Les réverbères : arts vivants

Sérieux comme du Audiard

Femme.Fatale, de Thierry Meury – Une pièce qui aurait pu être en noir blanc – Un spectacle à voir jusqu’au 13 novembre au P’tit Music Hohl.

Thierry Meury fait rire. Il le dit lui-même, « Faire rire est mon fonds de commerce ! » et tellement que les spectateurs sont venus pour cela et ils ont eu raison. Seulement Thierry Meury sait surprendre, c’est là toute son arrière-boutique. Dans son spectacle : Femme.fatale, il obtient avec succès – entre deux rires généreux, une salle souvent silencieuse d’attention ; c’est tout l’art de ce commerçant des planches.

Avec Véronique Mattana, ils incarnent tous deux sur scène ce que le cinéma d’Audiard mettait en avant : des personnages de comptoir avec des mots que l’on aime voir. Un banc, un journal, une bouteille d’eau abandonnée constitue l’ensemble de ce qui va soutenir l’imagination des spectateurs.

Lui bougonne. Attendre n’est pas son fort. Alors, entre deux clopes, il rouspète, il râle, l’ancien facteur. Les CFF en prennent pour leur grade. Le personnage aurait été à un arrêt de bus, et c’est un autre service public qui était à la fête avec la même parfaite mauvaise foi totalement sincère ! Et comme tout être solitaire sur un quai de gare, il est dérangé par l’arrivée d’une voyageuse.

Taciturne, avare de mots, elle (Véronique Mattana) se place, assise dans l’intimité du quidam grognon non sans intention. Une très belle interprétation d’une Camarde – puisque c’est elle qui arrive avec une voix timbrée, grave et chaude telle Françoise Rosay (une des partenaires de Gabin) ainsi qu’une qualité de jeu qui n’a rien à envier à son illustre collègue.

Thierry Meury se projette. Voyageur de la nuit dans l’attente d’un train avant le point du jour, il patiente dans une gare qu’il pense sur terre. Cette rencontre qui n’est qu’un rendez-vous dans le monde d’Ouranos va le surprendre – la mort surprend souvent, étonne et secoue chacun lorsqu’il gagne « L’Euro-million de la Camarde ». Un gros lot dont on reçoit le ticket gagnant à sa naissance sans en connaître évidemment le jour du tirage.

Cette projection de la mort – personne n’y échappe dans son intimité – pas plus que la mise en scène de ses obsèques. Une des raisons sans nul doute de la forte attention des spectateurs qui portent leur écoute dans un silence de tombe sur la version publique des fantasmes thanatiques de Thierry Meury.

Très bonne idée, car le texte de Thierry Meury contient des virevoltes de dialogue, des surprises verbales, des phrases à la Audiard : Mourir et se faire insulter, c’est beaucoup à la fois ! Ainsi que des interprétations du monde et de ses peurs plus profondes. Puissant sur scène, il y a du Blier, du Brasseur. Il partage avec ces comédiens populaires français, la capacité à tout jouer.

Deux très bons interprètes genevois d’un texte, précis, sobre et efficace, pour une pièce qui aurait pu être en noir blanc tant l’ambiance y est contrastée.

Ici, on complimente la mort et parfois, on lui remonte le moral. La surprise n’est pas toujours du côté du gagnant de la loterie.

Jacques Sallin

Infos pratiques : Femme.Fatale  de Thierry Meury du 1er octobre  au 13 novembre  2021 au P’it Music Hohl.

Mise en scène : Thierry Meury

Avec Thierry Meury et Véronique Mattana

Photo : © P’tit Music Hohl

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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