Hello Useless, bonjour allégresse
Hello Useless – for W and friends. C’est le titre de la performance proposée les 2 et 3 octobre derniers au Théâtre Saint-Gervais par le Belge Benny Claessens. Une « célébration de l’inutile » drôle, émouvante, déroutante, mais aussi parfois inégale.
Devant les trois lettres argentées du mot « JOY », Benny Claessens célèbre l’inutile, à travers une performance mêlant chant, danse, jeu, blagues et interactions avec le public. Un spectacle complet qui se démarque par son originalité et sa sincérité. Dans ce solo qu’il tourne depuis quelques années, Benny Claessens ne cherche pas à critiquer ou à dénoncer. Il permet à chacun d’observer, de rire, de réfléchir, de se faire sa propre idée sur ce moment de répit, dans lequel il tente de regarder les choses telles qu’elles sont, tout simplement. Le titre fait référence au Bonjour tristesse de Françoise Sagan et à un critique de théâtrebelge prénommé Wouter. Benny Claessens raconte avoir été très affecté par une critique de ce dernier visant le spectacle d’un de ses amis, dans laquelle il lui conseillait d’arrêter l’art de la scène. Comment peut-on demander à quelqu’un d’arrêter de faire ce qu’il aime ?
Drôle
Hello Useless – for W and friends est d’abord drôle. Avant de commencer, Benny Claessens s’adresse pendant quelques minutes au public pour lui expliquer de quoi il sera question, détaillant son décor, se moquant – avec beaucoup d’autodérision – du fait qu’on ne comprendra pas certains passages, certaines répétitions de gestes. Durant le spectacle, il montre une panoplie de talents humoristiques, comme pendant les 5 minutes où il est censé contempler le mot « JOY », sans bruit, alors qu’il n’arrête pas de se retourner pour parler au public pour décrire ce qu’il est en train de faire, dans une réflexion bienvenue sur le théâtre. On citera également ce moment où il décide de prendre des dessins d’enfants pour de véritables œuvres d’art, qu’il n’hésite pas à critiquer à la manière des experts, ou encore ce retour en enfance, durant lequel il passe des bandes sons composées d’abord de pets, puis de rots.
Émouvant
Ce côté enfantin, il n’est pas que drôle. Sur scène, Benny Claessens dégage une certaine innocence. On pourrait presque parler de naïveté dans son attitude, dans son regard. Prenant le temps de contempler le monde qui l’entoure, il donne l’impression de tout voir avec les yeux d’un enfant, devenant par là-même très attachant. Les chansons qu’il interprète sur la scène – son entrée sur As tears go by des Rolling Stones, puis, plus tard, All is full of love de Björk et And from both sides now de Joni Mitchel – portées par une voix puissante, qui contraste avec la douceur lorsqu’il parle, constituent également des moments forts en émotion.
Déroutant
Hello Useless – for W and friends est aussi un spectacle surprenant, déroutant. Bien que le public soit averti avant le début de la performance, on ne comprend pas toujours bien la signification de certains gestes. Mais y en a-t-il une ? N’est-ce pas, aussi, le propre de la performance, de ne pas tout comprendre et de laisser une part d’interprétation – peut-être toutefois trop grande par moments – au spectateur ? Ce spectateur qui sait dès le départ qu’il sera mis à contribution à un moment du spectacle, sans trop savoir ce qui l’attend. Là aussi, quand cela arrive, on peut s’attendre à tout sauf à cela. Benny Claessens enjoint le public à le rejoindre sur scène… pour courir en rond pendant 5 minutes ! Un moment surprenant, étonnant. On hésite, sans vraiment comprendre ce qui se passe, puis on y va, on se libère, on se lâche. Et qu’est-ce que ça fait du bien !
Inégal
On soulèvera toutefois quelques réserves à cette performance, qui n’enlèvent rien à la qualité de l’interprétation et à la réflexion qu’elle porte. Le rythme n’est pas toujours égal, parfois un peu trop lent dans certains passages qui durent, comme par exemple cette première chorégraphie sans musique, ou ce dernier passage où Benny Claessens se traîne à quatre pattes, nu. Ces moments un peu plus faibles sont toutefois rattrapés par d’autres très rythmés, très drôles, amenés par des transitions tout à fait inattendues, voire même absentes.
Au final, on retient ce mot « JOY » qui brille au fond. Car, même s’il y a eu des temps plus faibles, des moments qu’on n’a pas compris, car trop abstraits, on a passé un bon moment. Certains spectateurs se sont plaints du côté « too much » de la performance. Ce n’est pas ce que j’en retiens. Benny Claessens sait donner le sourire aux gens. Dans cette parcelle de temps qui s’arrête pendant sa performance, il nous enjoint à contempler, à apprécier les choses simples de la vie, une activité que nous ne prenons que trop peu le temps de faire.
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Hello Useless – for W and friends, du 2 au 3 octobre 2018 au Théâtre Saint-Gervais.
Conception, mise en scène et jeu : Banny Claessens
Photos : ©Radovan Dranga