Le banc : cinéma

Reminiscence – Pulp science-fiction

Dans un futur proche, Nick Bannister est un détective privé spécialisé dans l’enquête de souvenirs et proposant à ses clients d’en revivre les moments heureux. Vétéran désabusé, sa vie bascule lorsqu’il rencontre Mae, chanteuse de cabaret. Sa disparition soudaine l’entraîne dans une enquête le conduisant dans les bas-fonds d’un Miami englouti par les raz-de-marée.

Reminiscence est le premier long-métrage réalisé par Lisa Joy, créatrice et productrice de, entre autres, la série WestWorld. On retrouve l’un des éléments qui en ont fait le succès : l’anticipation d’un futur sombre apparaissant aujourd’hui probable. La côte des États-Unis a été en partie englouti par l’élévation du niveau de l’eau causée par le réchauffement climatique. La population est alors condamnée à vivre la nuit afin d’éviter la chaleur insupportable du jour. L’effondrement de la société conduit certains à s’évader vers un passé plus heureux. Pour ce faire, ils recourent aux services de vendeurs de souvenirs comme Nick Bannister (Hugh Jackman) et de son assistante Watts (Thandiwe Newton). Ceux-ci leur permettent, à travers un procédé mélangeant hypnose et technologie, de revivre leur meilleurs souvenirs. Lorsqu’il enquête sur la disparition de sa compagne Mae (Rebecca Ferguson), chanteuse dans les quartiers pauvres, Nick se retrouve malgré lui plongé dans une affaire impliquant tous les niveaux de la société.

Reminiscence se propose d’explorer les codes du film noir à travers la lentille de la science-fiction. Le protagoniste principal rappelle évidemment le dick de Chinatown ou du Faucon Maltais. Nick évolue dans un environnement qu’il maîtrise et semble toujours avoir une longueur d’avance sur ses adversaires. La voix-off retranscrit le pessimisme et la désillusion des personnages perdus dans un monde futuriste mais sans avenir. Quant aux flashbacks, éléments centraux permettant de réinterpréter l’intrigue sous un nouvel-angle, il s’agit littéralement du fonds de commerce de notre héros. La ville, terreau du vice et inondée contrastant avec la campagne, havre de paix et préservée des eaux contribue également à renforcer cet attachement à correspondre aux codes du film noir. En ce sens, Reminiscence ne réinvente pas l’eau chaude.

Si originalité il y avait, elle serait plutôt à chercher dans l’application d’une esthétique futuriste. Il est en effet intéressant de voir une enquête se dérouler dans un monde nouveau à l’aide d’outils (encore) inexistants. En outre, l’idée d’un monde ravagé par les conflits causés par les changements climatiques, même si le film n’est pas le premier à explorer ce thème, tient tout de même la route. Les réfugiés climatiques forcés de vivre dans des taudis marécageux suite à un conflit dont on ne sait pas grand-chose si ce n’est qu’il est survenu à une frontière quelques années auparavant contribue à créer un climat oppressant où chaque rencontre faite au cours de l’histoire semble se relever d’un traumatisme. Concrètement l’ambiance n’est pas sans rappeler celle de Minority Reports (2002). La comparaison cependant peut s’arrêter là.

Reminiscence est un film qui semble bourré de bonnes intentions mais qui pêche par excès de zèle. Premier long-métrage de Lisa Joy derrière la caméra, son expérience des productions de série s’y fait lourdement sentir. Au niveau de la mise en scène, le film peine à convaincre tant celle-ci est molle et dépourvue d’originalité. Les plans s’enchaînent de manière un peu plate les uns après et les autres. On a littéralement l’impression de regarder un épisode de série transposé sur grand écran. Mentionnons ici toutefois la séquence de l’opéra englouti qui nous offre sans doute le plus beau moment du film. Si les séries peuvent se permettre certaines lenteurs sans que celles-ci ne pénalisent trop la narration, l’équivalent ne peut malheureusement pas être dit lorsqu’il s’agit d’un film. Le format de durée d’un film force à devoir dynamiser constamment l’histoire en maintenant le rythme nécessaire à son déroulement.

La narration elle-même est victime de ce formatage série. Également écrit par Lisa Joy, le scénario paraît être prêt à exploser tant il est rempli. C’est comme si son auteure avait originellement écrit Reminiscence pour le format série. Car si l’un des avantages des séries est de permettre un développement plus conséquent de l’histoire, l’art du film est au contraire celui de la synthèse. Dans ce cas précis, on se retrouve devant une histoire où une pléthore d’éléments narratifs s’enchaînent à une vitesse soutenue sans qu’on ait véritablement le temps de les apprécier. Il en résulte un sentiment de platitude tant la réalisatrice ne nous permet pas de nous attacher à ses personnages. Qu’il s’agisse de la guerre, de l’infâme drogue « baca », de l’opposition propriétaires terriens/peuple ou encore de la scène un peu ridicule du magasin de montres, l’impression alors d’avoir affaire à des concepts et personnalités vides de sens se fait sentir systématiquement. L’histoire aurait sans doute gagné à lâcher un peu de lest afin de réussir à décoller.

Reminiscence est le premier essai cinématographique de sa réalisatrice. Son expérience précédente se fait lourdement sentir. Il en ressort une impression de vide porté par une mise en scène quelque peu molle et des acteurs peu convaincants. Le film a cependant le mérite de proposer une idée originale et même quelques agréables instants cinématographiques. En d’autres termes, Reminiscence est un film sympathique mais qui pêche dans son exécution. Les deux heures passent sans qu’on s’ennuie. On peut toutefois émettre quelques réserves quant à l’intérêt d’un second visionnage. À voir lors d’un voyage pour les fans de science-fiction et de polars de gares.

Alexandre Tonetti

Référence : Reminiscence de Lisa Joy avec Hugh Jackman, Thandiwe Newton et Rebecca Ferguson, États-Unis, 2021 (sortie en salles le 25 août 2021).

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