La plume : BA7La plume : créationLa plume : littérature

Pastiche : « … REUSEMENT ! »

Depuis plusieurs années, le Département de langue et littérature françaises modernes de l’Université de Genève propose à ses étudiantes et étudiants un Atelier d’écriture, à suivre dans le cadre du cursus d’études. Le but ? Explorer des facettes de l’écrit en dehors des sentiers battus du monde académique : entre exercices imposés et créations libres, il s’agit de fourbir sa plume et de trouver sa propre voie, son propre style !

La Pépinière vous propose un florilège de ces textes, qui témoignent d’une vitalité créatrice hors du commun. Qu’on se le dise : les autrices et auteurs ont des choses à raconter… souvent là où on ne les attend pas !

Aujourd’hui, c’est Oscar Guerra qui prend la plume et nous invite dans deux pastiches… à vous de découvrir l’auteur ou l’autrice d’origine ! Bonne lecture !

* * *

« … REUSEMENT ! »

Sur le sol impitoyable de la pièce (salon ? salle à manger ? tapis cloué aux ramages fanés ou bien tapis mobile au quelconque décor dans lequel j’inscrivais des palais, des sites, des continents, vrai kaléidoscope dont mon enfance jouait, y agençant des constructions féeriques, tel un canevas pour des mille et une nuits que ne m’ouvraient alors les feuillets d’aucun livre ? plancher nu, bois ciré aux linéaments plus foncés, coupés net par la noirceur rigide des rainures d’où je m’amusais, parfois, à tirer des flocons de poussière, quand j’avais eu l’aubaine de quelque épingle chue des mains de la couturière à la journée ?) sur le sol irrécusable – et sans âme – de la pièce (velouté ou ligneux, endimanché ou dépouillé, propice aux courses de l’imagination ou à des jeux plus mécaniques), dans le salon ou la salle à manger, dans la pénombre ou la lumière (suivant qu’il s’agissait ou non de cette portion de la maison dont les meubles sont normalement protégés par des housses et toutes les modestes richesses soustraites souvent, par le barrage des volets, aux attaques du soleil), dans cet enclos privilégié guère accessible qu’aux adultes – et grotte tranquille pour la somnolence du piano – ou dans ce local plus commun qui renfermait la grosse table à rallonges autour de laquelle toute ou partie de la famille s’assemblait pour le rite des repas quotidiens, le soldat était tombé.

* * *

Une aiguille dans une botte de feuilles mortes

Sur le sol impitoyable du talus (impitoyable dans le sens où, pendant la saison des neiges, sous une tunique blanche, il punissait de bleus les lugeurs intrépides au moindre déséquilibre – tandis qu’il se montrait davantage clément plus tôt dans l’année, invitant seulement à faire attention à son humeur les jours de pluie, car il n’avait pas toujours le moral ces jours-là) sur ce talus, où se formait (avant qu’il ne devienne dur envers les lugeurs) un magnifique tapis composé d’un camaïeu de couleurs chaleureuses : mélange de branches cadavériques, de feuilles rouillées et de noix (que je nommais affectueusement « bébés des noisetiers », comme si ces nouveau-nés reposaient paisiblement, calfeutrés dans ce berceau mortuaire aux couleurs joyeuses) que je remuais avec soin pour découvrir des turricules de vers de terre humides (qui – paraît-il – contribuent grandement à améliorer la structure des sols, en augmentant leur porosité et leur fertilité : de véritables bijoux de la nature) cet espace – rampe ou chemin glissant – au sein duquel rien n’avait de valeur à mes yeux, pas même ces soi-disant bijoux – sauf une chose (l’objet de mes recherches) qui elle seule représentait une fortune à la banque des rongeurs, ma dent était tombée.

Oscar Guerra

Photo : © KaiPilger

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *