Les réverbères : arts vivants

66 jours de résilience

En 2018, alors qu’il a à peine 22 ans, on diagnostique à Théo Askolovitch un cancer des testicules. En rémission depuis, il choisit d’en parler dans un spectacle à la fois drôle et poignant : 66 jours, du 14 au 17 février au douze dix-huit.

On entend beaucoup le terme de « résilience » ces dernières années, utiliser à tort et à travers. Théo Askolovitch, dans son seul-en-scène 66 jours, lui redonne tout son sens. En plein brunch avec sa sœur et des amis, le lendemain d’une représentation de théâtre, il ressent une douleur dans ses testicules. Demandant d’abord un doliprane, il finit par se rendre aux urgences, où il est rassuré : ce n’est qu’une petite infection. Seulement voilà, entre-temps, son père a pris rendez-vous chez un urologue. Les examens plus approfondis laissent un verdict sans appel : c’est un cancer. Mais Théo est fort, il va faire face, n’aura pas d’effets secondaires de la chimiothérapie. Mieux encore : il n’aura pas besoin de la faire, il en est persuadé. Une opération suffira. Il pourra alors aller dans le Sud jouer son spectacle avec ses potes, et voir la coupe du monde tranquillement. Ça, c’est ce qu’il pense. Mais rien ne se passe comme prévu, et toutes les complications lui tombent dessus. Durant 66 jours, il devra lutter, de toutes ses forces, face à cette maladie qui s’empare de lui, pour finalement fêter, enfin, sa victoire.

Face à soi-même

On dit souvent que c’est dans les pires épreuves que l’être humain se révèle et apprend à se connaître réellement. Alors, quand on apprend qu’on est atteint d’un cancer à 20 ans, alors qu’on a perdu sa mère de la même maladie plusieurs années auparavant, forcément, l’adversité est énorme. Durant cette période, alors qu’il enchaîne les hospitalisations, Théo apprend à se retrouver seul. Il ne le veut pas : lui, ce qu’il souhaite, c’est sortir, voir sa copine, ses amis, manger des bons burgers bien gras, voir la France gagner la coupe du monde. Vivre, en somme.

Dans 66 jours, il raconte toutes les phases par lesquelles il est passé, sans rien épargner, quitte à être parfois cru. Il évoque les premières douleurs, son côté hypocondriaque qui l’a conduit à aller faire des tests plus approfondis, sa relation avec sa grande sœur protectrice, avec son héros de père, avec sa copine qui a toujours été là… Il y a des hauts et des bas, avec tout le monde, mais aussi dans son attitude à lui. Comment ne pas en vouloir à ces gens qui sont en bonne santé, qui profitent de la vie et s’apitoient sur son sort ? C’est qu’il ne veut pas qu’on lui parle comme à un malade, Théo. Alors, bien sûr, cela lui joue des tours, car il se croit parfois plus fort qu’il ne l’est en réalité. Son corps lutte, son esprit est là, indéfectible, et il préfère s’en prendre à ses proches ou aux internes, plutôt que d’abandonner le combat. Il sait qu’ils seront toujours là pour lui, quoiqu’il arrive. Même dans les périodes où ses amis viennent moins le voir, où sa copine n’a pas envie d’être là, mais vient quand même… Ce qui l’aide à tenir, c’est aussi le parcours incroyable de l’équipe de France durant cette fameuse coupe du monde 2018. Lui pour qui le foot revêt une importance difficile à décrire avec des mots. Les victoires qui s’enchaînent lui donnent une force incroyable. Tout un symbole.

Du rire aux larmes

Dans la manière dont il a construit son spectacle, Théo Askolovitch fait des allers-retours dans le temps, entre sa chambre d’hôpital, les moments qui ont précédé son diagnostic, et ces brefs moments de répit où il a pu se reposer chez lui. Pour autant, on le suit toujours, grâce aussi au jeu de lumières qui permet de définir les différents espaces. Pour nous plonger encore plus dans l’instant, il parle au présent, comme si les événements qu’il décrit étaient en train de se dérouler. On pourrait comparer cela à une forme de journal intime, qu’il nous ouvrirait sur scène, pour se dévoiler, rendre compte de son combat.

Au-delà de cela, ce qui nous marque surtout, c’est la manière dont il parvient à passer d’un instant à l’autre, d’un moment poignant qui nous fait monter les larmes à un passage où l’on rit aux éclats, à la suite d’une vanne inattendue, amenée avec son franc-parler. Parmi les moments les plus marquants, on retiendra la déclaration d’amour qu’il fait à son père, son héros, dont il reproduit toutes les attitudes qui l’agacent pourtant, mais qui a été incroyablement présent, malgré ses horaires de travail difficile. Il y a sa sœur, aussi, toujours protectrice et prête à prendre les bonnes décisions pour lui. Sa copine, enfin, à qui il reprochait d’être parfois distante, mais qui avait tout simplement peur et ne l’a pourtant jamais lâché.

Au final, on retient de ces 66 jours la force de résilience de ce jeune homme, la promesse faite à son père de gagner ce combat, pour qu’il ne revive pas ce qu’il a vécu avec la mère, mais aussi et surtout cette joie de vivre qu’il dégage. C’est avec cette furieuse envie de vivre que nous quittons la salle du douze dix-huit. Théo nous a transmis un peu de cette force incroyable qu’il a en lui. Pour cela, merci.

Fabien Imhof

Infos pratiques :

66 jours, de Théo Askolovitch, du 14 au 17 février 2024 au douze dix-huit.

Collaboration artistique : François Rollin et Ludmilla Dabo

Avec Théo Askolovitch

https://ledouzedixhuit.ch/spectacle/66-jours/

Photos : © Les Béliers

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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