Les réverbères : arts vivants

Mégères et Pépères divorcent !

…et surtout pour le pire ! dans une mise en scène de Christophe Bisiot – une plongée dans la conciliation de divorce par consentement mutuel ou presque. La troupe amateure Jeux d’Rôles se produit à la Salle La Plage, (ferme Marignac) jusqu’au 30 novembre.

Deux couples aux noms de famille homophones se retrouvent par négligence à la même heure en séance de conciliation dans le bureau d’un juge plus épris de sa chatte que de justice. Le rapprochement improbable des deux situations de crise, crucifiées par des paquets de clous de mauvaise foi, sera ramené au bon sens par un aquatique artisan qui vient, malin, jouer la coccinelle de Gotlib.

Dans cette comédie de Viviane Tardivel, il est facile à chacun de pouvoir s’identifier aux quatre héros, tant le divorce est devenu une étape de la vie courante, comme un premier râteau ou le premier cheveu blanc. Vaste programme, donc, que d’appréhender ce thème avec un nouvel éclairage, tant les projecteurs sont braqués sur le sujet, et ne sont pas prêt d’être éteints.

Sur scène, la table ronde des négociations trône au centre du bureau du juge : un objet de bois massif qui donne au décor la solennité dont la justice doit être drapée, et puisqu’il faut du contraste dans une comédie, la plomberie s’invite, récalcitre, hoquette et surprend. Ici, le metteur en scène utilise avec intelligence les possibilités de l’éclairage (rétro en fond de scène, plongeant en fond de salle) afin d’augmenter l’espace de jeu. On le voit, c’est la puissance de la simplicité au service la convention théâtrale. C’est noté et apprécié.

Un écueil pourtant. À l’image de la coquille Saint-Jacques dont la position en creux ou en dos symbolise soit la déesse Vénus, soit le Chemin de Compostelle, un bureau face ou dos à un mur symbolise soit le huis-clos de l’écrivain, soit l’imposition du pouvoir. L’avant du bureau face au centre scène, le bureau ainsi placé, aurait augmenté la dignité du lieu et créé un espace plus privatif au juge.

Dès les premiers dialogues, l’histoire avance par à-coups de vacheries et grandes enjambées de coups bas. Ici, la méchanceté ravit. Ça tombe comme à Gravelotte ! Une sorte de jeu : je te tiens, tu me tiens par la barbichette, dont un seul des deux joueurs de chaque couple distribue les baffes. La règle du jeu vengeur est donnée et l’on s’attend à ce que le juge tranche tout cela afin que l’histoire trouve son élément déclencheur. Force est de constater que l’homme n’est pas un « shérif » et que sa tiédeur anime une histoire qui avance, mais qui ne démarre pas vraiment. Certes, les traits fusent, les invectives sont balancées avec humour tandis qu’une plombière en bleu de chauffe, parfois chafouine, une sorte Jiminy Cricket déguisé en Mario jette de l’huile sur le feu ou oint les personnages de bon sens paysan. Cependant, une suite de situations ne fait pas toujours une histoire.

On le sait, le divorce est générateur de passions tristes telle la colère, la tristesse ou la peur. Cependant, il s’agit d’états affectifs profonds dont l’expression aurait tout à gagner en jouant sur les nuances. Pas simple avec un texte qui en contient peu et qui mélange les couples comme une machine à laver.

Dans cette comédie, tout le monde perd quelque chose : son chat pour le juge, leur superbe pour les tenants de l’eau chaude, leurs craintes pour les tenants de l’eau froide et sa clé de douze pour le plombier. La question étant de savoir ce qu’ils y trouvent ? La paix, l’amour ? Oui et heureusement, ils les trouvent, mais comme un prévisible deus ex-machina de fin.

Les scènes se suivent à un bon rythme souvent linéaire, habitées par des comédiens qui dès les premières dates du spectacle affineront sûrement la palette infinie des différents degrés des passions humaines générées par ces instants philosophiquement tragiques que sont les divorces où chacun, témoin, victime ou acteur de ces déchirements, peut se retrouver.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

… et surtout pour le pire, de Viviane Tardivel, du 19 au 30 novembre, à la Ferme Marignac, Grand-Lancy

Mise en scène : Christophe Bisiot  

Avec Pierre Beetschen, Rachel Grand, Florence Hammer, Chaqib Ibnou-Zekri, Alexia Leyval, Julien Rochat

Photo : © Jeux d’Rôles

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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