Les réverbères : arts vivants

Madame Fraize s’éclate à ToineX

Le Festival Assemblage’s accueillait vendredi 4 octobre Marc Fraize, pour son nouveau spectacle, Madame Fraize. Le pendant féminin de son précédent personnage, Monsieur Fraize, en totale opposition avec ce dernier, s’est amusé avec le public, entre absurde et émotion.

C’est accompagnée de notes de piano que Madame Fraize se présente, d’abord devant la scène, avant d’y monter, s’installant derrière un micro sur pied. Un micro qu’elle déplacera d’ailleurs bien vite, non sans prendre le temps de le ranger en enroulant consciencieusement le câble, pour le remplacer par le petit tabouret sur lequel elle se tiendra durant la majeure partie de la soirée. Dans son élégante robe verte et avec son improbable perruque dont pas un cheveu ne bouge, elle s’adresse au public de ToineX – insistons bien sur la prononciation du X, façon parisienne – en enchaînant anecdotes historiques hasardeuses et autres récits de vie plutôt touchants.

La maîtrise de l’absurde

Comme avec son précédent personnage, Marc Fraize propose un spectacle qu’on pourrait classer dans le domaine de l’absurde. Seulement, là où Monsieur se montrait timide et peinait à prendre la parole, Madame est tout le contraire. Elle est une femme affirmée, sûre d’elle, qui n’hésite pas à prendre son public à parti. C’est qu’elle a tout d’une diva, cette Madame Fraize, du moins dans son allure : longue robe verte échancrée sur la jambe gauche, brushing parfait, longs gants roses… oui mais, et s’il s’agissait plutôt de gants en caoutchouc, du genre de ceux qu’on utilise pour faire la vaisselle ? On le perçoit immédiatement dans son costume : un décalage est présent. Et ses propos ne feront que le confirmer. Elle aime parler, de tout et de rien, commençant par l’invention – supposée au Moyen-Âge – du lave-vaisselle, en passant par l’achat d’une fontaine zen pour son mari, jusqu’à une histoire de cerf-volant qu’il a fallu des heures pour démêler.

Durant une heure et demie, Madame Fraize nous embarque donc dans son univers parfaitement absurde. Elle n’hésite ainsi pas à faire de nombreux allers-retours vers le fond de scène, où son verre d’eau, à pied – une diva on a dit ! – l’attend et qu’il lui a fallu un certain temps pour remplir, dans un grand bruit d’eau qui coule de la carafe. Le moindre de ses gestes est calculé, entre absurde et comique de répétition. En témoigne cette manière qu’elle a de s’asseoir sur son tabouret, en prenant bien soin de prendre une pose élégante, quitte à s’y reprendre à dix fois s’il le faut. Sa manière de raconter ses histoires concorde également avec cela : ses récits prennent parfois des chemins particulièrement tortueux, à l’image de cette première histoire dans laquelle elle nous raconte comment les femmes au Moyen-Âge se réunissaient pour laver leur vaisselle en bois – l’énumération de tout le matériel y passe d’ailleurs – au lavoir, à un jour de marche. Et que se passait-il si on oubliait le Paic ? On vous laisse le soin de le découvrir. Bref, tout cela pour nous raconter l’invention du lave-vaisselle au Moyen-Âge. Évidemment, bien que l’on rie aux éclats, on se demande où elle veut en venir avec ce genre d’histoire, d’autant plus que ce n’est pas la seule qu’elle nous narre.

Une vie touchante

Si on en restait là, avec la seule dimension absurde, le spectacle tournerait bien vite en rond, comme Madame Fraize sur son tabouret. C’est là où l’écriture de Marc Fraize s’avère particulièrement fine. À travers ses histoires totalement décalées, Madame Fraize nous dévoile en réalité une métaphore de la vie de couple. Celle-ci arrive d’abord par bribes, à l’image de cette histoire de lave-vaisselle, de manière assez générale. Avant de dériver sur sa propre histoire, sa relation à son mari, avec ses hauts et ses bas, la façon dont elle aime le surprendre pour entretenir la flamme, même si cela ne marche pas toujours ; le moment où iels ont failli se séparer, pour mieux se retrouver… Au final, c’est au parcours classique d’un couple qu’elle nous convie, derrière l’apparente légèreté de son propos. Et ce n’est pas donné à tout le monde de parvenir à raconter tant de choses, et de nous toucher, tout en nous faisant rire tout au long de la soirée. Sans oublier la jolie surprise, en chanson, pour clore le spectacle, et une réinterprétation tout en douceur, en piano-voix, d’un gros succès du R’n’B français des années 2000. Mais ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus…

Un grand merci, donc, au Festival Assemblage’s pour ce bel accueil. On parle bien de celui de Madame Fraize, qu’on a eu beaucoup de plaisir à découvrir, et qu’on espère revoir sur nos terres genevoises, à ToineX (il paraît qu’en fait on dit Troinex, mais Madame Fraize va tout de même vérifier cette information). On parle aussi du nôtre, grâce aux organisateur·ice·s et aux bénévoles, toutes et tous très chaleureux, où tout était rondement mené, des indications concernant le parking, à la gestion du placement dans la salle, en passant par le service au bar-restaurant. Le Festival Assemblage’s a de l’avenir, et le public venu nombreux ne s’y est pas trompé !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Madame Fraize, de Marc Fraize, le 4 octobre 2024 à la salle des fêtes de Troinex, dans le cadre du Festival Assemblage’s.

Mise en scène : Marc Fraize

Avec Marc Fraize

https://assemblages.ch/programme/marc-fraize-2/

Photos : ©Giovanni Cittadini Cesi (banner et photo assise) et ©Sébastien Marchal (photo debout avec le bouquet)

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *