Le banc : cinéma

L’odyssée d’un père

Adaptation du roman éponyme de Pierric Bailly, Le Roman de Jim, réalisé par les frères Larrieu, raconte l’histoire d’un père qui n’aurait pas dû l’être. Où quand les liens du cœur sont plus forts que ceux du sang. Un bijou à découvrir en salles dès aujourd’hui.

Le Roman de Jim, c’est avant tout l’histoire d’Aymeric (Karim Leklou), cet homme qui enchaîne les petits boulots de saisonnier. Un soir, il retrouve Florence (Laetitia Dosch), un peu par hasard. Alors qu’elle est enceinte de six mois d’un homme marié qui ne veut pas se séparer de sa famille, elle et Aymeric passent la nuit ensemble. Iels ne se quitteront plus, et c’est bien Aymeric qui sera présent à la naissance de Jim. Tous les trois vivent dans les montagnes jurassiennes, chez la mère de Florence, une vie simple et heureuse. Mais voilà, un jour, Christophe (Bertrand Belin), le père biologique de Jim, refait irruption dans leur vie. De quoi chambouler le quotidien du couple et, à terme, celui de Jim, Comment Aymeric va-t-il gérer cela, garder sa place et en parler à Jim ? Les événements qui vont suivre pourraient bien être plus compliqués qu’escompté.

Une histoire bouleversante

Trop de films présentent des histoires où tout est mis en œuvre pour nous faire pleurer, quitte à aller dans l’excès. Les mêmes ressorts scénaristiques sont systématiquement repris, avec des images nostalgiques couplées à une musique larmoyante. Fort heureusement, Le Roman de Jim déroge à la règle. Et pour cause, la manière dont les événements sont amenés s’avère bien plus efficace ! Tout en simplicité, en vérité et en subtilité, les frères Larrieu parviennent à créer ce qu’il faut d’émotion chez les spectateur·ice·s. D’abord, il y a le scénario, où rien ne semble de trop[1]. Quoiqu’il en soit, la réalisation des frères Larrieu semble simple, à échelle humaine. L’histoire se suffit à elle-même, et il n’y a donc pas besoin d’en rajouter pour qu’elle touche en plein cœur.

Il faut aussi souligner la performance de Karim Leklou, qu’on avait déjà beaucoup aimé dans son rôle de médecin dans la série Hippocrate. Avec un jeu d’apparence assez nonchalante, il interprète un Aymeric qu’on aimerait tous avoir comme ami, comme père, ou comme frère. Décrit comme un vrai gentil, il est toujours disponible pour aider les autres, se met en quatre pour les soutenir, quitte à parfois s’oublier un peu. Jusqu’à un certain point, heureusement ! Mais on n’en dira pas plus ici, au risque de divulgâcher l’intrigue. Ce qu’on apprécie, dans le traitement du personnage, c’est cette impression de sincérité qui s’en dégage constamment. Ainsi, quand Aymeric déprime parce qu’il ne peut plus voir Jim, il doit réapprendre à vivre, en n’ayant plus véritablement goût à rien. Mais, loin d’en faire de longues scènes larmoyantes, où il aurait le regard perdu dans le vide, tout est amené par petites touches subtiles. On évoquera par exemple cette scène d’une soirée, où il n’est présent que parce que sa sœur en est la DJ. D’abord peu enclin à danser ou même à sociabiliser, il se retrouve bien malgré lui à converser avec Olivia (Sara Giraudeau), dont l’énergie solaire contribue à lui redonner goût à la vie, petit à petit, sans le brusquer.

Le Roman de Jim s’avère ainsi plutôt rythmé, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre. Le temps semble avancer rapidement, avec quelques arrêts sur des scènes clé. Pour autant, on n’assiste pas à des ralentissements excessifs. Sans s’attarder, sans nous apitoyer, l’émotion se crée ainsi naturellement. Il fallait tout le brio de la réalisation des frères Larrieu, associée à la performance toute en subtilité de Karim Leklou pour y parvenir.

Les liens du cœur

En lisant le titre du film, Le Roman de Jim, on s’attend à ce que Jim soit au centre de l’histoire. Pourtant, quelle n’est pas notre surprise de voir que tout tourne autour d’Aymeric. Ou plutôt, tout est montré de son point de vue. Il est d’ailleurs le seul à être toujours présent à l’écran. Par ce biais, en ne multipliant pas les points de vue, on prend le parti de découvrir les événements au même rythme qu’Aymeric. On n’en sait donc jamais plus que lui, ce qui nous permet de nous identifier à lui, de mieux comprendre ses émotions et son ressenti. Tout en créant également une forme assez intimiste, comme si on entrait dans son monde intérieur.

Le titre, donc, s’avère lui aussi très subtil, dans la mesure où il nous indique que Jim se trouve au centre du monde d’Aymeric. Narrateur de cette histoire, il la raconte telle une forme d’odyssée, celle d’un père qui n’était pas destiné à l’être. Il passe par de nombreuses étapes : joie de la naissance, éducation et création d’un lien fort, jusqu’à la séparation forcée… La vie d’un père n’est pas simple, ce d’autant plus lorsqu’aucun lien du sang n’existe. On a ainsi l’impression qu’Aymeric en fait deux fois plus, tant il est attaché à Jim, avec pourtant cette épée de Damoclès qui flotte au-dessus de sa tête : Florence ne semble pas toujours très stable et pourrait décider de partir à tout moment. Aymeric n’ayant aucun droit légal sur l’enfant, on se doute des conséquences que cela pourrait avoir… Le Roman de Jim nous raconte ainsi une belle histoire de vie, simple, bouleversante, profondément humaine. Un véritable coup de cœur.

Fabien Imhof

Référence :

Le Roman de Jim, d’après le roman de Pierric Bailly, réalisé par Arnaud et Jean-Marie Larrieu, sortie en salles le 14 août 2024.

Avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin…

Photos : ©SBS Productions

[1] Précisons ici que nous n’avons pas lu le roman de Pierric Bailly, difficile donc de juger si le film est fidèle ou non.

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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