À Antigel, Pomme réchauffe les cœurs
Pomme était sur la scène de l’Épicentre à Collonge-Bellerive lundi soir, pour sa tournée autour de son album Les Failles. Intimité, pureté, justesse et émotion ont été les maîtres-mots de ce concert pas comme les autres…
Intimité
Dans cette salle d’à peine 300 places, l’ambiance diffère des concerts dont on a l’habitude. La proximité avec la chanteuse crée une atmosphère chaleureuse, dont le public se souviendra longtemps. Mais cette intimité ne pourrait être créée sans les textes de Pomme. Dans son album Les Failles, sorti en novembre 2019, la jeune Lyonnaise se livre à travers des paroles très personnelles, profonds, dans lesquels elle explore des questionnements enfouis. Le titre phare de l’album, qui lance le concert, en atteste. Sobrement intitulé « Anxiété », ce morceau personnifie ce sentiment, qui nous atteint tous :
« Je suis celle qu’on ne voit pas / Je suis celle qu’on n’entend pas / Je suis cachée au bord des larmes / Je suis la reine des drames. »
Ce texte, le dernier écrit avant d’entrer en studio, résume bien l’ambiance qui couvre tout l’album et, de fait, le concert. Avec des titres parlant du sentiment d’être différent (« Grandiose ») ou des émotions suite à une rupture qui deviennent une sorte d’hymne écologique (« Les séquoias »), ou encore la peur de la mort (« Pourquoi la mort te fait peur ? ») Pomme emmène son public dans son intimité. Les Failles, c’est aussi la capacité de montrer sa perfectibilité. Pomme le dit elle-même : les morceaux ne sont pas parfaits, pas lisses comme bien souvent à la sortie du studio. Mais c’est aussi cela qui fait le charme de sa musique, et qui laisse permet au public de se sentir plus proche d’elle – le fait qu’elle ose partager, dans toute sa fragilité.
Pureté
C’est celle de sa voix, d’abord, qui marque. Sans jamais être poussée, avec une douceur toujours présente, elle résonne dans les oreilles de chacun, pour atteindre le cœur. On pense ici à sa chanson « Les Oiseaux », la « seule joyeuse de l’album »[1], une chanson lumineuse :
« C’est un endroit rêvé pour les oiseaux / Ils viennent s’y reposer quand leur cœur est gros »
La pureté, c’est aussi celle de ses mélodies, simples, qui n’en demandent pas plus. Tantôt seule avec sa guitare sèche ou son autoharpe, tantôt accompagnée par ses deux musiciennes (Caro et Clem), Pomme amène une dimension nouvelle à ses morceaux en live, comme s’ils étaient plus aboutis. N’y voyez pas là une mauvaise critique, bien au contraire. D’intimes et perfectibles en studio – ainsi qu’elle l’a voulu – ils semblent prendre ici une nouvelle dimension, comme s’ils avaient besoin de ce contact avec le public pour prendre leur envol…
Justesse
On ne parlera pas ici de technique musicale ou vocale. Simplement de la justesse de ses arrangements, de ses notes. Tout est là pour donner toute leur profondeur à ses chansons, sans jamais en avoir trop. Alors que les vocalises – appelons ainsi les simples syllabes chantées – ne sont souvent là que pour faire étalage du talent vocal des artistes, elles s’insèrent / sont utilisées ici comme un véritable instrument. On évoquera « Saphir », dans lequel les trente dernières secondes ne sont que la voix posée sur l’accompagnement instrumental, sans paroles. Ou encore « Chapelle » qui, bien que Pomme ne l’ait pas présenté sur scène, n’est composé que de cela, pour un résultat difficile à décrire avec des mots…
Le concert de Pomme, c’est aussi un juste choix de chansons. N’oubliant pas ses fans de la première heure, elle n’hésite pas à chanter quelques tubes de son premier album, À peu près, ou de son EP En cavale, tels que « Pauline », « On brûlera », « La lavande », « Sans toi » ou « De quoi te plaire ».
La justesse, c’est aussi celle de ses reprises. Accompagnée de sa fidèle autoharpe, Pomme propose une version française de « Bad guy » de Billie Eilish. Alors que, bien souvent, les traductions de chansons anglophones tombent à plat, Pomme réussit à choisir les mots qu’il faut pour rendre hommage à ce succès planétaire. C’est d’ailleurs une constante chez Pomme : le choix de ces mots est toujours juste, tant dans le sens que dans la musicalité qu’ils développent. Ainsi, Pomme s’impose non seulement comme une chanteuse de talent, mais aussi comme une parolière et une compositrice hors pair.
Émotion
C’est certainement le mot le plus idéal pour décrire l’expérience du concert de Pomme. Ses textes sont personnels, chacun peut s’y retrouver, au moins un petit peu. Pour cela, ses paroles ne laissent pas indifférent. L’émotion, c’est aussi celle de l’enfance, qui revient lorsqu’elle interprète la bande originale du Voyage de Chihiro, ce magnifique film de Miyazaki, son film préféré dit-elle…
Lundi soir, à l’Épicentre, j’ai pris une claque musicale comme j’en ai rarement connu. Pomme, merci pour ta musique, merci pour tes chansons, merci pour tes mots, merci pour ce moment intime et plein d’émotion qu’est ton concert.
Pomme, des mots qui touchent en plein cœur.
« Avant la rivière asséchée / Avant que tout soit emporté / Je veux retourner dans l’allée / Entendre les séquoias chanter »
Fabien Imhof
Référence de l’album : Pommes, Les Failles, 2019.
Photo : © Flavio Lucchesi
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