Adaline : Et si l’immortalité n’était pas si belle ?
Qui n’a jamais rêvé d’arrêter de vieillir et devenir immortel ? C’est ce qui arrive à Adaline, dans le film éponyme de Lee Toland Krieger, sorti en 2015, avec Blake Lively dans le rôle principal. Et si le rêve n’en était pas vraiment un ?
Adaline Bowman a une vie tout ce qu’il y a de plus de normale : elle a épousé l’homme qu’elle aime et est maman d’une adorable petite fille. Devenue veuve, elle sera victime quelque temps plus tard d’un accident de voiture qui aura un effet inattendu : au bord de la noyade, elle est frappée par la foudre et arrêtera dès lors de vieillir. De 1938 à 2015 (année durant laquelle se déroule le film), elle ne dépassera donc pas les 29 ans, voyant sa fille marquée plus rapidement qu’elle par les années… Après quelques déboires avec la police suite à un excès de vitesse, elle décide de déménager et de changer d’identité tous les 10 ans pour ne pas attirer l’attention, ne prenant pas le temps de s’attacher à qui ni à quoi que ce soit – sauf à son chien, et à sa fille, la seule à connaître son secret.
De nombreux flashbacks
Si l’utilisation du flashback n’a aujourd’hui rien de très original au niveau cinématographique, c’est la répétition de ce procédé qui marque dans Adaline. On citera, bien sûr, le long saut dans le passé racontant l’accident d’Adaline et les années qui ont suivi, jusqu’à sa décision de déménager une première fois. Il fallait bien contextualiser l’intrigue afin de comprendre pourquoi la jeune femme se fait désormais appeler Jennifer Larson et fréquente des faussaires… D’autres bribes de son passé apparaîtront par la suite régulièrement, illustrant ce qui a conduit Adaline à prendre certaines décisions par le passé. Le flashback le plus intéressant se situe sans doute lorsque la jeune femme, devenue Jennifer, décide de fuir la ville lorsqu’elle commence à s’attacher à Ellis (Michiel Huisman), mais s’y refuse. À bord d’un taxi, elle s’arrête devant un parc. Des images lui reviennent alors d’un homme attendant sur un banc, un écrin contenant une bague à la main. Le réalisateur Lee Toland Krieger fait preuve ici d’une belle maîtrise du parallélisme, en superposant les images du passé à celles du présent, qu’il s’agisse du banc dans le parc ou d’Adaline dans son taxi. Subtilement, on aperçoit également le changement d’apparence que l’héroïne s’impose à chaque déménagement, passant, dans ce cas-là, d’une frange brune à une chevelure blonde dégagée sur le front. Cette scène, réalisée toute en finesse et illustrant intelligemment les émotions qui se bousculent dans le cœur d’Adaline marque alors un tournant, puisqu’elle décidera au final de tenter l’aventure avec Ellis…
Les paradoxes du non-vieillissement
Mais ce que ce film questionne surtout, c’est l’effet de cette immortalité sur Adaline et les personnages qui l’entourent. Il y a bien sûr les côtés positifs : vivre pendant plus de soixante ans avec les capacités cognitives d’une femme de 29 ans permet d’acquérir de nombreuses connaissances. Adaline fera ainsi démonstration de sa maîtrise du portugais pour aider Ellis à négocier avec des investisseurs, ou fera encore preuve d’une impressionnante culture générale pour mettre fin au règne sans partage du père d’Ellis sur le jeu du Trivial Pursuit.
Oui, mais… cela a un prix, et il n’est pas forcément aisé de vivre cette situation, au niveau psychologique. Nous avons déjà évoqué la volonté de ne pas s’attacher ; qu’en est-il lorsque le passé ressurgit de façon inattendue ? Alors qu’elle décide, sur les conseils de sa fille, de tenter d’aller plus loin avec Ellis, ce dernier décide de lui présenter ses parents, à l’occasion de leur anniversaire de mariage. William (Harrison Ford), le père, reconnaît immédiatement Adaline, qu’il a connue en Angleterre 40 ans plus tôt, alors qu’il y étudiait la médecine. Malgré les protestations d’Adaline-Jennifer, qui inventera qu’Adaline était sa mère, la vérité ne tardera pas à être révélée. Et c’est là que le réalisateur amène la question psychologique de manière particulièrement intelligente : que faire quand on aime un homme, après avoir été amoureuse de son père 40 ans plus tôt ? Une situation difficile à accepter pour tous les deux, qui s’apparentera à une tempête sous un crâne, alors qu’Ennis n’y comprend rien…
On citera encore ici le rôle de Flemming (Ellen Burstyn), la fille d’Adaline devenue une femme âgée et pleine de sagesse. Agissant comme une conscience, c’est elle qui convainc sa mère de s’attacher à Ennis, après se l’être interdit pendant si longtemps. Flemming mieux que personne comprend et sait ce qui se passe dans la tête de sa mère et le malheur qu’elle ressent à chaque déménagement.
Au final, Adaline s’avère être un bon film dont les questionnements psychologiques sur un sujet pourtant déjà souvent abordé sont amenés de manière originale et plutôt subtile. On regrettera la fin quelque peu attendue et les codes de la comédie romantique qui auraient pu être un peu plus bousculés. On apprécie toutefois de ressentir un certain malaise devant la question éthique qui se pose à Adaline, lorsqu’elle doit choisir de renoncer ou non à Ennis, après avoir entretenu une relation avec son père 40 ans plus tôt… Et c’est là où ce film fonctionne parfaitement, en faisant ressentir des émotions similaires à celles de son héroïne, émotions auxquelles elle est la seule à pouvoir faire face et répondre. Rassurez-vous, tout est bien qui finit bien !
Fabien Imhof
Référence :
Adaline (The Age of Adaline), de Lee Toland Krieger (2015), avec Blake Lively, Michiel Huisman, Harrison Ford, Kathy Baker, Ellen Burstyn…
Photos :
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