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Encres alliées : une création à plusieurs mains (épisode 6)

Encres alliées, c’est un projet de création pluridisciplinaire. Neuf volets, neufs univers, entre textes, musiques, illustrations et lecture. À découvrir régulièrement sur Youtube, où que vous soyez.

En cette période d’incertitude sanitaire, la création n’a pas dit son dernier mot. Paul Castellano, étudiant à l’Institut littéraire suisse de Bienne, a réuni des auteur.e.s, des illustrateur.trice.s, des musicien.ne.s et des lecteur.trice.s. Son projet ? Créer ensemble, en mêlant texte, musique, lecture et dessin. Les Encres alliées vous proposent ainsi de découvrir, au fil des semaines, neuf univers différents.

Le sixième épisode a pour titre « Courir ». Il réunit Paul Castellano (texte et musique), Leo Mohr (lecture), et Vanille Neumann (illustration). Comment ces artistes ont-ils créé ensemble ?

La Pépinière : Bonjour à vous trois ! Ce texte, très rythmé, s’intitule « Courir ». Un homme y est poursuivi par un chien. Quelles en ont été les inspirations ?

Paul Castellano : Le texte raconte l’histoire d’un homme poursuivi dans une ruelle sombre par un chien de l’enfer. Il est une sorte de vision d’horreur, d’affrontement allégorique avec la mort. Dans un éclair de lucidité, le personnage principal se résout à accepter son destin et se faire dévorer par le chien. Le texte s’inspire d’un chien errant que j’ai croisé lors d’un voyage en Equateur, terrifiant par son apparence famélique et son pelage noir. Une autre expérience d’être poursuivi par une meute de chiens errants au Liban est également à l’origine de l’émotion de peur qui donne son impulsion au récit… C’est très étrange d’écrire ça parce que maintenant on a l’impression que je voyage pour observer des chiens errants alors que pas du tout, je cherche plutôt à les éviter.

La Pépinière : La lecture commence de manière essoufflée, avant de se calmer, alors que la voix semble d’abord saturée, puis de plus en plus limpide, suivant l’évolution du texte. Comment cette construction vous est-elle venue ?

Leo Mohr : Paul m’a envoyé plusieurs possibilités de textes à lire, et j’ai tout de suite eu un coup de cœur pour le sien, Courir. Un court texte sur surmonter ses peurs sous couvert d’une histoire d’horreur, j’ai trouvé ça rigolo.

J’ai donc envoyé trois versions de lecture du texte différentes à Paul. Une très calme, très lente et posée, une un peu plus naturelle, et une extrêmement exagérée, avec beaucoup de souffle et beaucoup de jeu, qui n’est peut-être pas votre lecture classique, mais c’est pour ça que j’en ai fait trois. J’ai fait ça en imaginant que Paul choisirait la plus adaptée, mais je me doutais qu’avec ces talents de musicien et éditeur hors-pair, il ne s’arrêterait pas là. Il en a fait un collage assez surprenant et très efficace. J’ai trouvé tous les éléments de cette lecture très réussis. L’illustration de Vanille est magnifique, effrayante, dérangeante, un peu drôle et très adaptée.

La musique et le traitement de ma voix par Paul sont excellents. L’arrêt des effets sur ma voix à 3min54 reste un des moments sonores les plus satisfaisants de cette première saison de Encres Alliées.

La Pépinière : Comme le reste, la musique suit d’abord un rythme effréné, ralentissant petit à petit, jusqu’à disparaître complètement à la fin. Comment les sonorités se sont-elles construites, pour coller au texte ?

Paul Castellano, alias Lupa : Pour la musique il fallait quelque chose de très rythmé pour donner cette sensation de poursuite, et de très saturé pour donner cette atmosphère horrifique (j’ai même mis de l’overdrive sur la voix de Léo au début du texte). J’ai écrit le texte en écoutant l’album « Yeezus » de Kanye West ; il possède une esthétique qui collait parfaitement au texte et dont je me suis fortement inspiré, de même que le dernier album de King Krule « Man Alive! » en particulier la chanson Stoned again avec sa basse très saturée et sa batterie lourde. La musique se résout avec des organ et une batterie plus trap, cloud et planante pour coller au récit.

La Pépinière : L’image, en encre noire sur fond blanc, mêle de nombreux éléments, rappelant la peur et l’horreur. Comment l’avez-vous réfléchie ?

Vanille Neumann : Étant donné que la lecture et la musique avaient déjà été réalisées, j’ai pu comprendre et m’imprégner de l’ambiance voulue en l’écoutant pendant tout le processus de création. J’ai commencé par travailler sur les « personnages » centraux d’abord séparément puis en les superposant de manière à rappeler au maximum leurs interactions. Le décor lui a été créé sous forme de mosaïque de surinformation pour répondre à la confusion représentée dans le texte. Cette mosaïque est composée d’éléments de l’histoire placée à des endroits stratégiques par rapport aux personnages. J’ai développé cette illustration avec le style artistique que j’utilise pour la majorité de mes dessins, pour laisser la place au ressenti dans la création. Les inspirations extérieures sont des symboles qu’on peut trouver dans différents arts tribaux autour du monde.

La Pépinière : Merci à vous pour ces réponses ! Et bon vent au projet Encres alliées !

Propos recueillis par Fabien Imhof

Photo : ©Vanille Neumann

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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