très bien ficelé. L’histoire est intelligemment construite, tout est rythmé et fait pour nous tenir en haleine. Et même si l’on s’attend à beaucoup de choses, on maintient l’envie de découvrir la suite et d’en savoir plus. En résumé : même s’il n’y a pas d’énormes surprises sur la forme et les ressorts scénaristiques, on ne s’ennuie pas une seconde ! Et c’est une grande force de Twisters, qui en fait un film plutôt agréable à, regarder, avec quelques originalités, notamment dans la thématique et l’approche de certains aspects qu’on n’attendait pas forcément. Le traitement du personnage principal, Kate, n’est pas sans nous rappeler celui de Jo dans le Twister de 1996. Il nous faut évidemment évoquer la présence de Dorothy, cette machine censée permettre de récolter des données à l’intérieur de la tornade, inventée par l’équipe de Jo et réutilisée dans la scène d’ouverture par celle de Kate. Surtout, comme Jo, Kate est indépendante, une figure d’héroïne inspirante. Si cela n’est pas forcément surprenant en 2024, ce choix était bien plus marquant il y près de trente ans. Kate s’avère également être la digne descendante de Bill, elle qui comme lui semble posséder un don pour repérer les tornades…

Et si le méchant n’était pas celui qu’on croyait ?

On s’en doute très vite : Tyler Owens est tellement détestable et hautain dans ses premières interactions avec Kate et Javi qu’il ne peut pas être le méchant qu’on croit. La suite des événements confirme notre intuition : derrière sa carapace de personnage ultraconfiant et bourré de testostérone – comme le cowboy qu’il est – se cache aussi un cœur tendre et un passé surprenant. Mais alors, qui est le méchant dans cette histoire ? Javi ? Cela serait trop facile. Disons qu’il fait partie de l’engrenage…

Sans tout dévoiler, on vous dira simplement que Twisters – et c’est là où le scénario de Mark L. Smith surprend et s’avère plus profond qu’on ne le pensait – dénonce certaines pratiques abjectes de promoteurs américains, apparues notamment suite à l’ouragan Katrina. Ces derniers financent des projets apparemment d’utilité publique, avec de beaux discours, mais sont aussi à la tête de compagnies d’assurances qui profitent des catastrophes comme les tornades pour profiter de l’endettement des victimes. Vous voyez où je veux en venir ? Les voilà qui s’en mettent plein les poches, sous l’apparence d’une dimension très humaniste. Tiens, l’histoire se répète, comme dans les années 30, suite à la Grande Dépression,,, Et là où Twisters réussit une forme de plot-twist(er, si vous me permettez le jeu de mots), c’est que c’est exactement ce qu’on croyait au départ de l’équipe de Tyler : il ne pense qu’à faire le buzz et à vendre ses t-shirts et autres produits dérivés. Oui mais… tout cela pour financer des repas pour les victimes. Tout le contraire de l’équipe de Javi qui, comme celle de Jo, cherche à récolter des données pour améliorer les systèmes d’alerte. Enfin, c’est ce qu’ils croient. D’ailleurs, l’équipe de Tyler, complètement décalée et n’oubliant jamais de mettre la musique à fond lorsqu’elle chasse les tornades, se rapproche bien plus de celle de Jo en 1996. Ne pas se fier aux apparences, on disait ?

Alors oui, Twisters propose beaucoup de ressorts attendus, sans forcément anticiper tous les détails, mais il a le mérite d’être très bien construit d’une part et de présenter une photographie des effets spéciaux plutôt bluffants visuellement d’autre part. Surtout, il amène une dimension sociale qu’on n’attendait pas forcément, ou du moins pas complètement, sur certaines réalités américaines, au-delà de la thématique, bien sûr, du dérèglement climatique. Et rien que pour ça, on ne peut que vous encourager à aller le voir !

Fabien Imhof

Référence :

Twisters, réalisé par Lee Isaac Chung, États-Unis, sortie en salles le 17 juillet 2024.

Avec Daisy Edgar-Jones, Glen Powell, Anthony Ramos, David Corenswet, Sasha Lane, Maura Tierney, Tunde Adebimpe, David Born…

Photos : ©Universal Pictures

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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