Les réverbères : arts vivants

TMG : les petits cochons sont de retour !!!

Au Théâtre des Marionnettes de Genève (TMG), on revisite jusqu’au 8 mars un classique de l’enfance, grâce à l’humour de Claude-Inga Barbey. Dans Les petits cochons 3, le retour, on vous parlera d’architecture, d’enfance, de peur, de ballons, d’amitié… et bien sûr, de loup !

 « Qui craint le grand méchant loup ? » Au TMG, la question est d’actualité. Depuis le 19 février, les trois petits cochons du conte éponyme font leur retour sur les planches : après un succès royal en avril 2018, la pièce de Claude-Inga Barbey revient au TMG pour enchanter les petits et les grands. Si ces petits cochons sont bien ceux de notre enfance, le texte et la mise en scène de Claude-Inga Barbey leur donnent un coup de peps : désormais, ils ont une patte dans la temporalité flottante du conte, et une autre dans le monde contemporain.

Tout est bon dans le cochon !

Il y a d’abord José, l’aîné, super-organisé et maçon dans l’âme. En vrai chef de chantier, il trie ses Duplo® par couleurs et, crise écologique oblige, se soucie des panneaux solaires. Claude-Inga Barbey lui crée une voix à la fois autoritaire, nasillarde et rassurante : un curieux mélange qui fait rire, surtout quand ce grand frère assez directif se prend pour Superman…Vite vite, il faut se hâter : la nuit va tomber et, pour échapper au loup qui rôde, mieux vaut finir de construire sa maison à temps !

Face à lui, ses deux cadets regimbent pas mal : des maisons ? Pour quoi faire ?!

Bueno, l’ado rebelle, se rêve en « cochon sauvage », moitié geek, moitié rappeur. Face à José qui trace le plan de sa maison au tableau noir, il fait le pari de la modernité : pourquoi ne pas utiliser un ordinateur ? Malheureusement, ça ne le fera pas avancer plus vite – et la nuit arrive… Animée par Remi Rauzier, sa marionnette à la coupe punk est hilarante, en parfait accord avec la voix du comédien qui rythme le texte mieux qu’un slam de banlieue.

Petit dernier de la fratrie, Mini-Pic est le plus touchant, avec sa bouille ronde et son doudou qu’il trimballe partout. Mini-Pic est tout en douceur, grâce à la voix et la gestuelle de Doris Ittig. Tour à tour boudeur, bébé, naïf, il ne pense qu’à jouer, jouer, jouer… et pose de ces questions à rallonge dont les enfants ont le secret : « Tu vas où José tu rentres quand tu joues avec moi qu’est-ce qu’on mange quand c’est qu’on arrive ? » Avec lui, le comique de répétition joue à plein, d’autant plus efficace qu’il se base sur le quotidien des tout petits, qui n’ont aucune peine à interagir avec ce petit cochon bien attendrissant.

José, Bueno, Mini-Pic : trois orientations, trois caractères, trois visions de l’enfance. Pour affronter le loup et surmonter sa peur, passer de l’enfance à l’âge adulte, il ne s’agira pas d’élire la meilleure voie à favoriser – mais plutôt de comprendre que la complémentarité, l’amitié et l’entraide sont les véritables clefs.

Pique et pique et paf paf !

Si le problème des trois petits cochons réside, évidemment, dans la nécessité de construire la meilleure maison possible afin d’échapper au loup, il tient également dans leur morphologie : les marionnettes animées par Claude-Inga Barbey, Remi Rauzier et Doris Ittig sont en effet constituées en… ballons de baudruche ! Dès lors, éviter les objets piquants et pointus (punaises, clous et dents de loup !) devient fondamental. Ils doivent se méfier de tout : du hérisson, du pic-vert, de l’oiseau-taille-crayon. Leur crainte la plus grande est évidemment le loup et ses grands griffes affûtées, capables d’éventrer un porcelet pour en faire un chapelet de saucisses. L’HORREUR ! Heureusement, au fil de l’histoire, les cochons vont apprendre que l’amitié, bien souvent, permet d’éviter la peur : le hérisson n’est pas si dangereux, l’oiseau-taille-crayon est bien serviable, le pic-vert est un as du perçage de trous et du plantage de clou (ce qui n’est pas négligeable lorsqu’on construit une maison en bois). Nos trois cochons sont ainsi prêts à affronter le loup.

L’utilisation de marionnettes en ballons de baudruche, tout en expliquant sur le plan narratif la peur des cochons (la peur de l’explosion, la peur du… PAF !), permet également aux marionnettistes de jouer avec des expressions et des mouvements qui donnent vraiment vie à leurs héros : le corps des cochons se module, change de forme, s’articule selon la manière dont le ballon est manipulé. Il est tour à tour très léger (comme l’air qui le remplit) ou très lourd (comme l’est véritablement un cochon). Le plastique rose de la baudruche sculpte l’élasticité de l’imagination, dans une variation sans fin.

Conte, y es-tu ?

Mais la grande force des Petits cochons 3, le retour, c’est d’avoir su relire le conte sans en dénaturer le fond. Les couleurs vives du décor évoquent l’enfance : trois blocs rectangulaires et amovibles figurent un pré vert. Au milieu, un grand arbre étend ses branches remplies de ballons, dont les teintes rappellent celles des Duplo® de José. Les cochons jouent avec des pailles (à boire et sans aucun doute biodégradables), des Kapla®… La scène est à la fois pré et chambre d’enfant, un espace entre dedans et dehors où la peur du loup va entrer – et où il faudra la combattre.

Toutefois, ce qui évoque le plus le conte, c’est la musique. Aux côtés des trois comédiens, Hélène Zambelli est au piano et à la voix, présence discrète mais nécessaire qui escorte l’action du début à la fin. Son jeu rappelle celui des joueurs d’orgue de cinéma, qui accompagnent les films muets en direct… et en improvisant[1] ! Elle mélange allègrement dessins animés (Qui veut la peau de Roger Rabbit et Les trois petits cochons, bien sûr !), cinéma (Superman, notamment), airs populaires, jazz et même musique classique (avec La Flûte enchantée de Mozart), tout en chantant et modulant sa voix pour créer des craquements, grognements et soufflements plus vrais que vrais. Du grand art, sans quoi le conte perdrait une dimension essentielle.

Et le loup ?

Évidemment, on parle beaucoup des petits cochons, dans cette pièce. Et le loup, alors ? Il représente le grand méchant, la peur qui rôde et qui dévore, celle qu’on doit dompter… ou brûler dans la cheminée ! Mais est-il vraiment si méchant ? En sortant des Petits cochons 3, le retour, on se prend à imaginer que l’humour de Claude-Inga Barbey s’empare un jour du personnage du loup, pour lui donner une autre mesure. Peut-être… ?

Et en attendant, on s’égaille dans les rues en chantant : « Qui craint le grand méchant loup ? C’est p’t’être vous… ».

Magali Bossi

Infos pratiques :

Les trois petits cochons 3, le retour, de Claude-Inga Barbey, du 19 février au 8 mars 2020 au Théâtre des Marionnettes de Genève.

Mise en scène et texte : Claude-Inga Barbey

Avec Claude-Inga Barbey, Doris Ittig et Rémi Rauzier

https://www.marionnettes.ch/spectacle/210/les-petits-cochons-3-le-retour-0

Photos : ©Carole Parodi

[1] Une des plus belles orgues de cinéma d’Europe continentale se trouve à Genève, dans l’aula du collège Claparède : http://www.orguedecinema.ch/2018/.

Magali Bossi

Magali Bossi est née à la fin du millénaire passé - ce qui fait déjà un bout de temps. Elle aime le thé aux épices et les orages, déteste les endives et a une passion pour les petits bols japonais. Elle partage son temps entre une thèse de doctorat, un accordéon, un livre et beaucoup, beaucoup d’écriture.

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