Le banc : cinéma

Le dur réveil de Barbie

Oui, Barbie comme Barbie des poupées. Non, ce n’est pas un film d’animation. Eh oui, c’est un blockbuster. Internet rengorge de memes de ce long-métrage signé Greta Gerwig, avec Margot Robbie en Barbie réincarnée. Cet été, voyagez dans Barbieland et nagez dans un océan de rose.

Une marée rose s’approche de l’Allianz Cinéma à Genève. C’est une explosion de couleur (monochrome) sur la rade, un spectacle assez surprenant pour un jeudi soir. Personne n’a donné la consigne ou bien a voulu imposer un code vestimentaire pour la soirée : quelle coïncidence !

Ou peut-être pas : après une campagne de marketing intense, les utilisateur·ice·s de réseaux sociaux ont été exposés à cette tonalité de rose qu’on associe tous à la marque Barbie. Même qu’il y aurait une pénurie mondiale de ce pigment à cause de la scénographie de ce film…

L’ambiance est festive au cinéma. À ceux et celles qui se poseraient la question : non, il n’y a pas que des « filles » ici. Ce film a, en plus d’une vocation transgénérationnelle (après tout, Barbie est LE standard des poupées depuis les années 60), une volonté de s’adresser à un public tous genres confondus. Et de nous poser une question : comment se présenterait un monde qui favorise les femmes (du mois un certain type de femmes) et les met au centre de tout cet univers ? Et si le male gaze[1] devenait le female gaze ?

Mais enfin, ce film reste surtout une comédie ; il ne s’agit pas d’un documentaire sur la place des femmes dans la société et les origines du patriarcat. N’empêche qu’il est toujours bon de tenter de rapprocher ces réflexions à un plus grand public, et ce film fait un honorable effort dans cette direction. Que pouvait-on attendre de Greta Gerwig, la même directrice qui a fait des chefs-d’œuvre comme Lady Bird ou bien Little Women ?

Assez de contexte, passons à l’action : que se passe-t-il dans ce film ?

 Barbie (Margot Robbie), aussi connue comme Barbie stéréotypée, mène une vie idyllique à Barbieland. Avec toutes ses amies, elles dirigent cette matriarchie où toutes les femmes ont confiance en elles-mêmes, sont autonomes et ont du succès. Et se prénomment toutes Barbie. Les Barbies occupent tous les postes importants tels que médecins, avocats et politiciens, pendant que les Kens passent leurs journées, oisifs, à la plage. Barbie nous présente toute cette belle société alors que l’on marche à ses côtés pendant une journée type. Juges nationales, astronautes, éboueuses, toutes répondent avec un joyeux « Hi, Barbie ! » à son « Hi, Barbie ! ».

En arrivant à la plage, c’est ici que le personnage de Ken (Ryan Gosling) stéréotypé fait son apparition : il fait tout, mais vraiment tout pour que Barbie l’honore de son regard. Et Barbie le fait, d’une façon distraite, comme avec un enfant qui veut vous montrer pour la centième fois comment il fait le cochon pendu au parc. Petite reconnaissance et puis de retour à ses affaires : organiser une modeste soirée entre filles où tout Barbieland est invité. Excepté les Kens. Où vivent les Kens, en fait ? Personne ne le sait, et personne ne s’en soucie. Toutes les Barbies s’amusent entre elles et c’est bien cela qui compte !

Mais soudainement, la vie de Barbie est chamboulée : elle commence à avoir des pensées négatives, les toasts du petit-déjeuner sont brûlés, et horreur ! Ses talons touchent le sol !

Que faire ? Il n’y a qu’une Barbie qui puisse l’aider : Barbie étrange (Kate McKinnon). Cette Barbie a perdu sa caractérielle belle chevelure, son maquillage est complètement fou, et ses vêtements et sa maison sont pour le moins particuliers. Mais c’est elle qui explique à Barbie son problème : il y a une fille dans le monde réel qui a ce genre de pensées négatives, et le lien entre elles a créé une fissure entre les deux mondes, ce qui fait que Barbie est en train de devenir… Normale ? Une personne avec de la cellulite et des pieds qui touchent le sol ?

Barbie doit alors partir en voyage dans le monde réel, retrouver cette fille et l’aider à récupérer sa joie de vivre, et comme ça elle redeviendra la Barbie stéréotypée d’antan.

En route vers le monde réel, Ken insiste pour l’accompagner, elle accepte sans trop d’enthousiasme, et ils arrivent en tenue fluo flashback années 60-70 en plein Venice Beach, Los Angeles, California. Dans les années 2020. Autant dire que leur arrivée fait sonner les alarmes, même le FBI s’inquiète, et ils insistent pour que Mattel s’occupe de renvoyer leurs jouets dans le monde qui leur correspond, au risque… De conséquences néfastes, sûrement.

C’est ici que l’action du film commence vraiment : poursuites, quêtes, découverte du patriarcat, l’impuissance face à un système qui ne t’écoute pas, complots pour le renverser… Découverte de la valeur de soi, du pouvoir de l’empathie, la sororité (pas qu’entre les Barbies, les Kens aussi !), des sentiments (bien gérés, ce sont des Barbies très intelligentes émotionnellement).

Un film parfait pour une soirée d’été dans un cinéma en open air au bord du lac. Comique avec plein de gags mais intelligente en même temps, avec une bande son magnifique, vous sortirez du cinéma le sourire aux lèvres.

Au fait, il paraît qu’il y avait un autre film qui sortait en même temps que Barbie, du nom d’Oppenheimer, est-ce que quelqu’un est déjà allé le voir ? Personnellement, j’aurais adoré voir Cillian Murphy à la première de Barbie, tout en rose ; et Margot Robbie et Ryan Gosling en gris anthracite à la première de Oppenheimer. Ça aurait été une stratégie marketing de génie, à mon avis.

Bye, Barbies ! Bye, Kens !

Alicia del Barrio

Référence :

Barbie de Greta Gerwig, avec Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrera, Kate McKinnon, Michael Cera, Ariana Greenblatt, Issa Rae, Rhea Perlman, Helen Mirren et Will Ferrell, US, 2023.

Photo : © DR

[1] Le regard masculin, également appelé vision masculine ou male gaze, est un concept postulant que la culture visuelle dominante (photographie, cinéma, publicité, jeu vidéo, bande dessinée, etc.) impose une perspective d’homme cisgenre hétérosexuel. (Wikipedia) Female gaze comme concept contraposé dans le contexte de ce film. (n.d.l’a)

Alicia del Barrio Montañés

Thésarde qui cherche à s'évader de son laboratoire, lectrice avide et grande admiratrice de l'offre culturelle genevoise. Un mix triomphant qui a poussé Alicia à écrire sur ses découvertes cinématiques et théâtrales !

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