Pourquoi ont-ils vécu ?
Une question généalogique vue par le dernier de la liste – La 7G de Sébastien Grosset et Christian Geffroy Schlittler au Grütli, jusqu’au 19 février 2023.
Plonger dans la mémoire des familles ce n’est pas se diriger vers la vérité, c’est nager dans les mémoires recomposées des anciens. Sept générations, c’est aussi remonter d’environ 175 ans dans le passé, si loin que l’on en perd parfois le sens du temps, des époques, de l’Histoire. Dans le spectacle La 7G, les auteurs ont placé les choses selon le calendrier républicain (un calendrier créé pendant la Révolution française) qui ne se serait pas arrêté au 22 fructidor de l’an XIII soit le 9 septembre 1805. Dès lors, les repères sur la ligne du temps sont confus et le public est amené à se concentrer sur les sept témoignages de la ligne généalogique proposée.
Les sept cadres des ancêtres se présentent sous la forme d’écrans suspendus aux bords découpés telles des photos noir-blanc des années cinquante où sont projetés les sept anciens, tous interprétés par Christian Geffroy Schlittler. À cela il faut y ajouter un huitième cadre pour la dernière génération, bien vivante celle-ci : le dernier de la liste étant de fait le narrateur qui dans l’incipit du spectacle se demande lui, quelle est la part du futur qui l’attend. Verra-t-il l’homme sur Mars ? Le vaccin contre sida ?
Puis dans ses grandes interrogations, l’homme pivote à cent quatre-vingts degrés et présente sa mémoire généalogique. Ils sont tous là, sept générations, chacun inscrit dans son cadre et son temps évoquant d’une voix collective sa part de l’histoire de famille. Une première longue polyphonie pour un sens que le public avait compris rapidement.
« Le papa, du papa de mon papa ». Tout débute telle une chanson de Boby Lapointe à Port-Mort, un village de l’Eure en France, dans un temps où le calendrier révolutionnaire s’imposait. Le plus éloigné des anciens évoque son temps, sa vie, son monde et ses déchirures. On le sait, chacun est soliloqué par son histoire de famille et pour l’illustrer, deux, trois générations de Geffroy parlent en même temps du même sujet avec le temps comme décalage. La symbolique est évidente et évoque les cadavres dans les placards depuis l’armoire normande jusqu’au dernier modèle de chez Ikea.
Malheureusement, la polyphonie généalogique dure environ deux heures. C’est long, très long et l’on se perd à comprendre çà et là des bribes de texte que l’on peine à placer sur une ligne de temps ou de récit. Ce travail inconfortable type Pulp Fiction, un film de Quentin Tarantino est difficile et pour tout dire déconcerte et déconcentre un public las de travailler.
Le comédien joue les sept générations sur écran. Un choix de mise en scène qui nous prive de voir un artiste dans un spectacle vivant interpréter devant le public toutes les générations. L’interaction y aurait gagné et sûrement permis de placer des moments d’humour, même avec des choses lourdes. Ici, la malédiction familiale consiste à étouffer sous un coussin un membre de la famille et la chose s’est répétée jusqu’à la huitième génération qui, elle, a décidé d’y mettre fin.
L’idée du voyage dans le temps des anciens, de découvrir la part qu’ils nous ont laissé, de s’amuser des mémoires recomposées qui laissent de si belles histoires à raconter et un joli thème qui nous touche tous.
Dans ce spectacle, entre le meilleur : la qualité d’interprétation et le vraiment moins bien : la polyphonie, le spectacle s’écoule durant deux heures dans une dichotomie somme toute agaçante et, pour tout dire, décevante.
Jacques Sallin
Infos pratiques : La 7G, de Sébastien Grosset et Christian Geffroy Schlittler du 7 au 19 février 2023, au Grütli – Centre de production et diffusion des arts vivants.
Conception et jeu : Christian Geffroy Schlittler
Photos : © Loan Nguyen