Le banc : cinéma

La rédemption par les plantes

Loin des Fleurs du mal de Baudelaire et du Pouvoir des fleurs de Voulzy, Master Gardener, réalisé en 2022 par Paul Schrader, présente malgré tout un bel exemple de réinsertion et de rédemption. Le tout grâce aux plantes. Un film à la fois sombre et surprenant.

Narvel Roth (Joël Edgerton) est le maître horticulteur d’un domaine géré par une riche propriétaire, Norma Haverhill (Sigourney Weaver). Tout se passe à merveille, jusqu’au jour où elle lui demande de prendre sa nièce sous son aile, pour la former à cet art. L’arrivée de Maya Core (Quintessa Swindell), jeune métisse d’une vingtaine d’années, va tout changer. Le lourd passé de Narvel va ressurgir malgré lui, lui qui avait été engagé ici pour se réinsérer après un séjour en prison. Si cette réinsertion s’est avérée réussie, cette nouvelle étape de sa vie pourrait bien lui permettre de rendre sa rédemption encore plus belle.

Langage des fleurs

La symbolique des plantes a souvent été employée dans des œuvres, qu’elles soient littéraires, cinématographiques, ou même figuratives. Ici, le traitement proposé par Paul Schrader s’avère plutôt original. Le long-métrage est émaillé de passages narrés par la voix-off de Narvel, alors que ce dernier écrit dans son carnet. Il y parle de certaines plantes, comment en prendre soin et qu’on dit sur elles. Parfois, ces explications s’insèrent dans les dialogues, alors que Narvel enseigne l’art de l’horticulture à Maya. Les extraits sont évidemment sélectionnés pour faire écho à ce qui se passe dans le film et à la pensée intérieure des personnages, qu’il s’agisse de Narvel, la plupart du temps, ou de Maya, à quelques reprises.

« La sauge lavande et la bocconie cordée fleurissent au même moment chaque année, mais jamais de la même façon. Certaines années elles s’harmonisent à merveille, d’autres fois, elle se tolèrent à peine. »

Avec cet engagement au sein de la propriété Gracewood, c’est une véritable seconde chance qui est donnée à Narvel, une occasion qu’il ne veut pas gâcher. Mais l’impression générale est que, durant la première partie du film, il vit dans une sorte de huis clos, avec Norma et les autres employés du jardin. La situation est, entre guillemets, facile, car il n’est plus confronté au vrai monde. Il semble donc lui manquer quelque chose pour que sa rédemption soit complète. L’arrivée de Maya va ainsi permettre ça, et le fait qu’elle soit métisse n’y est pas étranger.

Une vraie rédemption

La situation de Narvel est présentée comme un modèle de réinsertion par le shérif qui le suit depuis sa sortie de prison : il est devenu un véritable maître horticulteur et son travail est apprécié et reconnu par toutes celles et ceux qui le voient. Pourtant, il garde en lui un lourd secret, et des événements qu’il ne se pardonne pas. À travers ses cauchemars et quelques flashbacks, on en apprend plus sur ces événements, la bande avec laquelle il traînait, et les raisons de sa séparation avec son épouse, pour des convictions trop divergentes. S’il a réussi à évoluer, il lui faut maintenant prouver qu’il a changé. Difficile de ne pas spoiler en évoquant sa relation avec Maya. On dira simplement que, s’il l’avait rencontré vingt ans plus tôt, il l’aurait haïe, alors qu’il devient ici une sorte de mentor et de protecteur. La discussion sur le perron autour de leur histoire familiale respective éclaire d’ailleurs beaucoup de choses à ce sujet.

Sa rencontre avec Maya lui donne l’occasion de se rattraper, d’effacer d’une certaine manière son passé. Le terme « effacer » n’est pas choisi au hasard, car c’est bien de cela dont il est question, de manière symbolique, à la fin de Master Gardener. On n’en dira pas plus ici sur ce film sombre, mais qui dénote une forme d’espoir dans sa manière d’évoluer. Le scénario est bien construit et, s’il n’y a rien de véritablement révolutionnaire, on apprécie le traitement de la symbolique des plantes et son lien avec l’histoire de Narvel. On aurait également pu évoquer l’évolution du personnage comme celle d’une fleur : une graine plantée, puis la germination, la floraison, la fanaison, avant de redonner vie à de nouvelles graines. Sans être démagogique – on l’aurait regretté – Master Gardener évoque, à sa manière, une forme de catharsis : sans avoir commis les mêmes horreurs que Narvel, on peut toutes et tous se retrouver, d’une certaine manière, dans ce parcours et dans la dimension métaphorique inspirée par le film de Paul Schrader.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Master Gardener, réalisé par Paul Schrader, États-Unis, 2022.

Avec Joël Edgerton, Sigourney Weaver, Quintessa Swindell…

Photos : © Magnolia Pictures

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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