Les réverbères : arts vivants

Plongée sous l’Océan au TMG

Du 22 octobre au 5 novembre, les planches du TMG changent d’écosystème. Grâce à la Cie Succursale 101, venez découvrir les mystères qui se cachent dans les replis des vagues – jusqu’au plus profond des abysses. Océan, une pièce dès 2 ans, à hauteur d’enfant… ou de poisson ! 

Ça commence presque comme un récit initiatique. Sur une plage, une fillette (Chiara Collet) s’amuse non loin de ses parents. Elle farfouille le sable, escalade les brisants… et déniche, entre deux récifs, un drôle de coquillage. Tout violet, délicatement torsadé. Ni une, ni deux, elle le ramasse. Mais il lui échappe… pour tomber dans l’océan ! Que faire ? L’abandonner, l’oublier ? Non ! C’est décidé : la voilà qui plonge pour le chercher. 

C’est le début d’un incroyable voyage, entre courants et marrées. 

Découvrir l’ailleurs 

Avec Océan, Angélique Friant (assistée de Léonor Illitch) signe un texte et une mise en scène tout en douceur. Tout coule, tout s’enchaîne – avec autant de fluidité que l’eau dans la mer. L’objectif ? Plonger le très jeune public (sans oublier les parents) dans un ailleurs merveilleux, celui du monde marin.  

Pour ce faire, la Cie Succursale 101 opte pour un environnement musical créée par Uriel Barthélémi, tout en suggestions douces – un peu comme si on collait notre oreille à un coquillage pour entendre l’écho d’une chanson. À cela s’ajoutent des couleurs attrayantes : les bleus, bien sûr, avec toutes leurs déclinaisons d’azur, indigo, outremer, turquoise… Au début de l’aventure, ils sont lumineux, traversés de soleil. Mais, à mesure que l’héroïne s’enfonce dans l’océan, les voilà qui s’obscurcissent… jusqu’à disparaître dans l’obscurité des abysses. Aux bleus se mêlent le vert accueillant des algues, le rouge orangé des coraux, le jaune d’un poisson qui se faufile, le violet d’étranges anémones – autant de couleurs qui témoignent de la vitalité d’un écosystème qui se dévoile, petit à petit.  

À la recherche du coquillage, la petite fille rencontre plusieurs habitant-es des lieux : un poisson-pierre assez peu sympathique, des méduses qui adorent danser, une baudroie abyssale à l’ampoule cassée… et même un terrifiant requin ! Certain-es l’aideront, d’autres lui ralentiront sa quête (mais jamais de façon fâcheuse, heureusement). Niveau imaginaire, ces interactions rappellent celles de La Petite Sirène de Disney (pour la richesse des décors), de Pinocchio (on atterrit dans le ventre du requin comme dans celui de la baleine) ou du Monde de Nemo (pour les différents biotopes rencontrés). Elles permettent aux plus jeunes de se familiariser avec des espèces et environnements parfois familiers, ou plus étranges. Respectueuse des lieux, la jeune humaine s’y balade avec délice, curieuse de tout ce qu’elle voit – exactement comme le public ! 

Cette volonté de dévoiler l’ailleurs n’est pas propre à Océan. En 2017, la Cie Succursale 101 emmenait déjà ses spectateur/trices dans un ailleurs lointain : l’espace et ses mystères, avec la pièce Éclipse (également présentée au TMG). 

Écosystème de techniques 

Histoire, couleurs et espèces rencontrées ne sont pas les seuls ressorts de ce dépaysement océanique. Pour nous plonger au cœur des embruns, Océan mise aussi sur de multiples techniques marionnettiques et visuelles. Une grande partie de l’histoire se déroule sur l’immense écran qui tapisse le fond du plateau : un film d’animation, conçu pour la pièce, y est projeté. L’esthétique rappelle celle de certains livres illustrés. On pense également à la technique du papier découpé que le peintre Henri Matisse a pratiqué dès le milieu des années 1940.  

À ce film, qui évolue au fil de la plongée, se superpose un théâtre d’ombres colorées : de fines tiges permettent de manipuler les silhouettes des différents personnages, peintes sur un support transparent que la lumière traverse. Projetées en gigantesques sur l’écran où se déroule le film, les ombres colorées prennent vie. La fillette nage, ses mains plongent dans l’eau, le coquillage lui échappe… Seul regret de cette technique : tout se fait hors-champ. La manipulation du théâtre d’ombres se déroule derrière l’écran ; nous ne percevons que le résultat final, projeté. Pourtant, on aurait bien voulu observer la mécanique de cette étrange superposition ! Mais il faut le reconnaître : l’avantage de cette disposition, c’est qu’elle permet une immersion totale du jeune public dans l’histoire, sans élément « parasite » risquant de les sortir du récit en leur révélant les dessous de la magie.  

Les marionnettes sont finalement assez discrètes dans Océan. On les retrouve essentiellement dans les très belles scènes des abysses, jouées sous des lumières noires – notamment avec une course-poursuite hilarante entre un prédateur-à-grandes-mâchoires (dont on ne voit que l’immense gueule qui s’ouvre et se ferme) et des bancs de poissons revanchards, bien décidés à ne pas se laisser avaler ! Une scène digne de Pixar, qui fait rire aux éclats autant qu’elle inquiète… jusqu’à ce que le prédateur glouton disparaisse. 

Vous l’aurez compris, Océan est une aventure joyeuse, douce et malicieuse, dans laquelle chacune et chacun aura plaisir à plonger – quel que soit son âge et son aptitude à nager ! 

Magali Bossi 

Infos pratiques : 

Océan, de la Cie Succursale 101, du 22 octobre au 2 novembre 2025 au Théâtre des Marionnettes de Genève 

Mise en scène et texte : Angélique Friant (assistée de Léonor Illitch) 

Avec Chiara Collet et Sylvain Ménard 

Illustrations : Élise Boual 

Création musicale : Uriel Barthélémi 

Construction : Catherine Hugot et l’équipe du spectacle 

https://www.marionnettes.ch/spectacle/ocean 

Photos : ©TMG 

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé. Elle aime le thé et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Présidente de l’association La Pépinière, elle est responsable de son pôle Littérature. Docteure en lettres (UNIGE), elle partage son temps entre un livre, un accordéon - et beaucoup, beaucoup d’écriture.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *