Le banc : cinéma

American Psycho ou la violence exacerbée

En l’an 2000 sortait un film donc le succès n’a que très peu été au rendez-vous, mais qui est devenu par la suite un classique parmi les thrillers psychologiques. American Psycho a confirmé l’immense talent de Christian Bale, qui y incarne le personnage principal aux deux facettes aussi intéressantes que déstabilisantes.

Nous sommes dans les années 80, peu avant le krach boursier de 87. Patrick Bateman est un golden-boy de Wall Street. Dandy à qui tout semble réussir, il est riche, habite un appartement luxueux, enchaîne les conquêtes et visite les restaurants les plus chics de la place… Comme tous ses collègues, il se plonge dans les excès de la drogue et profite à fond de l’instant présent. Jusqu’ici, tout ressemble au parcours typique du golden-boy vivant son American Dream. Seulement voilà, derrière cet homme à l’apparente perfection se cache en réalité un dangereux psychopathe, qui assassine froidement ses victimes, effusions de sang particulièrement gore à l’appui…

Explorer la psychologie humaine

American Psycho est un film fait de contrastes. Patrick Bateman renvoie publiquement l’image d’un homme propre sur lui, toujours tiré à quatre épingles. Pour preuve la scène d’ouverture durant laquelle, face à son miroir, il décrit en voix-off la routine beauté qu’il suit scrupuleusement au quotidien afin que sa peau soit toujours impeccable. Derrière son sourire tout droit sorti d’une pub pour dentifrice, les meurtres qu’il commet s’avèrent pourtant particulièrement violent : coups de hache, tronçonneuse et autres instruments très éloignés de la précision chirurgicale qu’on pourrait attendre de lui… Patrick Bateman serait-il alors un exemple de la psychologie humaine, poussée à son paroxysme ? Face à un quotidien qui lui demande d’être toujours au top, dans une vie extrêmement codée et réglementée – malgré la forte présence de drogue et d’alcool – Patrick a besoin d’exorciser ses démons et de relâcher la pression. Si c’est en tuant de sang-froid qu’il y parvient, on peut sans doute voir ici une exacerbation de ce sentiment qui nous touche toutes et tous à un moment donné.

Vient alors une autre question : celle du fantasme. Qui n’a pas rêvé, pour échapper à sa vie bien rangée, d’expérimenter quelques excès, de jouer avec l’illégalité pour vivre une expérience plus grisante, pleine d’adrénaline ? Sans bien sûr pousser le curseur aussi loin que Patrick Bateman, bien sûr ! Tout au long du film, on se demande comment Patrick peut s’en sortir sans qu’aucun soupçon n’ait pesé sur lui auparavant ? Petit à petit, pris dans l’engrenage, il commettra quelques erreurs, les proches de ses victimes s’inquiètent et le côté thriller d’American Psycho prend l’ascendant, créant une tension folle et faisant ressortir une certaine paranoïa chez Patrick, lui qui semblait jusqu’ici froid et dépourvu d’émotions. La fin du film, que la réalisatrice Mary Harron regrette d’ailleurs[1], apporte quelques éléments de réponse, d’une manière moins ouverte que le livre d’origine. Celles et ceux qui ont vu le film comprendront, pour les autres, on vous invite à le visionner dès que possible !

Métaphore de l’American Dream ?

Poussons la réflexion encore plus loin : que nous raconte American Psycho sur les États-Unis, dont certains clichés sont bien représentés dans ce film ? Le titre, bien sûr, renvoie au pays et semble faire écho à l’American Dream dont on entend si souvent parler. Patrick Bateman évolue dans le paroxysme du capitalisme, où tout est question d’argent et sujet à compétition. Il faut ainsi toujours être le meilleur, et la meilleure illustration est sans doute cette scène, presque absurde, où les traders comparent leurs cartes de visite, chacun vantant la qualité du carton et l’encre choisies, sans oublier la police d’écriture. Il n’y a pas de petite victoire dans ce monde de requins…

Avec l’omniprésence de cette compétition, on ne peut que se poser la question de l’aliénation de l’esprit représentée par Patrick Bateman. Est-il un psychopathe au départ ou l’est-il devenu à cause de toute cette pression ? Ce qui nous oblige ici à renverser notre précédente interrogation, quand nous nous demandions s’il ne faisait pas tout cela pour justement relâcher cette pression… C’est sans doute tout le paradoxe contenu dans l’ambivalent personnage interprété par Christian Bale, dans une performance d’acteur éblouissante – alors même que l’équipe de tournage le trouvait mauvais sur le moment ![2] Attisant tout autant l’empathie que la haine, il est un personnage qu’on adore détester, comme on dit.

Au fil du temps, American Psycho a ainsi su s’imposer comme un classique du genre, à voir et à revoir sans modération, ne serait-ce que pour le côté cathartique qu’il peut représenter face aux pires fantasmes inassouvis…

Fabien Imhof

Référence :

American Psycho, réalisé par Mary Hannon, avec Christian Bale, Justin Theroux, Chloë Sevigny, Reese Witherspoon, Willem Dafoe, Jared Leto…, États-Unis, 2000.

Photos : © DR

[1] Pour plus de détails : https://www.vulture.com/2020/04/mary-harron-american-psycho-in-conversation.html

[2] https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18690474.html

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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