Les réverbères : arts vivants

Antonomase

Du Meury à même le tonneau – Revue à 2 et en moins d’deux ! de Thierry Meury au P’tit Music Hohl jusqu’au 21 décembre

« Allez, on va se faire un Fernandel, un Gabin, un Bébel ! »  Il en était ainsi alors – le nom de la vedette était en haut de l’affiche comme le chantait Aznavour – le titre passait au second plan. C’était de la confiance chimiquement pure à chaque sortie de film. Avec tant d’années d’écriture et de scène, Thierry Meury, honneur insigne, possède la confiance du public et devient dès lors avec son nom une antonomase[1]. « Allez, on va se faire un Meury ! »

Force est de constater que les revues fleurissent. De grandes et de petites productions qui doivent toutes être servies, c’est là leur forme, par un texte dont les plumes trempent dans l’encrier du bon mot ou de la phrase assassine, en souvenir d’Alphonse Allais et de Sacha Guitry. Le trait d’esprit se doit d’être à l’honneur. Dans cette Revue en moins d’deux, l’auteur n’a pas changé d’encre ni de partenaire, c’est du Meury à même le tonneau et Véronique Mattana lui renvoie la balle par sa voix avec malice et par le chant avec bonheur. À noter qu’un invité va s’immiscer dans l’aventure.

La plume de Thierry Meury glisse sur l’actualité en soulignant dès l’ouverture du spectacle l’idée du genre. Depuis la victoire de Nemo à l’Eurovision, c’est sans doute une des dernières vagues sur le sujet. Ça ne grince pas, ça ne gêne plus vraiment et l’on sent, malgré les traits d’humour, que les choses avancent.

Ce qui avance aussi, c’est cette folie des prix de parking, véritable racket d’une société privée, une ponction financière qui est bien loin de la location du terrain public par l’État. On sent dans l’écriture de cet épisode plus de colère que d’humour et quand la rage ressemble au rire, les pavés ne sont pas loin. Attention, Thierry Meury en garde par-devers lui, sans nul doute !

Dans l’idée inverse, celle de l’immobilisme, deux très jolis moments acerbes envers les banques et les métiers de soins sont à souligner. Le sujet n’est ni le pourcentage d’intérêt ni la santé, mais bel et bien la solidité financière du client ou du patient : on ne vit et ne meurt pas gratos ! Deux très belles fins de texte à l’humour noir et vachard envers les deux gloutons à pognons. On a envie de dire : « c’est bien fait pour eux ! », mais en bigrement plus vulgaire.

La partie de bistrot, incontournable sujet, est portée par une patronne passablement avinée dont la clientèle a le bon goût et surtout la capacité de boire entre deux apéros. Aux Jeux olympiques de la picole, il y aurait des médailles en perspective. À noter, fait nouveau, que Thierry Meury dans le rôle du client, tient en main un verre à vin blanc… rempli d’eau. Sage précaution pour un comédien. Il faut savoir rester poli avec son corps.

Puis, in fine, il y a la revue de presse. Cette dernière est comme les vendanges, la qualité et la quantité dépendant plus des conditions de l’année que de celui qui récolte. Ici aussi, on peut lui faire confiance pour écrire des saillies drolatiques et il y en eut.

Alors, une revue de plus, peut-être, mais vous vous faites un Meury !

Jacques Sallin

Infos pratiques :

Revue à 2 en moins d’deux !, de Thierry Meury, au P’tit Music Hohl, du 18 octobre au 21 décembre 2024.Avec Thierry Meury, Véronique Mattana

http://musichohl.ch/spectacles/

Photos : ©Japa Widler

[1] Désignation d’une personne par un nom commun

Jacques Sallin

Metteur en scène, directeur de théâtre et dramaturge – Acteur de la vie culturelle genevoise depuis quarante ans – Tombé dans l'univers du théâtre comme en alcoolisme… petit à petit.

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