Les réverbères : arts vivants

Vous montez ? Vous descendez ?

Conversations au pieds d’un ascenseur – Hôtel des deux mondes d’Eric-Emmanuel Schmit – une interrogation existentielle présentée par la Compagnie amateur Art’Ilège aux Théâtre des Grottes.

L’hôtel est à l’image d’une clinique qui n’aurait pas à séduire sa clientèle. Pas de phalaénopsis, pas de ligne design, pas de mobilier épuré et futuriste. Ici, ça respire le médical chimiquement pur ! Une clinique dont la lumière ne permet aucune ombre, annule tout relief où seul le sens de la vue permet de garder un peu du sens de la vie. Le temps y a suspendu son vol.

Suspendu donc entre la vie et la mort, dans une forme d’expérience de mort imminente, Monsieur et Madame tout-le-monde arrivent sans claire conscience du lieu où ils se trouvent désormais, accueilli·e·s par un personnel en blouse blanche et sans stéthoscope. Qu’importe maintenant les battements du cœur.

C’est dans cet espace sans temps, ataraxique et judéo-chrétien qu’EricEmmanuel Schmitt a posé sa plume et ses personnages. Ceux-ci vont évoluer dans un lieu encore une fois sans plus aucune douleur de vivre si ce n’est de comprendre que le temps y est encore un peu suspendu et qu’il faut peut-être – comme en bas d’ailleurs – en faire quelque chose.

Un grand travail de mise en scène se profile quand il faut animer des personnages dans un huis clos dont on a gardé la colère en y ajoutant la révolte. Un spectacle entre Huis-clos ; la pièce de Sartre, Pub Royal ;  la comédie des Cowboys Fringants ou Femme Fatale ; de Thierry Meury. Car le thème est éternel et séduisant : Qu’y a-t-il après la vie, qui y’a-t-il avant la mort ?

Pat LaGadji la metteuse en scène a choisi la simplicité et chacun sait que traiter la simplicité et en faire preuve n’est en soi pas simple ! Chaque personnage possède son caractère tels des santons de Provence et évolue dans un lieu encore une fois aseptisé, ce choix de mise en scène lui a permis de maintenir une clarté dans le jeu et l’interprétation ce qui n’est pas banal dans le monde du théâtre amateur. Les mouvements sont précis, les colères équilibrées et les angoisses existentielles mises en avant gardent leur caractère tragique.

Car les solutions à trouver pour avoir une vie bonne dans un monde entre deux, continuent de s’imposer à celles et ceux qui sont désormais un peu moins vivant·e·s et un peu plus mortel·le·s. La philosophie, la religion, l’amour s’invite à nouveau pour trouver des solutions. L’auteur y aurait pu ajouter l’art comme moyen de trouver l’existence bonne.

Les comédiens et comédiennes portent leur personnage avec relief. Un joli travail de leur part sur la caractérisation de chacun des protagonistes qui, situation voulue par l’auteur, portent tour à tour une bonne part des expressions et lieux communs de nos existences. Interpréter sur un peu moins de deux heures des avis sur la vie et la mort, avec des propos qui balancent entre espoir et crainte – l’un ne va pas sans l’autre – ou l’espérance qu’elle soit religieuse ou laïque, en tenant une salle en parfait silence est remarquable.

À remarquer aussi l’arrivée du personnage de Laura (Nathalie Heiniger), qui apporte non seulement la fraîcheur de son jeune temps sur scène, mais aussi une plus grande fluidité du jeu en général dans la seconde partie de la pièce. Un vivifiant bénéfice qui n’est dû qu’à cette généreuse comédienne.

C’est le second spectacle de cette troupe toute neuve. Découvrir cette version d’Hôtel des deux mondes, vous permettra sûrement de vous réjouir de leur prochain spectacle.

Jacques Sallin

Infos pratiques :

Hôtel des deux Mondes par la troupe amateur Art’Ilège  du 16 au 26 mai – Théâtre des Grottes

Mise en scène : Pat Lagadji

Jeu : Marie-José Baeriswyl, Denyse Huc, Mariam Naoui, Josh Stanning, Nathalie Heiniger, Jean-Daniel Demierre, Félicien Fleury

Photos : © Cie Art’Ilège

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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