Les réverbères : arts vivants

Une enquête cousue de fil blanc ?

Jusqu’au 15 octobre, la Compagnie lesArts et le douze dix-huit proposent une enquête improvisée, avec un·e invité·e différent·e chaque soir. Rendez-vous au Chelsea Hotel pour assister à une investigation pas comme les autres…

Nous sommes en 1975, à New York. Le Chelsea Hotel est en rénovation et n’accueille par conséquent pas beaucoup de clients. Un matin, le propriétaire, Stanley Bard, est retrouvé mort, tué d’une balle en plein cœur. Quatre suspects sont identifiés : Victoria Sinclair (Estelle Zweifel), alias la Duchesse, épouse de Stanley ; Richard (Laurent Baier), l’homme à tout faire de l’hôtel ; Miss Jenkins (Nina Cachelin), une actrice californienne de passage à New York pour un casting ; et Mister Bard Junior (Paul Berrocal), le fils de Stanley. L’inspecteur Reynolds (Christian Baumann), qui loge dans l’hôtel, et l’invité·e du soir devront mener l’enquête… En ce soir du 6 octobre, l’invité se nommait Eric Lecoultre[1] ; il a incarné le tout fraîchement nommé inspecteur Maxwell Finnigan, confronté dès sa première affaire à une sacrée enquête, après dix ans passés dans le domaine de la couture.

De l’impro dans le théâtre

Tout commence par un spectacle que l’on peut qualifier de classique : le décor rappelle le hall d’un hôtel, avec son mur vert, sa réception et ses fauteuils disposés au milieu. Les personnages en présence, présentés tour à tour par un arrêt sur image et une voix off (on est vraiment dans le cinéma des années 70), mettent en place l’intrigue jusqu’à l’arrivée de l’invité, qui découvre son rôle sur le moment. Alors que chacun·e des cinq autres comédien·ne·s a son rôle bien défini, lui doit le créer entièrement, à partir de quelques indications glissées au gré des conversations, pour l’aiguiller. Mais l’intrigue va surtout évoluer au fil des interventions du nouveau coéquipier de l’inspecteur Reynolds.

On retrouve alors les codes de l’impro, avec des réactions rapides nécessaires face à ce que les autres disent, sans texte auquel se raccrocher. Et il faut pourtant faire avancer l’intrigue ! Pour ce faire, les cinq comédien·ne·s au courant de l’histoire proposent une trame générale, en différentes étapes, avec des interrogatoires de chacun·e. Mais tout peut changer selon ce que l’invité comprend et ses questions… C’est dans ces moments-là qu’on retrouve l’humour si présent dans les spectacles d’impro : l’enquête piétine, prend des tournures inattendues, parfois loufoques, et c’est tout ce qu’on aime ! Jusqu’à ce que l’invité doive donner ses conclusions et dévoiler le vrai coupable…

Une grande place pour l’invité

Débarquant dans l’intrigue sans savoir à quoi s’attendre, ni quel rôle il joue, l’invité du soir se doit donc de réagir toujours rapidement. Mais afin que le spectacle soit vraiment différent à chaque fois, une grande place lui est laissée: par exemple, le choix de son nom, d’une partie de son passé, de la manière dont il abordera les interrogatoires… mais tout ceci peut le mettre un peu en difficulté. Car c’est bien cela qui fait tout le sel de Chelsea Hotel : en donnant suffisamment d’indications pour que l’improvisateur puisse rebondir, mais assez peu pour qu’il puisse laisser libre cours à son imagination, l’intrigue évolue de manière surprenante et amène tous les aspects comiques que l’on attend. Ajoutons à cela le nombre incalculable d’informations que l’invité doit retenir en peu de temps, et cela donne un résultat complètement décalé !

On peut citer sur ce point les nombreux anachronismes présents, entre les années 70 de l’intrigue et notre époque. Anachronismes ou allusions bienvenues, que ce soit sur le consentement, l’invention du téléphone portable, des propos acceptables à l’époque et plus aujourd’hui ou encore des références musicales dont on n’est pas sûr·e de l’existence en 1975…

Avec une trame relativement définie, mais une grande part laissée aux choix de l’invité, Chelsea Hotel se révèle être un spectacle d’improvisation inattendu et novateur, tout en gardant les codes qui font la force de l’impro. Et on aurait bien envie d’aller le revoir, avec un·e autre invité·e, pour voir tout ce qui changera…

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Chelsea Hotel, par la Compagnie les Arts, au théâtre le douze dix-huit, du 4 au 15 octobre 2023.

Mise en scène : Tony Romaniello

Avec Laurent Baier, Christian Baumann, Paul Berrocal, Nina Cachelin, Estelle Zweifel et un·e invité·e (Eric Lecoultre le 6 octobre)

https://ledouzedixhuit.ch/spectacle/chelsea-hotel/

Photos : © Sébastien Bovy

[1] Les photos illustrant l’article n’ont pas été prises le 6 octobre, raison pour laquelle ce n’est pas Eric Lecoultre qui apparaît dessus.

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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