Les réverbères : arts vivants

Une galerie fragmentée avec Kayije Kagame

Dans le cadre de La Bâtie – Festival de Genève, Kayije Kagame présente Intérieur vie / Intérieur nuit, un spectacle en deux volets qui mêle performance scénique et cinéma. À voir au Grütli jusqu’au 31 août.

Quel meilleur lieu pour accueillir un spectacle entre théâtre et cinéma que le Grütli ? Ainsi, la première partie dans la salle du sous-sol et la seconde, aux Cinémas du Grütli, se complètent pour donner au tableau fragmenté imaginé par Kayije Kagame toute sa complétude. Tout commence dans la salle de théâtre, plongée dans le noir. Les talons de l’artiste résonnent. Quand tout s’éclaire, nous découvrons deux rangées de chaises – qui bougeront d’ailleurs toutes seules sans qu’on ne le remarque vraiment durant le spectacle. Kayije Kagame est assise un peu plus loin, vêtue de sa tenue de gardienne de musée, celle qu’elle incarne dans Intérieur nuit, la partie cinématographique. Pendant une quarantaine de minutes, elle évoque des éléments par bribes : définition de la sentinelle, cette ampoule qui reste allumée sur scène entre deux représentations ou répétitions, Gaël Kamilindi de la Comédie Française, un poème lu par Sarah Bernhardt… sans qu’on ne comprenne immédiatement ce qui lie le tout, si ce n’est l’univers du théâtre.

Un spectacle tout en fragments

Durant cette première partie, on accueille donc les éléments par bribes, sans véritablement comprendre d’où ils viennent et pourquoi ils sont évoqués. S’agit-il d’un spectacle sur l’absence ? Tout surgit en tout cas grâce aux mots, comme un hommage au théâtre, où la part d’imaginaire est si importante. On se figure alors ce qu’elle évoque : la sentinelle ou ghost lamp en anglais, allusion à toutes celles et ceux qui hantent les théâtres quand le public n’est pas là, le visage de Gaël Kamilindi, qu’on ne connaît pas encore…

Avant de se déplacer au cinéma, où la seconde partie du spectacle donne plus de sens à ce à quoi nous avons assisté. On retrouve ainsi le brouhaha diffusé au début, accompagné des images de spectateurs arrivant dans un théâtre parisien. Le film débute avec un énorme rideau de fer qui s’ouvre sur une salle de théâtre et devant lequel on ne voit que cette fameuse sentinelle. Gaël Kamilindi est là aussi, d’abord à répéter son texte avant de revêtir une splendide robe de soirée rouge… Et l’on retrouve Kayije Kagame, vêtue comme sur scène, faisant sa ronde au sein du Muséum d’Histoire Naturelle de Genève.

Dès lors, c’est comme si l’on rembobinait le film du spectacle auquel on venait d’assister, pour coller de nouvelles images aux images mentales qu’on s’était créées. Alors bien sûr, tout le sens ne nous est pas donné, et c’est sans doute là tout le sel de cette performance. Mais on se rend compte que ce spectacle ne parle pas de l’absence, mais bien au contraire, des rencontres, qu’elles soient réelles ou fantasmées. Un son, une image, une personne… Un rien peut évoquer l’autre, celui ou celle qu’on attend, dont on rêve, qu’on aimerait revoir, dont on a entendu si souvent parler sans parvenir à se le figurer totalement… Intérieur vie / Intérieur nuit est ainsi un spectacle tout en évocation, où chacun et chacune voit, ressent quelque chose de différent. Et même si l’on a l’impression de ne pas avoir tout compris en sortant, de nombreux éléments nous restent en tête, tournent et se retournent. Et, d’un coup, l’on comprend cette dernière phrase énigmatique de la description du spectacle : « Toutes et tous auront vu passer un ange. », nous public y compris.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Intérieur vie / Intérieur nuit, de Kayije Kagame et Hugo Radi, du 26 au 31 août 2022 au Grütli, dans le cadre de La Bâtie – Festival de Genève

Conception, jeu et écriture : Kayije Kagame

Coréalisation du film : Kayije Kagame et Hugo Radi

Avec Gaël Kamilindi de la Comédie Française, Damiaan de Schrijver et Kayije Kagame

https://grutli.ch/spectacle/interieur-vie-interieur-nuit/

https://www.batie.ch/fr/programme/kagame-kayije-interieur-vie-interieur-nuit

Photos : © Augustin Losserand et Compagnie Victor

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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