Parents d’élèves de Noémie Saglio : ces grands enfants
À l’heure de la rentrée scolaire, Noémie Saglio nous emmène à l’école avec Parents d’élèves. Vincent, un trentenaire adulescent gagne sa vie en gardant des animaux de compagnie. Quand sa voisine lui confie la garde de son enfant, il n’a ni les codes ni les compétences pour s’en occuper mais s’exécutera bon gré mal gré, quitte à outrepasser son mandat…
Chat, tortue, cochon d’Inde, cacatoès… l’appartement parisien de Vincent (Vincent Dedienne) est un véritable zoo. Le jour où sa voisine, une mère célibataire très investie dans sa carrière lui confie Bart (Oscar Pauleau), son fils de dix ans, Vincent accepte. Son contrat est clair : il doit emmener l’enfant dans sa nouvelle école et le rechercher à la fin des cours. Sur un malentendu, tout le monde prend Vincent pour le père de Bart. Pour différentes raisons ces deux ne démentiront pas. Épris de Nora (Camélia Jordana), l’institutrice de Bart, Vincent se rendra à toutes les activités parascolaires dans le but de passer du temps avec elle. À la piscine comme lors d’un jeu de piste en forêt, il redoublera de fantaisie pour attirer le regard de Nora, s’intégrant peu à peu dans la vie scolaire jusqu’à devenir délégué des parents d’élèves. Quelles seront les réactions de ceux-ci lorsqu’ils apprendront que Vincent n’est pas le père de Bart ?
Un film familial qui reste en surface
Des enfants, des adultes et une maîtresse de classe: voici la composition de ce film, dont le mélange infernal a de quoi augurer plein de rebondissements. Le spectateur familier avec le cinéma d’Eric Toledano et d’Olivier Nakache ne pourra s’empêcher de se remémorer leur excellente comédie Nos jours heureux (2006) dont le dernier long-métrage de Noémie Saglio semble en partie inspiré. Grâce à un scénario et un casting impeccables, les réalisateurs avaient réussi le pari de plaire à un public adulte tout en restant ludique et abordable pour un public enfantin.
Dans Parents d’élèves, Noémie Saglio use des mêmes ingrédients, et y parvient également, l’effet de surprise en moins. Son film illustre des parents d’élèves, dans un registre certes pas très subtil mais assumé. On retrouve la palette habituelle des parents : l’angoissé, le misogyne, le tête-en-l’air, le sérieux, l’immature, l’organisé. Tous ces adultes se chamaillent gentiment concernant l’éducation des enfants dans un terrain un peu attendu mais bon enfant.
Du côté des enfants, les caractères sont eux aussi tous représentés, du timide à l’extraverti en passant par celui qui pose des questions auxquelles il est impossible de répondre. « Pourquoi les doigts des mains ont-ils tous un nom alors que les doigts de pied n’en ont pas ? » ou encore « pourquoi glander et rien glander veulent dire la même chose ? » On le devine, beaucoup de tendresse se cache au détour de ces échanges qui rappelleront à chacun des souvenirs d’école.
Film familial oblige, certains thèmes, pour qu’ils soient accessibles à toutes les générations, ne sont soulevés qu’en surface et sous forme de sous-entendus. La question des rôles parentaux dans une perspective de genre est par exemple fréquemment abordée sous forme de clins d’œil humoristiques, sans pousser la réflexion au-delà pour autant.
Des dialogues légers et une alternance de rythmes entre des scènes courtes et longues rendent le film plutôt dynamique et ne laissent pas au spectateur le temps de s’ennuyer.
Vers une nouvelle forme de discrimination scolaire ?
Si les préoccupations des enfants du film ne semblent pas bien différentes de celles qu’ont connues les générations précédentes, Bart, lui, est cependant confronté à une problématique plus récente, celle de ses origines en laboratoire. Qui est son père ? Comment a-t-il été conçu ? Le film esquisse une réflexion sur la façon dont les enfants gèrent la question de la procréation médicalement assistée. Moqueries, honte, anormalité, voici quelques-uns des éléments évoqués dans ce film qui ne prend pas parti, laissant à chacun le soin de se faire sa propre opinion. Volonté de la réalisatrice de banaliser le thème ou idée de faire passer un message personnel ? Difficile à dire. Si le cinéma s’est déjà largement fait l’écho du thème du racisme à l’école (on se souvient par exemple du drame américain Écrire pour exister de Richard LaGravanese, 2007), Parents d’élèves soulève quant à lui la question d’une nouvelle forme de discrimination, aussi basée sur les origines, mais en éprouvettes cette fois-ci. Preuve en est, s’il en faut, que si les constellations familiales changent, tout écart à la norme reste marginalisé et que le chemin jusqu’à l’acceptation pour quiconque sort du cadre n’est jamais simple.
Parents d’élèves est une comédie qui ne révolutionne pas le genre mais dont la sauce prend néanmoins, notamment grâce à la présence pétillante de Camélia Jordana. Ceux que l’idée de la reconversion artistique rebutent, pourraient bien revoir leur copie car en bifurquant de la chanson à la comédie, Camélia Jordana a tout bon. Au niveau du casting, on relèvera aussi la contribution très comique de Samir Guesmi, qui en père autoritaire, de mauvaise foi et misogyne en diable sera celui que le spectateur va adorer détester. Un vrai feel-good movie dont le pari de divertir est réussi, et qui en ces temps incertains plaira à ceux qui souhaitent amener un peu de légèreté à leur quotidien.
Valentine Matter
Référence :
Parents d’élèves, Noémie Saglio (sortie en salle le 7 octobre 2020)
Photo : © Stéphanie Branchu (https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Parents-d-eleves-Vincent-Dedienne-et-Camelia-Jordana-font-leur-rentree-dans-la-bande-annonce)