Les réverbères : arts vivants

Sept idées plus une

De l’établi à la scène : Cabaret en Chantier, sept courtes créations dédiées à la marionnette présentée au Théâtre des Marionnettes de Genève, du 4 au 6 juin.

C’est rare les idées. Pour Einstein et de son propre aveu, il n’en a eu qu’une et heureuse, toujours selon lui. Cette rareté multipliée par sept plus une est présentée aux Théâtre des Marionnettes de Genève (TMG) pour une heure de bonheur, une heure qui n’est pas si répandue d’ailleurs.

Une de plus… C’est cette proposition intelligente faite aux artistes par le TMG, afin d’encourager comédien·ne·s, metteur·se·s en scène et platicien·ne·s à s’approprier tel que proposé : « le champ marionnettiste et à en explorer les nombreuses possibilités. »

Croisement de l’art et des métiers, la main rejoint ici l’esprit autour de l’établi.

Sept idées de spectacles présentées par des artistes qui désirent encore une fois se frotter au monde des marionnettes. Sept idées travaillées sur l’établi donc, avec celles et ceux qui savent ce que le monde animé par la main veut dire et implique. À voir les résultats sur scène, on ressent qu’ils sont issus de l’inspiration, certes, mais sans nul doute tout autant de la sueur. Car du travail, il y a dû en avoir tant ce qui est présenté est riche, divers, amusant et surprenant, le tout fort en émotions.

Il n’est pas prudent de rapporter ce qu’il s’est vu – ce qui est pourtant une part d’une critique – tant le risque de dévoiler est grand et dommageable. Cependant, on peut se risquer à évoquer quelques traits majeurs de ces sept beaux moments afin d’aiguiser la curiosité, ce qui appartient tout autant à la critique.

On découvre un premier tableau qui présente un espace étonnant, où il est possible de monter l’invisible avec cette touche de presque réel qui permet à chacun d’entrer dans la magie du monde d’un autre. Puis, en second, est présentée l’arborescence une rigidité familiale bien établie, qui sous l’influence légère de l’écriture – toujours pour quelqu’un – s’ouvre aux mots des autres. Il y a ensuite en troisième place, ô surprise, l’orgasme aérien d’une théière, moment cocasse qui comme le passage des trains, peut en cacher un autre. Quatrièmement, s’en suit le dévoilement – porté avec drôlerie et outil de menuisier – des mystères labyrinthiques de la pensée humaine portée devant les yeux de chacun·e. Autre élément cocasse en cinquième place, un enfant au goût culinaire effrayant qui tente, la bouche enfin vide de phalanges, de pousser la chansonnette. En six, se présente alors la douleur et l’émerveillement de l’infiniment petit dans des mouvements à l’image de la grâce d’une « danseuse espagnole », cet animal marin sorti du fond des mers.  Le spectacle se termine par une dictatrice, monarque acariâtre à la fureur aveugle, qui se délecte du délice des « couic » mortels.

La force de ces sept tableaux réside non seulement dans leur diversité de sujets et de techniques mais surtout de la concordance des deux, source de fortes émotions. Ce troisième atelier du genre qui clôt la saison tient sa promesse : « d’imaginaires, de rêves, et de liberté ».

Un très beau spectacle rare d’heureuses idées – à voir en pantalon ou culotte courte, en robe ou en jupe – qui présente la richesse non seulement du monde des marionnettes, mais aussi et c’est à saluer, la puissance du travail de la main et d’idées des artistes présents.

C’est avoir absolument, à découvrir évidemment, et à saluer richement.

Jacques Sallin

Info pratiques :

Cabaret en Chantier, au Théâtre des Marionnettes de Genève, du 4au– 6 juin 2021.

Guides marionnettiques : Alexandra Vuillet, David Girondin Moab, Isabelle Matter

Guide de construction et manipulation : Hector Loboguerrero

Artistes concepteurs : Rebecca Bonvin, Olivia Csiky Trnka, Joël Hefti, Carole Schafroth, Anne Schwaller, Sandy Tripet

https://www.marionnettes.ch/spectacle/250/cabaret-en-chantier

Photos : ©

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *