Masterclass d’écriture avec Rim Battal (1)
Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !
La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !
Aujourd’hui, nous vous proposons plusieurs textes issus d’un atelier avec la poétesse marocaine Rim Battal. L’enjeu ? Écrire à partir d’images inspirées de sites X.
Attention : réservé à un public averti !
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Heels on pole.
La musique en moins.
Les mains en moins.
Les yeux en moins.
Mais les liens en plus.
Les seins en plus.
Le sexe en plus.
L’un dans l’autre, trois contre trois, ça s’annule.
L’un dans l’autre, un contre un, il capitule.
Chiara Glorioso
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PhéniX
Pour les lubies lubriques d’un œil
qui n’est pas bandé, lui
on m’a dénudée, dénuée
de visage, de vision, d’identité
On m’a laissé mes chaussures –
question de décence
Ligotée par des tours et des tours
de corde, courroies corrosives
qui tournent et tournent comme une litanie
qui rabaisse, qui enferme, qui laisse des marques
dans ma chair, comme dans celle du gigot
ou de la sainte sur le bûcher
Je vais moi aussi prendre flamme – femme,
c’est ce qu’on attend de moi
mourir dans le feu
d’un désir de moi
qui n’est pas le mien
Coralie Leuthold
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Toutes des mot-clefs
Mot-clef du jour : #bdsm #mature #hard
La chaise en bois comme seul support, le dos cambré vers l’arrière, on a noué mon corps à plusieurs endroits pour le tenir en place.
#bondage
Je ferme les yeux, pousse un gémissement et rejette la tête en arrière, faisant retomber mes boucles brunes.
#brunette
Je prends une lente inspiration, entre deux petits bruits, qui fait vibrer ma poitrine et remonter mes tétons tendus.
#smalltits
J’avale difficilement ma salive, gênée par le bâillon dans ma bouche, et gémis une nouvelle fois. On repousse mon string sur le côté, exposant mon sexe à la vue de tous. Je suis habillée, mais autant ne pas l’être : une porte-jarretelle et des bas, rehaussés d’escarpins noirs vernis, c’est mon cosplay du jour.
#hotstudent
J’ai terminé mes études il y a un moment, mais bon, je fais jeune, alors, ça s’exploite. Hier, on s’est concentré sur mon cul.
#anal
La semaine passée, je soignais deux patients. #threesome
Et la fois d’avant, on a mis en avant mes origines. #latina
Bref, c’est mon travail : être un nouveau mot-clef tous les jours. Je suis fantasme et je suis fantastique. Il y a des hashtags que je préfère, il y a des hashtags que je déteste, mais finalement, ce que j’en pense, on s’en fout, non ? Un jour peut-être, j’aurais passé tous les mots-clefs en revue, j’en aurais un index complet. Un jour peut-être, j’aurais incarné suffisamment de personnages pour trouver la clef de mes maux, mais c’est un autre sujet.
Merde, j’ai oublié de gémir.
Je gémis. #fuck
Morcane Sancosme
Vous souhaitez découvrir d’autres textes produits dans cet Atelier ? N’hésitez pas à vous rendre dans nos pages numériques… et à découvrir une sélection-florilège sur L’Exultoire (le site de l’Atelier).
Photo : © Bessi
