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Adelaïde et le coven de sorcières

« Adelaïde Brethel, c’est une femme comme une autre. Qui désormais apprend la solitude, comme l’exilée apprend une langue étrangère » (p. 43). Ainsi pourrait se résumer Le cœur synthétique, de Chloé Delaume.

À la suite d’un divorce qu’elle a elle-même initié, Adélaïde, attachée de presse aux Éditions David Séchard, se lance à la recherche d’un homme avec une telle obstination que celle-ci vire à l’obsession. Malheureusement, l’invisibilité sociale amenée par quarante-six années d’existence lui pèse tel un fardeau. S’impose alors la nécessité d’imaginer la compagnie de Vladimir, présence masculine inspirée d’un flirt avorté lors d’une escapade nocturne. Tandis que sa vie de célibataire se poursuit, les portraits de ses amies s’entremêlent, aussi différentes les unes des autres que farouchement solidaires. Il y a Clotilde, écrivaine bisexuelle aux lecteurs peu nombreux mais fidèles. Hermeline, professeure d’université lesbienne. Bérengère, femme hétérosexuelle à la tête d’une agence bancaire et Judith, journaliste hétérosexuelle spécialisée dans le domaine de la musique. Les deux premières sont célibataires et sans enfant, la troisième est mère célibataire et la dernière est mariée avec enfant. Adeptes de sciences occultes, il n’est pas rare qu’elles invoquent les déesses de la mythologie grecque lors d’un rituel de sorcières pour désamorcer quelque situation. On constate qu’avec ou sans compagnon et bien qu’orpheline, Adélaïde n’est finalement pas si seule.

Avec Le cœur synthétique, Chloé Delaume s’essaie au genre romanesque après l’écriture d’œuvres autofictionnelles expérimentales. Stylistiquement, l’œuvre se démarque par un usage systématique du discours indirect libre. D’un esprit novateur, elle adopte également le genre théâtral dans un unique chapitre dédié à un rituel de sorcières. Si les péripéties d’Adelaïde provoquent quelques sourires, sa chasse à l’homme finit cependant par lasser. À croire qu’elle n’est plus une femme en l’absence du désir d’un homme. À ses dépens, elle apprend néanmoins que l’amour peut prendre plusieurs formes, l’amitié étant l’une d’elles. Bien que le récit porte sur la quête d’une relation amoureuse, il semble que Le cœur synthétique soit avant tout une célébration de l’amitié face au deuil de l’amour.

Aïcha Mouhammadou

Références : Chloé Delaume, Le cœur synthétique, Éditions du Seuil, 2020, 183 p.

Photo : © Ben_Kerckx

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