Wrath of Man: Ritchie et Statham en Amérique
Guy Ritchie retrouve Jason Statham dans Wrath of Man pour leur première collaboration depuis 2005 avec Revolver. Nous suivons l’énigmatique Hill, surnommé H, dans ses livraisons d’argent liquide pour une compagnie de fourgons blindés mais dont le but réel au sein de celle-ci semble être tout autre.
16 ans ! C’est le temps qu’il aura fallu attendre pour revoir Jason Statham être à nouveau dirigé par Guy Ritchie. Autant dire que pour n’importe quel fan de Snatch ou d’Arnaque, Crime et Botanique, l’attente aura été longue. Leur collaboration représente le summum de leur carrière en termes de qualité. Difficile de trouver de meilleurs films au sein de la filmographie de Guy Ritchie tant ses films récents (autres que la franchise Sherlock Holmes) semblent être des déclinaisons de ceux-ci. Quant à Jason Statham, il est devenu officiellement entre-temps le successeur de Bruce Willis, tant par sa calvitie que par le niveau de testostérone des productions auxquelles il a participé (Fast & Furious, The Expandables, The Transporter). Tuons tout de suite le suspens, c’est ce Statham que nous retrouvons ici.
Jason Statham est ici H, un homme implacable, froid et efficace travaillant pour le compte d’une compagnie de fourgons blindés dont l’objectif réel nous sera révélé plus tard dans le film. Surveillé de près par l’agent King joué par Andy Garcia, H est en réalité un dirigeant craint et respecté d’une organisation criminelle que l’on devine importante. Il retourne la ville des anges telle une furie à coup de tortures et d’assassinats dans le but de retrouver les meurtriers de son unique fils, victime collatérale d’un braquage. Rien de plus à ajouter sur Statham tant son personnage ne semble pas être ému outre-mesure de la situation dans laquelle il se trouve, comme s’il était déjà mort avant même le début du film. Un peu surprenant d’ailleurs tant j’avais trouvé sa performance dans Revolver aux antipodes de celle-ci. En effet, dans ce dernier, Jake Green (Statham) était l’exact opposé de H. Réfléchi (et chevelu), son terrain d’action était celui de l’esprit et ne participait presque jamais aux scènes d’actions physiques.
La caméra de Guy Ritchie flotte autour d’un Los Angeles gris et industriel loin des palmiers et des plages de Malibu qui n’est pas sans rappeler d’autres films de braquage tels que Heat de Michael Mann. Elle se balade avec aisance dans les ruelles et rues et nous offre un agréable moment cinématographique. La mise-en-scène est menée solidement par un Guy Ritchie rôdé au tournage de films d’actions et nous procure une bonne dose d’adrénaline.
Là où le bât blesse, c’est dans la pauvreté surprenante du scénario, venant de Guy Ritchie. Nous sommes loin de la qualité des coups des théâtres et des situations absurdes et déjantées auxquelles nous sommes habitués dans ses films. Pourtant l’un des traits principaux du style Ritchie, l’humour est aussi le grand absent de ce film. Les rares moments se limitent à Statham moquant ses collègues trop confiants. Il faut alors attendre les crédits pour comprendre que l’on doit tout cela aux deux français Nicolas Boukhrief et Éric Besnard. Le film peine malheureusement à convaincre à ce niveau tant le décalage avec l’univers de Guy Ritchie est évident.
Au niveau du jeu d’acteurs, hormis la figure inexpressive de Jason Statham et des apparitions d’Andy Garcia, nous voyons évoluer à leurs côtés Josh Hartnet (Sin City) dans le rôle du rookie arrogant Boy Sweat. Jeffrey Donovan (Sicario) comme leader d’un gang de braqueur et Scott Eastwood dans le rôle du némésis sont également convaincants. Toutefois la palme revient à Holt Donovan dans le rôle de l’affable Bullet. Auparavant vu dans des seconds rôles – notamment Shot Caller et The Losers – il offre ici une performance bluffante dans le rôle d’un convoyeur de confiance et du doyen de la compagnie.
En définitive, l’on ressort de ce film avec un sentiment mitigé. Celui de retrouvailles manquées entre un réalisateur et l’un de ses acteurs phares. On a l’impression d’avoir assisté plus à une commande commerciale qu’à une performance originale. L’écart entre les univers de The Gentlemen et de Wrath of Man est presque aussi important que l’océan qui sépare leurs lieux de productions. Le film offre néanmoins de bons moments car Guy Ritchie maîtrise sa caméra comme toujours. Ainsi les scènes d’actions appuyées par un Statham, certes inexpressif, mais toutefois efficace dans son rôle de dur taciturne fournissent un plaisant moment. Wrath of Man n’est donc de loin pas le meilleur Guy Ritchie mais vaut tout de même le détour. Pas sûr toutefois qu’il vaille la peine d’être revisionné.
Alexandre Tonetti
Référence : Wrath of Man, de Guy Ritchie, avec Jason Statham, Andy Garcia, Josh Hartnet, Jeffrey Donovan, Scoot Eastwood et Holt Donovan, États-Unis, 2021 (sortie en salles le 9 juin 2021)
Photo : © Metropolitan Filmexport