Les réverbères : arts vivants

Arts vivants : d’infinies possibilités

Du 27 octobre au 1er novembre, l’ADC accueille la dernière création de Marie-Caroline Hominal, Sugar Dance, un spectacle qui mêle divers arts et générations, « entre la fiction et la réalité d’une représentation[1] ». Une énergie folle à voir absolument.

Sur la scène, iels sont neuf – et portent tous le masque, presque en permanence : danseur.se.s, musicien.ne.s, comédien, chorégraphe, transformiste… Dans ce « microcosme transgénérationnel[2] », ils représentent à peu près tout ce que peuvent proposer les arts vivants : la danse va du classique au hip-hop ; la musique est représentée par de la trompette, du trombone, de la guitare, de la basse, des percussions, mais aussi via le chant lyrique, alors que les morceaux mêlent influences rock/métal et classique ; le théâtre se rapproche parfois du cirque ; alors que d’autres membre de la troupe se spécialisent dans la contorsion ou le transformisme. Grâce à toutes ces disciplines, c’est un univers infini de possibles qui s’offrent à eux.

Une multitude d’effets

Ce qui marque en premier c’est le rythme de ce spectacle, auquel tout contribue, du décor aux mouvements. Le décor, d’abord, est grandiose : miroirs, rideaux et modules mouvants se trouvent devant un tissu argenté qui devient transparent quand on l’éclaire depuis le fond de la scène. Par un changement de lumière, on peut donc entrevoir ce qui se passe devant nous ou à l’arrière-plan, en une fraction de seconde. Tout se passe en même temps : on peut entendre dans un premier temps le comédien Roberto Garieri énoncer des maximes et proverbes connus (dans le désordre « Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier », « Être ou ne pas être » ou « Je pense donc je suis »), avant que la guitare électrique de Samuel Pajand ne prenne le dessus, suivie rapidement par la cantatrice lyrique Véronique Valdès. D’un côté, Caroline Lam se contorsionne, alors que Sophie Ammann traverse la scène en faisant des pointes, pendant que Stylez’c aka StalaMuerte danse en reprenant les mouvements saccadés du hip-hop. Il n’y a ainsi aucun temps mort, et même Sandro Rossetti, le plus âgé d’entre eux, est emmené par ce rythme effréné, qu’il joue du tambour, des cymbales ou qu’il ait simplement envie de bouger. Il est ainsi parfois difficile de tout suivre, mais qu’importe. Le regard est absorbé à droite, à gauche, devant, au fond… Il y a toujours quelque chose à voir ou à entendre. Si on revoyait ce spectacle, on ne verrait sans doute pas la même chose. Tout le monde, quel que soit son âge ou ses préférences artistiques est emporté, et c’est là que réside sa force.

Cette énergie se transmet au public qui se laisse entraîner à mesure que tout monte en puissance. C’est là le second point saillant ce Sugar Dance. Les artistes arrivent d’abord en jogging, balayant les quelques confettis laissés au sol, s’échauffant sur la scène et prenant place tranquillement. Petit à petit, chacun revêt son costume de gala, à son rythme : Roberto Garieri enfile par exemple un costume bicolore trop grand pour lui, alors que Stylez’c aka StalaMuerte troque son maillot de foot pour un blazer. Certains costumes paraissent ainsi très élégants, alors que d’autres évoquent plus le cirque : deux façons de voir les arts et de les transmettre, sans que l’une ne prenne forcément le pas sur l’autre. Le dernier à être prêt, et on comprend aisément pourquoi, est le transformiste Ivan Blagajcevic : enfilant plusieurs paires de collant les unes sur les autres, les rembourrant pour se donner des formes voluptueuses et se maquillant avant de poser sa perruque, il illustre, sur scène, le temps de préparation nécessaire à son art. Et le résultat est bluffant : il traverse la scène sur ses talons aiguilles avec une aisance impressionnante, dansant avec une robe longue qui ne semble pas forcément prévue à cet effet…

Et plus les artistes sont habillés, plus les arts se mêlent, le chant lyrique devient presque slamé, accompagné par une musique rock, les miroirs sont mus par certain.e.s alors que d’autres dansent devant. Alors qu’iels ne faisaient que se croiser jusqu’alors, iels semblent cette fois interagir les un.e.s avec les autres, créant de nouveaux arts par ce mélange. On semble passer de la répétition, du tâtonnement, à quelque chose qui ressemble à la représentation finale, où qui va du moins dans cette direction. Alors, le.a spectateur.trice comprend quel est son rôle : de voyeur.se, iel devient véritablement vecteur.trice de partage, en réceptionnant ce qui lui est donné. Les arts vivants n’ont véritablement de sens que lorsqu’ils sont transmis à un public, et c’est sans doute là le message que veut nous faire passer Marie-Caroline Hominal, un message plus que jamais nécessaire. La musique devient assourdissante et on atteint alors le climax du spectacle… avant que tout ne s’arrête. Et on reste là, à applaudir, emplis de la folle énergie qui vient de nous être transmise.

Les arts vivants ont rarement aussi bien porté ce nom que dans cette Sugar Dance. Et on en a bien besoin en ce moment !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Sugar Dance, de Marie-Caroline Hominal, du 27 octobre au 1er novembre 2020 à l’ADC (Association pour la danse contemporaine).

Concept, chorégraphie et direction artistique : Marie-Caroline Hominal

Avec Caroline Lam, Sophie Ammann, Véronique Valdès, Stylez’c aka StalaMuerte, Marie-Caroline Hominal, Samuel Pajand, Sandro Rossetti, Ivan Bjagajcevic et Roberto Garieri

https://pavillon-adc.ch/spectacle/marie-caroline-hominal-sugar-dance/

Photos : ©Lukas Beyeler

[1] Extrait du résumé du spectacle.

[2] Idem

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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