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Humanitaire et culinaire : La cuisine des réfugiés

Une fois n’est pas coutume, je vous propose de mêler écriture et nourriture, pour découvrir un ouvrage qui me tient à cœur : La cuisine des réfugiés. Un livre de recettes pas comme les autres, une aventure humanitaire sortie en 2016 aux éditions Helvetiq, dans laquelle vous entraînent Séverine Vitali et Ursula Markus.

La cuisine des réfugiés attire d’abord l’œil par sa couverture colorée et accueillante. C’est son titre, ensuite, qui retient l’attention – car malgré la bonne humeur apparente de l’emballage, l’intitulé laisse transparaître une problématique qu’on peut-être douloureuse… abordée sous un angle inattendu : celui de la cuisine.

Retrouvez trois recettes tirées de ce livre dans l’article de Fabien Imhof.

Publié à l’origine par les éditions Rotpunktverlag (Zurich), l’ouvrage s’intitule en langue originale Heimat im Kochtopf. Rezepte von Flüchtlingen aus aller Welt. Autrement dit : Accueil dans la casserole. Recettes des réfugiés du monde entier. Il est traduit en 2016 aux éditions Helvetiq (Lausanne). La dédicace liminaire ne laisse aucun doute quant à la portée du projet : « À tous les êtres humains, nés libres et égaux en dignité et en droits – bon appétit ! »

Il s’agit donc d’un projet culinaire… mais aussi humain et égalitaire.

Plus qu’un livre de recettes

Et de fait, l’idée de Séverine Vitali et Ursula Markus est bien plus qu’un livre de cuisine. À travers leur travail (textes et photos), elles proposent de découvrir autrement un monde malheureusement encore trop méconnu en Suisse : celui des réfugiés, des gens qui viennent d’ailleurs pour chercher ici un asile, un abri, une maison – une vie. Des femmes, des hommes, des enfants, des adolescents, des jeunes, des vieux, des familles qui ont cela en commun : être venus en Suisse. Parfois, au péril de leur vie ; souvent, en laissant tout derrière eux. Pourtant, on en parle, de ces réfugiés. Dans la presse écrite, à la télévision, sur les ondes, dans les discours politiques, sur les affiches placardées. On en a peur, on les montre du doigt, on essaie de les comprendre, on veut les aider, on aimerait qu’ils restent ou qu’ils partent ailleurs – tout dépend.

On en parle ; mais que sait-on, au fond, de ces gens, ces autres qu’on n’effleure à peine ? Que savons-nous des réfugiés, au fond ? C’est à cette question que ce livre essaie de répondre.

« Les personnes qui quittent leur pays à la recherche d’un asile n’emportent pas seulement leurs espoirs d’une vie meilleure, mais également des valises pleines de traditions, d’expériences, de souvenirs – et de recettes de cuisine. Un aspect souvent ignoré dans les débats qui tournent autour de la crainte d’être envahis par les étrangers alors que les trésors qu’ils ont emportés sont un enrichissement pour nos sociétés modernes et vieillissantes. » (p. 11)

Réalité cachée, enrichissement réel

Un enrichissement – pas une menace. Quelque chose de plus qu’on peut nous apporter, qu’on peut nous faire partager, pour qu’on partage à notre tour.

Car quoi de plus convivial que la cuisine ? Plus qu’un livre, La cuisine des réfugiés est un pont jeté entre des êtres humains. Séverine Vitali et Ursula Markus proposent des séries de recettes, qui viennent des quatre coins du monde. Les plats sont accompagnés des portraits de celles et ceux qui les ont concoctés : ces réfugiés présents dans toute la Suisse ont ouvert leur cuisine aux deux femmes. Les photos, splendides, font écho aux textes qui décrivent sans larmoiement des réalités cachées. À côté de la découverte culinaire, on rencontre ainsi des fragments de vie, émouvants, tragiques, amusants – profondément humains. Sri Lanka, Honduras, Équateur, Andes, Éthiopie, Érythrée, Sénégal, Guinée, Mongolie, Tibet, Ossétie du Sud, Ukraine, Kurdistan iranien et irakien, Yémen, Syrie, Liban et Afghanistan : ces régions font écho à l’actualité mondiale.

« Le résultat : un livre qui, par-delà les recettes de cuisine, dresse le portrait intime de personnes qui ont cherché refuge en Suisse, de personnes qui, en dépit de la fragilité de leur situation, se sont ouvertes à ce projet et forcent notre respect. » (p. 12)

Le temps d’une recette, on se souvient et on prend conscience de ces réalités. Pour ne pas les oublier, une fois le plat goûté.

Magali Bossi

Références :

Séverine Vitali et Ursula Markus, La cuisine des réfugiés, Lausanne, Helvetiq, 2016.

Photo : © Magali Bossi

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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