Le banc : cinéma

Old ou les étranges pouvoirs de la plage

Mercredi 21 juillet sortait le dernier film de M. Night Shyamalan. Après s’être un peu perdu, le réalisateur indien est revenu en force avec Split et Glass. Old, le petit dernier, s’inscrit dans la droite lignée de ses dernières œuvres, où tout est réuni pour faire frissonner le public.

Guy (Gael García Bernal), Prisca (Vicky Krieps) et leurs deux enfants s’apprêtent à passer des vacances de rêve dans un nouveau club de vacances que Prisca a découvert par hasard, en allant chercher des médicaments à la pharmacie. Le directeur de l’hôtel, pris de sympathie pour la petite famille, leur propose de les envoyer sur une plage privée, au cœur d’une réserve naturelle, une « anomalie de la nature », comme il l’aime à l’appeler. Dans le minibus, ils sont rejoints par une autre famille, et retrouvent sur place Mid-Sized Sedan (Aaron Pierre), un célèbre rappeur, ainsi qu’un couple qui arrive avec un peu de retard. Bien vite, après avoir découvert le corps de la jeune femme qui accompagnait Sedan depuis la veille, la joyeuse troupe se rend compte que cette plage n’est pas comme les autres. Une demi-heure sur place équivaut à deux heures dans la réalité. Iels comprennent dès lors qu’iels n’ont pas été choisi·e·s au hasard. Leur point commun ? Toutes et tous souffrent d’une maladie : épilepsie, myocardie, schizophrénie, problèmes de caillots sanguins, cancer… Mais pourquoi les a-t-on amenés là ? Et surtout, comment quitter cet endroit, quand toutes leurs tentatives débouchent sur un évanouissement, le cerveau ne supportant pas le changement de pression dû au défilement du temps ?

Une ambiance angoissante

M. Night Shyamalan nous a habitués à évoluer dans des atmosphères angoissantes, que ce soit dans Split et ses dix personnalités, ou, plus anciennement, dans The Village et cette communauté autosuffisante attaquée par des bêtes sorties des bois… Old ne déroge pas à cette règle, et tout est mis en œuvre pour créer la peur chez les spectateur·trice·s. Il y a d’abord ce mystère qui entoure l’île : pourquoi les a-t-on amenés ici ? Iels ne le comprendront que trop tard, alors que la plupart des personnes sont mortes : de vieillesse, d’évanouissement en tentant de s’échapper, ou en succombant à leur maladie ou leur folie, dans le cas de Charles, le médecin schizophrène. Les plans du réalisateur y contribuent également. Lors de l’arrivée de la famille à l’hôtel, par exemple, tout est filmé de loin, à travers les vitres de la chambre, comme si on était à la place de quelqu’un qui les espionnait ou les surveillait. On citera également ce moment où les trois enfants jouent sur la plage et que la scène paraît presque être filmée au smartphone, tenu à la main, avec toutes ses vibrations et l’absence de stabilité, jusqu’au plan fixe final sur le visage de Kara, la fille de la seconde famille, grâce auquel on peut lire la peur dans ses yeux. Pour ajouter encore à cette ambiance, iels comprennent rapidement que quelqu’un les observe, après avoir vu un objet briller au sommet d’une colline adjacente. Avant le dénouement final, aucun indice sur les raisons de leur présence n’est donné. Nous sommes donc, comme eux, complètement désemparés, à tenter de comprendre ce qui se passe, au gré des indices parsemés au cours du film. On reconnaît bien là la patte de M. Night Shyamalan, qui n’en dévoile jamais trop à ses spectateur·trice·s, empêchant celleux-ci d’être omniscient·e·s.

Un questionnement psychologique

Outre l’intrigue principale, c’est le vieillissement qui est également questionné dans Old. Le titre fait bien évidemment référence à l’âge, et les interrogations qu’il entraîne sont nombreuses, notamment sur le développement psychologique de chacun·e. C’est particulièrement frappant chez les enfants : Maddox passe rapidement de 11 à 16 ans, avec toute l’évolution que cela implique chez une jeune femme, notamment dans les changements de son corps, qu’elle n’a pas le temps d’assimiler. On sait à quel point l’adolescence peut être une période compliquée, alors quand celle-ci se passe en à peine quelques heures… Et quand Kara, six ans au début du film, tombe enceinte, avant d’accoucher d’un enfant qu’elle n’a pas le temps de nourrir, sa psychologie n’a pas vraiment eu le temps d’évoluer. Devenir mère et voir son enfant mourir presque instantanément, c’est déjà difficile, mais quand on a l’esprit d’une enfant de six ans, cela devient vite insurmontable ! Au niveau des adultes, la plus intéressante est sans doute Chrystal (Abbey Lee), obnubilée par son apparence et la peur de vieillir. Elle, qui souffre d’une maladie liée au calcium, se retrouve dans son pire cauchemar, sans avoir le temps d’accepter son évolution. Elle est sans doute le reflet de nos peurs les plus enfouies, et celle de vieillir en fait sans aucun doute partie, à plus ou moins grande échelle selon la personne.

Un problème de rythme

On reprochera toutefois à Old son rythme, entre l’intrigue et le dénouement. Alors que le mystère s’épaissit lentement, tout en voyant le temps passer rapidement pour les protagonistes, paradoxalement, on a le temps de se poser les questions sur la raison de la présence des personnages ici, sans trouver vraiment de réponse. Celles-ci arrivent dans les dix dernières minutes du film, et l’équilibre entre tout ce qui a été mis en place et son explication peine ici à convaincre. On aurait souhaité plus de détails, plus d’explications. Car si les raisons sont finalement très claires et compréhensibles, elles amènent de nouveaux questionnements, qu’on n’évoquera pas ici, de peur de spoiler la fin. Il nous faut toutefois souligner que l’issue du film, par sa rapidité, est quelque peu frustrante.

Old n’en demeure pas moins un excellent film, du M. Night Shyamalan pur jus, avec cette angoisse latente durant plus d’une heure et demie. Le réalisateur indien renoue avec ce qui a fait son succès, pour notre plus grand bonheur !

Fabien Imhof

Référence :

Old, de M. Night Shyamalan avec Gael Garcá Bernal, Vicky Krieps, Rufus Sewel, Alex Wolff, Thomasin McKenzie, Abbey Lee, Nikki Amuka-Bird, Ken Leung, Eliza Scanlen, Aaron Pierre… États.Unis, 2021 (sortie en salles le 21 juillet 2021).

Photo : © Universal Pictures

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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