Quand le cabaret rencontre le catch

Le 10 juillet dernier, à l’Orangerie, et pour la deuxième saison consécutive, le Cabaret B.E.T. s’est associé à la Geneva Total Wrestling, pour proposer un spectacle où le catch s’est mêlé à l’humour déjanté de Sophie Ammann, Nathaly Leduc et Camille Tavelli. Retour sur cette folle soirée.

Au départ de ce projet un peu fou, il y a une rencontre : celle du catch et du cabaret, deux univers hauts en couleurs et souvent mal considérés, car souvent mal connus. Ces deux pratiques « revendiquent une liberté de ton et une adresse directe au public », nous explique Pauline Raineri, comédienne et catcheuse (sous le nom de The Iconic Charlie). Le spectacle naît donc d’une véritable collaboration, où tout a été pensé pour que l’essence des deux univers demeure en dialoguant constamment. L’idée n’est donc pas uniquement de faire cohabiter deux pratiques, mais bel et bien de créer un tout cohérent, en croisant ce qui fait la force du catch et du cabaret sans les dénaturer, pour proposer « un format hybride et explosif », selon les termes de Pauline. « L’échange avec le catch nous nourrit énormément en tant qu’artistes », déclare Nathaly Leduc, l’une des responsables du Cabaret.

Si le catch regagne de l’intérêt depuis quelques années, son essence est parfois dénaturée dans certains milieux artistiques, comme nous le disent Pauline et Nathaly. Le théâtre ou d’autres formes s’en emparent, dans les codes et l’esthétique, sans consulter celles et ceux qui le pratiquent… au risque d’en oublier les corps, dangers et compétences que demandent le catch. Car, au-delà de la dimension spectaculaire de cet art, c’est aussi une pratique sportive très exigeante. En imaginant la soirée, chaque détail, des personnages à la mise en scène, en passant par la trame de l’histoire qui s’est jouée, a été réfléchi de manière à garder l’essence et l’énergie des deux pratiques : on retrouve à la fois la rigueur et l’exigence du catch, couplées à la folie du cabaret, pour créer un lien fort et unique avec le public. Ces deux cultures s’allient ainsi pour donner naissance à un projet inédit, entre une association qui existe depuis 15 ans et a « à cœur de transmettre la pratique du catch dans tout ce qu’il a de plus spectaculaire et engagé » (Pauline Raineri), et une autre qui propose depuis avril 2024 un espace pour les propositions les plus déjantées – mais toujours de qualité – l’occasion de s’exprimer.

Une soirée pleine de rebondissements

En ce jeudi 10 juillet, nous avons donc été accueilli·e·s par l’énergie débordante de la présentatrice Debbie (Nathaly Leduc), la journaliste Rachel (Sophie Ammann) et son fameux gimmick « That’s what I call great TV » et Micro, Micro (Camille Tavelli), en charge de recueillir les impressions des catcheur·se·s après leur combat. Nous avons donc pu assister à plusieurs combats, avec différentes règles, et notamment la première remise d’une double ceinture pour un combat en duo ! Entre les combats, des interviews ont été réalisées par Rachel, alors que le petit Luka (Etienne Tripoz) a pu enfin réaliser son rêve d’assister à des combats de catch. La soirée a également été marquée par l’intervention de Stanislas De La Colombière Jr. Jr., qui s’est d’ailleurs avéré être également – attention spoiler ! –  le petit Luka, un déguisement qu’il avait revêtu pour s’infiltrer dans la soirée et s’emparer du Théâtre. Même le co-directeur de l’Orangerie, Bastien Semenzato, a été dupé !

Après plusieurs combats et divers rebondissements, le clou du spectacle a été cette lutte entre les combattant·e·s corrompu·e·s et celles et ceux qui sont resté·e·s intègres, pour sauver le Théâtre de l’Orangerie menacé d’être remplacé par un parking… C’est avec cette trame narrative, qui nous a tenu·e·s en haleine, que le catch et le cabaret se sont alliés, pour proposer cette soirée unique !

Qualité au rendez-vous

On avait déjà pu voir divers talents de l’équipe du Cabaret le 26 juin dernier, et on n’a une nouvelle fois pas été déçu·e. Sophie Ammann, alias Rachel, a fait hurler de rire le public avec la répétition de son désormais iconique « That’s what I call great TV ». De son côté, Camille Tavelli nous a une fois de plus bluffé·e·s avec son amour pour le déguisement : outre Micro, Micro, elle a également incarné notre incontournable pote Assium, avec un hilarant costume de banane. Costume qui a d’ailleurs été particulièrement utile lors du combat final ! Relevons enfin Nathaly Leduc, alias l’imperturbable Debbie, à la recherche de l’amour, et particulièrement fan des cheveux soyeux de Ridha Haddaji. Elle s’est aussi montrée prête à en découdre lorsque Stanislas Jr. Jr. a tenté de la leur faire à l’envers. Le public ne s’y est pas trompé, l’encourageant à monter sur le ring, à grands renforts de cris d’encouragement ! On notera aussi son interprétation originale de A total eclipse of the heart, rapidement reprise en chœur par l’ensemble des spectateur·ice·s.

La foule s’est d’ailleurs enflammée pour les différents combats. À commencer par celui entre Raklor et son mentor Victor Díaz, 1^er champion GTW ! Après une lutte acharnée, le géant adepte de la communication a fini par enfin signer sa première victoire. On a enchaîné avec un irrespirable combat en duo, opposant les deux garants de l’ordre que sont Ditutala le Gardien Ancestral et Ryan Baker, et le duo déjanté à la chevelure soyeuse, composé de Chris Carter et Ridha Haddaji. Les deux chouchous du public – et de Debbie – l’ont emporté après un âpre combat, où la règle du relais n’a pas toujours été respectée. Ridha, déjà champion en titre de la GTW, a ainsi pu remporter une nouvelle ceinture, la première décernée dans cette catégorie ! Enfin, The Iconic Charlie, du haut de ses 160cm, et portée par la foule – elle a sans conteste remporté l’applaudimètre ce soir-là – s’est inclinée, sans démériter, face à l’extravagant Mike Lewis, qui a prouvé que le catch n’est pas incompatible avec l’élégance.

Surtout, ce qu’on a retenu, c’est la grande qualité des combats, où prises originales et impressionnantes figures ont été au rendez-vous. On doit l’avouer, on ne s’attendait pas à un tel engagement physique et à des performances aussi élevées. À noter que l’équipe du Cabaret a également participé, en commentant les combats pour donner quelques indications sur les différentes prises et les règles dont le public n’était pas forcément familier, mais aussi dans le combat final. On a été choqué de découvrir que le blond n’était pas la couleur naturelle de Rachel et Debbie ! Blague à part, toute l’équipe est parvenue à faire réagir le public, qui a brandi avec vigueur les différentes pancartes disséminées dans les gradins, a hurlé ses encouragements aux non-corrompu·e·s. L’énergie s’est transmise mutuellement et, s’il a fallu un peu de temps pour se mettre dedans – format hybride et inhabituel oblige – l’engouement a finalement été total, et tout le monde s’est pris au jeu. Qu’en conclure de plus qu’une réussite totale pour cette alliance entre le Cabaret B.E.T. et la Geneva Total Wrestling ?

À noter encore que le Cabaret B.E.T. proposera une dernière soirée à l’Orangerie, jeudi 24 juillet, en collaboration cette fois-ci avec Nadim Ahmed, Lionel Perrinjaquet et Alexandra Marcos. L’absurdité et l’énergie débordante du Cabaret retrouvera pour l’occasion l’intensité dramatique des telenovelas. Préparez-vous à une soirée riche en émotions fortes !

Fabien Imhof

La Pépnière souhaite adresser ses immenses remerciements à Nathaly Leduc et Pauline Raineri pour le temps pris à répondre à nos questions en vue de cet article.

Infos pratiques :

Le Cabaret B.E.T., version catch, en collaboration avec Geneva Total Wrestling, le 10 juillet 2025 au Théâtre de l’Orangerie.

Avec Sophie Amman, Nathaly Leduc, Camille Tavelli, Etienne Tripoz, The Iconic Charlie, Raklor, Victor Diaz, Chris Carter, Ridha Haddaji, Ryan Baker, Ditutala le Gardien Ancestral et Mike Lewis

https://www.theatreorangerie.ch/events/le_cabaret_bon_et_tonifiant_comme_lair_pur_de_la_nature_378

Pour en savoir plus sur les prochains événements de Geneva Total Wrestling : https://www.catchgeneve.com/

Photos : ©Karim Hammad