Les réverbères : arts vivants

Être ensemble, est-ce être solidaire ou la simple représentation d’une masse stagnante ?

Leur Hip-Hop est pluriel, infusé de diverses origines : les danseurs·ses de la Compagnie Dyptik portent sur scène ce qui régit en secret le monde (avant tout) professionnel; les différents rouages, plus ou moins rouillés, nourrissants ou écrasants. Ils insufflent de l’énergie ou terrassent. Le vendredi 10 mars, au cœur du festival de danses urbaines Groove ‘N’ Move, iels se produisaient Dans l’Engrenage.

Être attrapé·e

La musique de Patrick De Oliveira est saisissante et inscrit très rapidement le cadre dans lequel se déroulera Dans l’Engrenage. L’on entend d’abord une mélodie électrique, évoquant la douceur des cours d’eau. Nous voyons l’une des danseuses, sourire aux lèvres. Malgré cette apparente légèreté, la voilà immobile, mains rivées sur la table qui trône au milieu de la scène. Le sol est blanc, il apporte une faible lumière à ce tableau plutôt sombre. On distingue en effet à peine l’entourage de l’artiste. Son visage sort de l’obscurité, puis elle imite les vagues avec le haut de son corps. La musique devient frénétique mais la danseuse semble bel et bien engluée et ne peut sortir de cette étreinte douce mais étouffante.

Les pantins

Le spectacle Dans l’Engrenage se construit en différentes étapes, rappelant si bien les rouages d’un grand système : les artistes rejoignent le centre de la scène, coudes sur la table. Iels tiennent les uns aux autres, l’ambiance est chaleureuse. Mais bientôt, tous leurs gestes sont mécaniques, identiques, plastiques. De vrais pantins qui sont rattrapés par une force qui les dépasse. Chacun·e des danseurs et danseuses a, tout de même, comme un moment de gloire, durant lequel iel avance ses pions pour atteindre le haut de l’échelle (de façon métaphorique!) en partageant en même temps son talent avec le public. Moments d’envol dans le public, l’on admire la souplesse et la dextérité des corps qui donnent vie à l’ombre. Puis, comme des coups de cloche, les danseurs·se·s sont comme happé·e·s par une malédiction. Soit iels s’emparent des projecteurs à trépied présents sur scène, soit iels sautent contre les autres, sont agité·e·s. Iels sont fringant·e·s. Ainsi s’ensuivent saltos et figures libres de danse contemporaine mais cette force s’éteint vite et les voilà au sol.

On ne saura s’iels sucent l’énergie des autres pour tenter de se hisser hors des mécanismes qui les engluent petit à petit, ou si c’est justement cette compétition entre eux et elles qui leur permet d’entrevoir une issue de secours à l’engrenage. Les différentes phases du spectacle articulent avec brio les contradictions de nos ambitions : être calife à place du calife mais être finalement seul·e en haut de la pyramide. Une belle réflexion qui encourage à mettre en place des formes de management plus horizontales, reposant moins sur la compétition et plus sur la confiance, le partage des responsabilités et le succès collectif !

Notez bien, la compagnie Dyptik sera à nouveau en mai à Genève, dans le cadre de la fête de la danse !

Laure-Elie Hoegen

Infos pratiques :

Dans l’Engrenage, de Souhail Marchiche et Mehdi Meghari, avec la Compagnie de danse Dyptik, le 10 mars 2023 à la Salle du Lignon.

Chorégraphie : Souhail Marchiche et Mehdi Meghari

Avec Carla Munier, Evan Greenaway, Émilie Tarpin-Lyonnet, Yohann Daher, Hakim Abdou Mlanao, Silvia Addiego Mobilio, Karym Zoubert

https://www.dyptik.com/la-compagnie/

Photos : © Nadir Bonazzi

Laure-Elie Hoegen

Nourrir l’imaginaire comme s’il était toujours avide de détours, de retournements, de connaissances. Voici ce qui nourrit Laure-Elie parallèlement à son parcours partagé entre germanistique, dramaturgie et pédagogie. Vite, croisons-nous et causons!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *