Plongée avec la Cie du Squale
Pour la deuxième saison, dans le cadre d’un partenariat, la Pépinière produira des reportages sur les créations programmées au Théâtre Saint-Gervais afin de documenter les méthodes de travail des artistes.
Pour la reprise après les vacances de Pâques, le Théâtre Saint-Gervais accueillera la Cie du Squale avec Requin, adapté du roman de Bertrand Belin. Laure Hirsig en signe l’adaptation et la mise en scène. Plongée au cœur d’une répétition, à une semaine de la première.
Lorsque Laure Hirsig découvre Requin, par hasard, lors d’un vide-grenier, elle est immédiatement frappée par cette histoire. Requin, c’est l’histoire d’un homme qui se noie. Durant ce moment de perte, des pensées surgissent, des réflexions sur la vie et la mort, sur son passé. Un texte « à la beauté dérisoire, à l’humour dérisoire[1] ». Sur la scène, dans son adaptation, on retrouvera le présent de cet homme en train de couler, tandis que graviteront autour de lui son passé à seize ans et Le Nixe, un personnage plus allégorique, marqué par la musique et la corporalité, qui le manipulera.
Lorsque j’arrive au Théâtre, le 12 avril, lors d’une répétition, Laure Hirsig me prévient que le spectacle est encore « en plein chantier ». L’après-midi est consacrée à des tests de lumière, de décor et de son, à travers deux scènes qui se trouvent plus ou moins au milieu du spectacle. Rien n’est terminé. À ce moment-là, le décor s’apparente à une grande bâche de plastique transparente en fond de scène et un coin pour la musique jouée live en fond de scène, côté cour. Avant que la scène ne se joue, Laure Hirsig donne quelques indications d’organisation, chapeautant le tout, mais en laissant la liberté aux responsables lumières de faire quelques essais. Une manière de bien percevoir le rôle de la metteuse en scène, qui doit avoir un regard sur tout, amener sa patte, tout en ouvrant un espace pour chercher en concertant les concepteurs. C’est une impression importante que me laisse ce moment d’observation : la Cie du Squale travaille véritablement en équipe, où tout le monde s’écoute, tente de trouver des solutions pour que le rendu soit le meilleur possible, par rapport aux souhaits de mise en scène.
Cet après-midi-là, la priorité est donc donnée au son et à la lumière : il faut apprivoiser l’acoustique de la salle, si différente de la salle de répétition, régler les bugs et autres interférences… Il faut de surcroît trouver le juste équilibre entre la musique jouée live par François Revaclier, celle diffusée et la voix des comédiens Eliot Sidler et Vincent Coppey, au niveau des volumes notamment. Les discussions portent également sur les enchaînements des ambiances lumineuses et des notes de guitare, selon l’interprétation du musicien. Reste alors à régler les micros pour alterner les moments de murmures et ceux où la voix est projetée plus fortement, réfléchir à comment mettre en valeur chaque moment. Sur la scène, on cherche les mouvements du texte, à quels moments placer les accélérations musicales, les montées en puissance, trouver les bons effets de son et de lumière. On insiste encore sur le fait que les notes de musique doivent aller avec les états et sensations du personnage.
Les scènes sont reprises, rejouées pour tester différents effets, trouver ceux qui conviennent le mieux et pouvoir réfléchir après coup à la manière de les affiner encore. L’équipe débriefe après chaque scène, dans un moment d’échange. Et si tout n’a pas besoin d’être réglé sur le moment, on réfléchit, on se questionne, sur les pistes à creuser, à retenir, à tester…
On travaille aussi la gestuelle, les timings des déplacements. Tout est réfléchi pour donner un effet naturel, qui concorde entre le jeu des comédiens et les transitions musicales et lumineuses. Le tout n’est d’ailleurs pas facilité par les douleurs dorsales d’Eliot Sidler ce jour-là. Le comédien, qui endosse le rôle du passé de l’homme, dévoile une partition très physique, où son corps est souvent mobilisé. Il faut pourtant le préserver, pour ne pas aggraver sa blessure. On perçoit ici toute la bienveillance de l’équipe, cette façon de prendre soin les un·e·s des autres, tandis que l’acteur donne le maximum, malgré ces conditions physiques difficiles. Une équipe motivée, qui prend très à cœur ces répétitions, et qui témoigne d’une envie de transmettre au public les émotions ressenties à la lecture du texte.
Quant à comprendre le lien avec le Requin du titre, on vous laisse le soin de le découvrir, dès le 20 avril prochain…
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Requin, d’après le roman de Bertrand Belin, adaptation de Laure Hirsig, du 20 au 30 avril 2023 au Théâtre Saint-Gervais
Mise en scène : Laure Hirsig
Avec Vincent Coppey, Eliot Sidler et François Revaclier
https://saintgervais.ch/spectacle/requin
Photos : © Laure Hirsig (banner et inner 1) et © Gaëtan Besnard (inner 2)
[1] Extrait du dossier de presse