Les réverbères : arts vivants

Greenwasher… jusqu’à quel point ?

Greenwashing, voilà un terme à la mode. C’est justement l’une des thématiques de Titanic, un spectacle de Riccard et Lambelet, en forme de farce climatique, à voir jusqu’au 11 mars à la salle centrale de la Madeleine.

Ne vous y trompez pas, Titanic n’a rien à voir avec le film de James Cameron… quoique ! L’entreprise Vandale est un gros navire qui risque bien de couler à flot. Alors qu’elle a entamé un processus de greenwashing – comprenez par-là un procédé de marketing opéré par une grosse boîte pour donner une image plus écolo et souvent trompeuse – la voilà confrontée à une grosse cyberattaque, alors que des activistes du climat manifestent devant les bureaux. Sans compter cette militante (Mado Sierro) qui tente de s’infiltrer… Tout est à revoir, donc, pour la patronne Aurore (Pauline Klaus) et son équipe. Iels font donc appel à un expert en greenwashing (Philippe Cohen), mais les malversations financières de Jean-Georges (Olivier Lambelet) pourraient bien poser problèmes. Entre nouvelle stratégie de communication, lutte écolo et quiproquos autour du couple, tous les ingrédients sont réunis pour une bonne pièce de boulevard !

À bas le capitalisme ?

Comme dans toute pièce de boulevard qui se respecte, les traits sont grossis : les deux actionnaires de la boîte se comportent de manière très snob, nient le réchauffement climatique et n’hésitent pas à rabaisser sans arrêt les employés – Jean-Georges est régulièrement surnommé « pine d’huître » par celui qui est censé être son ami d’enfance. Le greenwashing est bien une supercherie ici, envisagée uniquement pour calmer les ardeurs. Quant à Jean-Georges, le responsable communication, il joue un drôle de jeu, en mettant en place une stratégie de communication axée sur l’écologie, tout en investissant dans des sociétés ultra-polluantes. Tout cela pour toucher le pactole et enfin s’échapper sur les plages des Caraïbes avec Isabelle (Coralie Garcia), sa maîtresse. Parlons enfin de l’expert du greenwashing, avec ses slogans à deux balles, ses citations totalement hors de propos et son attitude de commercial tout droit sorti d’une pub des années 2000. Si tous les personnages sont presque caricaturaux, c’est bien pour faire rire tout en critiquant. Le capitalisme et les grosses entreprises pollueuses en prennent évidemment pour leur grade, tant leurs magouilles sont évidentes et ne dupent personne. Mais Titanic présente l’avantage de se montrer critique également envers l’autre camp, ceux que certain·e·s nomment régulièrement « écoterroristes », ou encore « djihadistes du climat ». Ainsi, les mesures prises dans la dernière partie du spectacle sont complètement grotesques : tables remplacées par des bottes de foin, vêtements en toile de jute et j’en passe… Comme pour montrer qu’on ne peut pas aller non plus trop loin dans l’autre extrême, et qu’il faut trouver le juste équilibre entre ces deux seuils à ne pas franchir.

Tous ces effets comiques sont percutants aussi parce qu’ils s’imbriquent avec d’autres histoires et imbroglios, qu’il s’agisse des relations de Jean-Georges ou de personnages qui se mélangent les pinceaux sur qui est qui. Titanic est ainsi un spectacle particulièrement rythmé, sans temps mort, où il y a toujours quelque chose de croustillant à se mettre sous la dent.

Et le patriarcat dans tout ça ?

Une satire sociale comme celle-ci, aussi exagérée soit-elle, pourrait vite tomber dans le déjà-vu. On pourrait d’ailleurs le craindre durant la première partie du spectacle, jusqu’à l’entracte. Car après celui-ci, plusieurs retournements de situation et rebondissements interviennent, grâce notamment à l’arrivée de la militante écolo qui a fini par s’infiltrer dans les bureaux de l’entreprise. Alors  les événements prennent une nouvelle tournure, la farce est poussée à l’extrême et même le patriarcat, à peine évoqué jusqu’alors, finit par être démonté ! On ne l’avait pas vu venir et il faut reconnaître que la chose est très bien amenée, sans être forcée. Chapeau donc !

Au final, si l’on rit beaucoup grâce au talent des comédien·ne·s et au texte, on ressort tout de même avec quelques réflexions à l’esprit sur notre société. Rien de vraiment nouveau certes, mais cela fait du bien de le voir avec une loupe grossissante comme celle-ci. Et de nous laisser sur cette chanson de Tryo, plus que jamais d’actualité, et qui a pourtant déjà 11 ans :

On veut du green green green
Green green green washing

C’est
nous les as, les pinocchios du marketing
On veut du green green green
Green green green washing

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Titanic, de Riccard et Lambelet, du 7 au 11 mars 2023 à la sale centrale de la Madeleine.

Mise en scène : Steve Riccard

Avec Philippe Cohen, Coralie Garcia, Pauline Klaus, Olivier Lambelet, Steve Riccard et Mado Sierro

https://sallecentrale.ch/titanic/

Photos : © André Carpel

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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