Les réverbères : arts vivants

Pour Narcisse, le mot dit

Comment sonne la révolte des poètes ? Narcisse est déçu et remonté. Il ouvre les portes des sujets tabous et brise le silence des plus discrets.  Toi tu te tais, de Narcisse, du 2 au 11 octobre au Théâtre Alchimic.

Narcisse s’inscrit bien dans la lignée de son nom. Peut-être est-ce l’amour qu’il porte à son reflet, après des années d’interdiction, qui l’incite à être partout : à l’écran, au micro, dans la bande son. Champion de France de slam et lauréat du tournoi international de slam de Chypre[1] de surcroît, son ubiquité nous entoure ; dans Toi tu te tais nous sommes dans le monde qu’il a créé de toutes parts et nous ne l’oublierons pas. A la manière des écrans captant sans relâche notre attention, nos mots et nos caresses de la main, Narcisse s’adresse à notre espace intime peu à peu gangréné par la technologie. En effet, le filtre est mince.

Neuf télévisions sur scène montées sur charriots animent et donnent corps aux propos de Narcisse. À la fois table de mixage, meubles de décoration ou porteuses des souvenirs et des révoltes des dernières années, elles sont aux côtés du slameur durant toute la durée du spectacle. Narcisse et son musicien Pierre Gilardoni s’emparent de la technologie multimédia avec brio et nous montrent d’abord l’aspect envoûtant qui en résulte. Leurs créations musicales infusées de chanteurs en solo défilant sur les écrans sont époustouflantes. Happé par les images, c’est le son que l’on respire. Narcisse sort des sillons de la musicologie et on en profite.

Le slam est ce voisin posé entre les haies du rap et de la poésie, parfois il a la haine, parfois il est fou d’amour. Narcisse nous parle des moments où l’on végète inexorablement, en silence, devant nos émissions et les publicités. C’est dans ce monde à l’envers, guidé par les vers du poète musicien, que l’on a oublié le sens de la vie et de nos pas. Accorderait-on donc si facilement la prévalence aux rafleurs de succès publicitaire et politique, pétri dans un neutre silence ? Il veut questionner et impressionner, nous détrôner d’un coup d’œil investigateur mais nous, on bat des mains, en cœur.

Le slameur nous exhorte à la réflexion et, derrière la surface des mots, il nous mène dans la profondeur des idées, là où, dans l’envers du décor, le monde va droit. Ses jeux de mots sont habiles, ils surprennent et déjouent notre attention qui finit toujours par en louper le tiers. Et pourtant, même si l’on n’est pas si adroit, il s’agit de se pencher dans le fleuve des évènements, de regarder avec intégrité ce pour quoi on veut toujours être au courant. Attention, ne glissez pas, adoptez une distance critique.

Laure-Elie Hoegen

Infos pratiques :

Toi tu te tais, de Narcisse, du 2 au 11 octobre au Théâtre Alchimic.

Mise en scène (conseil) : Gérard Diggelmann

Avec Narcisse

Guitare : Pierre Gilardoni

Photos : © Laurent Guiraud (inner), DR (banner, inner 2)

[1] Respectivement en 2013 et en 2018.

 

Laure-Elie Hoegen

Nourrir l’imaginaire comme s’il était toujours avide de détours, de retournements, de connaissances. Voici ce qui nourrit Laure-Elie parallèlement à son parcours partagé entre germanistique, dramaturgie et pédagogie. Vite, croisons-nous et causons!

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