Le banc : cinéma

Tracks : voyage réel et intérieur

Tiré d’un roman, lui-même tiré d’un article autobiographique, Tracks, sorti en 2013, raconte le périple de la « femme aux chameaux » à travers l’Australie en 1975.

Lassée de la vie en ville et des humains qui l’entourent, Robyn Davidson (Mia Wasilowska) décide de traverser l’Australie à pied, accompagnée de trois chameaux. La difficulté réside dans le financement de ce voyage. Finalement, sur les conseils d’un ami photographe, elle demande au magazine National Geographic de l’aider dans cette aventure. En contrepartie, elle doit écrire un article autobiographique – qui servira de base à son roman, puis au film – et est suivie par le photographe Rick Smolan (Adam Driver), qui la retrouve à intervalles réguliers pour documenter son aventure. Au final, nous la suivons sur plus de 3200km et ses nombreuses péripéties.

Découvrir l’Australie

Pour celles et ceux qui n’auraient pas forcément les moyens de voyager, Tracks s’avère être une excellente manière de faire connaissance avec l’Australie. Le voyage de Robyn la mène ainsi dans un élevage de chameaux, qui nous amène à comprendre pourquoi il y en autant sur le territoire, alors qu’ils sont originaires d’Afrique et du Moyen-Orient. Ils ont été introduits pour aider aux déplacements, mais dès l’arrivée des voitures, on les a délaissés, et ils vivent désormais, pour la plupart, à l’état sauvage, posant même quelques problèmes d’écosystème[1]. Durant son périple, Robyn découvrira les réserves naturelles, les terres sacrées des Aborigènes, en faisant la connaissance de certaines tribus et de leurs traditions ancestrales. Plus tard, elle militera d’ailleurs pour leurs droits.

Mais un périple à travers l’Australie, c’est aussi faire face à l’hostilité : des déserts s’étendent à perte de vue, il existe de nombreux animaux dangereux… On notera ici que, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, on n’en voit pas tant que cela. Robyn a ainsi surtout à faire à des chameaux sauvages. Toutefois, le plus grand danger auquel elle doit faire face est la présence de journalistes durant ses étapes dans des villes. Tou·te·s veulent la voir, l’interroger, avoir ses ressentis. Et alors que tout a déjà été compliqué jusqu’ici – préparation au voyage, apprivoisement des chameaux, organisation de l’itinéraire… – on perçoit le sentiment d’oppression qu’elle ressent, elle qui a justement décidé de partir pour s’éloigner de ces humains avec qui elle ne se sentait plus en phase. On évoquera encore ici les subtils jeux de lumières, qui contribuent à nous faire ressentir les différentes émotions de Robyn, mais aussi la chaleur étouffante, ou les moments de répit que lui offrent la beauté de ces paysages.

Voyage intérieur

Tout au long du film, Robyn n’est pas à sa place parmi les humains : en témoignent cette soirée où ses amis s’amusent, mais qu’elle finit par s’éloigner, ne trouvant pas d’intérêt à ce moment. On peut également évoquer sa relation tendue avec l’éleveur de chameaux, qu’on qualifiera plus de tyran que d’éleveur d’ailleurs. Il n’exerce son activité que pour l’argent, ce qui déplaît fortement à Robyn. Le seul avec qui elle s’entendra un minimum – et encore – est le photographe Rick Smolan. C’est ce malaise en société qui la conduit à s’éloigner, et organiser ce voyage. Son aventure met au jour l’irrespect de beaucoup de monde : celles et ceux qui ne pensent qu’à leur profit personnel, celles et ceux qui n’écoutent pas la nature. Comble du comble : elle est interdite de traverser une réserve naturelle parce que les chameaux n’y sont pas admis, afin de préserver l’écosystème. Mais une colonne de véhicules attend devant l’entrée… Ironique, n’est-ce pas ?

Quoiqu’il en soit, même si Robyn en apprend plus sur elle-même, son voyage n’a rien du conte de fées pour autant. Rien ne lui sera épargné : perte de ses chameaux – qu’elle retrouvera heureusement – déshydratation qui aurait pu avoir des conséquences bien plus grave, empoisonnement de son chien, complications avec Rick suite à un comportement déplacé de celui-ci envers une tribu aborigène… Ce qu’on retient finalement n’est pas tant l’exploit – 3200 km, seule avec son chien et ses trois chameaux, il fallait le faire ! – que le voyage initiatique et la découverte de soi qui en découle. C’est cela qui force l’admiration au final.

Fabien Imhof

Référence :

Tracks, réalisé par John Curran, Australie, 2013.

Avec Mia Wasilowska, Adam Driver, Emma Booth, Rainer Bock, Jessica Tovey…

Photos : ©DR

[1] https://youmatter.world/fr/chameaux-australie-ecosysteme-abattage/

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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