Les réverbères : arts vivants

Fresque : tout construire par étapes

Deuxième spectacle du collectif Old Masters, Fresque était présenté dans le cadre du festival de La Bâtie, au Grütli. Un spectacle déroutant pour deux comédiens, qui agit comme un miroir de nos relations humaines, parfois difficiles à construire et à comprendre.

La scène dévoile un grand décor fait de plaques d’isolation de bâtiments. Comme une grande bibliothèque, il trône au milieu du plateau, bien éclairé par les néons qui le surplombent. Pendant 5 minutes, rien d’autre. Le silence. Puis deux personnages qui se ressemblent – perruque en plâtre, pull beige et pantalon bleu – arrivent, tournent le dos au public et se décrivent l’un à l’autre tour à tour ce qui est en réalité une œuvre d’art, ou un appartement, du moins la maison de leur esprit. Les scénettes se suivent, sans véritable transition, et les rôles ne cessent de s’inverser, si bien qu’on ne sait plus trop qui a créé cette œuvre. Mais peu importe au final. Les dialogues se répètent parfois d’une scène à l’autre, et il est toujours question d’une mystérieuse lettre, qui aurait fait du mal à Linus (Marius Schaffer) et que Charlotte (Charlotte Herzig) aurait écrite avec cruauté. Histoire d’amour ? Métaphore des relations humaines ? Il y a sans doute un peu de cela.

Un spectacle sur la construction

Durant les cinq premières minutes, il ne se passe donc absolument rien, si ce n’est quelques bulles qui remontent à la surface d’un tube posé dans le décor. Le public est dérouté, et les commentaires d’une dame au premier rang montrent que les spectateur·trice·s hésitent entre les rires et l’agacement. La majorité opte pour le rire, rassurez-vous ! Quoiqu’il en soit, ce premier moment laisse le temps d’observer et de détailler le décor, qui sera au centre de la Fresque qui nous est proposée, qu’on nous dit d’abord être encore en construction et qui petit à petit se rapproche de sa version finale, au fil des objets qui seront déposés dessus. La ressemblance entre les deux personnages crée une forme d’indistinction et permet les inversions successives de leurs rôles. Tantôt l’un accueille l’autre, tantôt l’inverse. En ce sens, ils pourraient être n’importe qui et leur véritable identité importe peu. Linus évoque d’ailleurs son envie d’être comme Charlotte mais, se rendant compte que la transformation sera trop compliquée, renonce à ce projet et préfère se concentrer sur la construction. Tout évoque donc ce thème, jusqu’aux cheveux des deux protagonistes, faits en plâtre, comme une sorte de sculpture. Cet élément les rapproche d’ailleurs des objets, créant un pont entre objets et personnages, qui peuvent être tantôt l’un, tantôt l’autre. Une manière de montrer que, sur la scène, comme dans la vie, chaque détail a son importance et que les objets, bien qu’inanimés ont un rôle à jouer pour faire partie d’un tout, qui se construit petit à petit.

Une construction par étapes

L’œuvre, ainsi, n’est pas immédiatement terminée. Au fil des visites, on apprend qu’il manque encore des éléments pour qu’elle soit telle qu’imaginée dans l’esprit de l’un et de l’autre. Des objets s’y ajoutent, comme autant d’éléments sortis de l’esprit de Charlotte et Linus, et qui font qu’ils s’y sentent bien. Autant que les objets, la danse de Charlotte vient elle aussi habiller l’espace, de façon plus symbolique, montrant qu’un lieu n’est rien s’il n’y a pas de vie à l’intérieur. Parlant d’espace, celui du son se construit également. Tout au long du spectacle, des bandes son qu’on ne comprend d’abord pas bien se succèdent : des percussions, du saxophone, du piano, avec des mélodies qui tournent en boucle. Puis,  elles se superposent et explosent pour former un tout qui pourrait ressembler à une musique de film. De la même manière, nos relations se construisent et se déconstruisent. Tout n’arrive pas en même temps, et il faut du temps pour que les éléments cohabitent et se joignent afin de donner lieu à un résultat cohérent.

C’est peut-être ça que raconte Fresque à travers ses dialogues d’abord un peu banals, mais qui font allusion à une lettre, à la souffrance, mais aussi à la beauté et à la joie. Car les relations humaines sont faites de divers sentiments, souvent contradictoires, et rien n’est lisse et acquis. Comme dans cette Fresque qui nous est montrée durant 55 minutes et qui évolue au fil du temps…

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Fresque, du collectif Old Masters, du 5 au 7 septembre au Grütli – Centre de production et de diffusion des Arts vivants, dans le cadre de La Bâtie – Festival de Genève.

Conception, construction et écriture : Sarah André, Charlotte Herzig, Marius Schaffer et Jérôme Stunzi.

Avec Charlotte Herzig et Marius Schaffer

https://grutli.ch/spectacle/fresque-2/

Photo : © Old Masters

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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