Et si tout n’était que Cycles ?
Un scénographe et un musicien qui collaborent pour monter ensemble un projet chorégraphique autour de la notion de cycle ? C’est Cycle, un titre sobre pour un spectacle mystérieux et métaphorique, à voir jusqu’au 5 juin au Pavillon de la danse.
Victor Roy est scénographe ; Samuel Pajand, musicien. Alors qu’ils ont souvent collaboré avec des chorégraphes – notamment Marie-Caroline Hominal pour Sugar Dance en début de saison – ils décident de monter, rien que les deux cette fois-ci, un programme chorégraphique. Ils choisissent ainsi la notion de cycle, qui se définit comme la répétition d’une suite d’éléments dans un ordre identique. Ils créent ainsi une partition qui convient à la fois aux danseur.se.s et aux musicien.ne.s, pour qu’iels travaillent ensemble dans un même dispositif.
Des cycles sur la scène
Pendant une heure, sur la scène du Pavillon de la danse, nous assistons donc à une suite de cycles. Tout commence avec une chanson jouée sur un tourne-disque, rappelant par sa forme ronde le côté cyclique qui sera roi dans ce spectacle. Tour à tour se développent des boucles musicales diffusées par les nombreux haut-parleurs qui jonchent le sol, des cycles lumineux grâce aux projecteurs qui tournent, mais aussi la répétition des mouvements des corps. Pour l’élément chorégraphique, ce sont d’abord Sophie Ammann et Louise Bille qui interprètent une suite de gestes, d’abord parfaitement synchrones, puis avec un léger décalage, qui grandit de plus en plus pour générer un écart total entre les deux danseuses. Le cycle serait-il dès lors grippé ? C’est ce que pourrait annoncer la suite d’effets Larsen, produits volontairement par deux, puis trois guitaristes… On atteint enfin le climax du spectacle lorsque Samuel Pajand s’assoit au piano pour interpréter à son tour un cycle musical, accompagné par les lumières toujours tournantes et les quatre danseur.se.s, comme si tout ce qui se trouvait sur la scène s’animait ensemble, après avoir joué tour à tour. Une façon de montrer que les différents cycles se répondent entre eux et finissent par influer les uns sur les autres ?
Les cycles de nos vies
En entendant le terme « cycle », on pense à de nombreuses choses : cycle de la vie et de la mort, cycle de la nature, cycle des saisons… La notion de répétition semble en tous les cas centrale dans ce spectacle. On y voit dès lors une métaphore de ce que nous côtoyons au quotidien, symbolisée par les mouvements aperçus sur la scène. Ainsi, lorsque les deux premières danseuses commencent à ne plus être synchrones, on se dit qu’un tout petit décalage peut gripper entièrement un mécanisme pourtant bien huilé. On sait par exemple que la Terre tourne autour du soleil en un peu plus de 365 jours, créant une différence qui grandit d’année en année. Mais au final – et c’est là toute la beauté de cette notion de cycle – les deux danseuses se retrouvent dans un parallélisme parfait, en symétrie. Comment interpréter cela ? Je dirais que cela dépend si on est de nature optimiste ou non. On peut par exemple le voir comme une métaphore du « tout ira bien », qui consisterait à laisser le temps faire les choses et tout réparer. Ou alors, en se disant que deux droites parallèles ne se touchent jamais, on peut se dire que le tout petit décalage du début, de quelques centièmes de secondes, finit par éloigner à jamais les deux êtres, dans une prise de distance sans retour… si on se sent plutôt pessimiste.
Quoiqu’il en soit, Cycle est un spectacle hypnotisant, duquel on peine à détacher le regard. Paradoxalement, pourtant, notre esprit vogue librement, en quête de pistes d’interprétation possibles. Mais n’est-ce pas là aussi l’attrait d’un spectacle comme celui-ci, de se laisser porter et de voir son esprit voguer comme il l’entend ?
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Cycle, de Victor Roy et Samuel Pajand, du 1er au 5 juin 2021 au Pavillon de la danse ADC.
Avec Sophie Ammann, Louise Bille, Cosima Grand et Oscar Sanchez
https://pavillon-adc.ch/spectacle/samuel-pajand-victor-roy-cycle/
Photo : © Isabelle Meister