Les réverbères : arts vivants

À Saint Gervais les identités poétiques s’enchevêtrent

Sur la scène du théâtre se joue la nouvelle création de la compagnie STT avec à la mise en scène Dorian Rossel et un texte signé Carine Corajoud, qui transmet avec brio l’histoire énigmatique du poète chilien Juan Luis Martinez, c’est Tous les poètes habitent Valparaiso et c’est à voir encore jusqu’au 26 mars. 

Qui suis-je ?

C’est le titre du poème de… ? C’est exactement là que se situe une grande partie de l’intrigue.

Partant de la figure du poète avant-gardiste Juan Luis Martínez, le spectacle retranscrit son vécu, sa vision poétique et, par-là, son rêve littéraire.

Mais qui est-il ? Et qui sont ces comédien.ne.s ? Et la création finalement, c’est quoi, à qui elle appartient ? Est-ce qu’elle peut appartenir ?

Mais… Tous les poètes habitent à Valparaiso, ce n’est pas uniquement le récit d’un poète, ce sont les récits de ses rencontres, des gens d’aujourd’hui qui montent un spectacle et puis… peut-être le plus important, des hasards de la vie qui permettent soudainement à l’art de naître.

La mise en abîme

Le spectacle s’ouvre et nous sommes à la radio dans une émission qui a pour sujet la nouvelle création qui se joue au théâtre Saint-Gervais.

Voilà qu’avec cela, le.la spectateur.ice est directement plongé.e dans la proposition théâtrale. On joue avec le théâtre comme Juan Luis Martinez joue avec l’identité.

C’est ludique, c’est fin et surtout, ça porte un sens.

D’emblée, le goût du théâtre nous est offert, et tout au long, ce jeu de mise en abîme va revenir et va servir de ressort dramaturgie pour aborder d’autres points vues de l’histoire.

Mais de laquelle parlons-nous ? Celle de Juan Luis Martínez, le chilien ? Ou de celle de Jean- Louis Martinez, son homonyme genevois ?

Et bien de toutes. Ou d’une seule. C’est là le génie de la pièce.

Identités multipliées

C’est que le jeu ne s’arrête pas là.

En effet, nous avons affaire à des acteur.ice.s qui se retrouvent à prendre le rôle de plusieurs personnages, voire même à multiplier le même personnage selon la situation, allant même jusqu’à être constructeur.ice.s de décors.

On s’égare sans jamais se perdre entre un récit et un autre, une époque et maintenant, c’est un fil remarquablement bien tissé qui surprend, épate, et par-dessus tout qui maintient l’équilibre parfait de la tension de l’énigme et ce, jusqu’au bout !

Que l’on aime ou que l’on n’aime pas le choix de construction de la pièce, on ne peut qu’être ébahi devant un amour pour le jeu comme celui-ci.

Le tout inscrit dans une finesse et une justesse du moment, autant comme acte poétique que comme acte comique et ça, c’est très fort.

Aux couleurs de Valparaiso

Le choix esthétique du dispositif scénographique est quant à lui représentatif des couleurs de la ville chilienne. D’une simplicité frappante, (ce ne sont finalement que des tables, des parois en bois et du plastique) il permet à qui le regarde d’ouvrir son imaginaire suggéré par le splendide jeu des comédien.ne.s.

Voilà qu’il y a un mouvement d’un élément scénographique et l’on se retrouve transporté ailleurs, dans un autre lieu, un autre continent, une autre époque. Il suffit d’un geste simple, (comme faire tomber une paroi au sol) mais pourtant si juste à un moment précis pour faire comprendre, faire sentir, ressentir, et cela, la mise en scène la remarquablement bien saisi.

Je n’étais pas présente lors de la création, je ne peux donc pas remercier une personne en particulier, quoique si je rejoins la pensée de Martínez, le Chilien donc, ce spectacle est inscrit dans le grand livre de la création dont personne ne détiendrait les droits. Alors, j’écris simplement que le pari de retranscrire sur scène un récit biographique comme celui-là est réussi, d’autant qu’il transcende ce dernier pour donner lieu à une œuvre d’art en soi, portée par le souffle théâtral.

Eva Carla Francesca Gattobigio

Infos pratiques :

Tous les poètes habitent Valparaiso, sur un texte de Carine Corajoud en collaboration avec Dorian Rossel, du 17 au 26 mars 2023 au Théâtre Saint-Gervais, reprise aux Amis musiquethéâtre du 14 au 26 mai 2024, avec Alexandra Marcos reprenant le rôle d’Aurélia Thierrée.

Conception et mise en scène : Dorian Rossel

Avec Fabien Coquil, Karim Kadjar et Aurélia Thierrée

https://saintgervais.ch/spectacle/tous-les-poetes-habitent-valparaiso

Photos : © Daphné Bengoa

Eva Carla Francesca Gattobigio

Eva Carla Francesca Gattobigio rencontre le théâtre à l'âge de huit ans avec la compagnie vaudoise Biloko. Puis, elle va à Genève et expérimente une année au Conservatoire d'art dramatique qui va la mener à étudier à l'école professionnelle de théâtre Serge Martin. Elle sort diplômée en 2021 et co-crée la même année le Collectif Wombat et la Cie Giardini Di Marzo. C'est ainsi qu'elle marche sur les impromptus de la vie; avec joie et folies douces.

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