Les réverbères : arts vivants

Au Théâtricul, on fait « comme les grands »

C’est avec une photo d’administrateurs de chemins de fer que David Valère et l’équipe du Théâtricul nous ont accueilli·e·s pour la présentation de la saison 24-25. De nombreux points communs existent, à nous de travailler pour les faire, nous a-t-il dit avec son énergie désormais légendaire.

Après les remerciements d’usage et – il faut le souligner – un petit point sur la presse, dans le même bateau (ou train, du coup) que le reste des milieux culturels, la parole a été laissée à Stéphane Michaud, qui nous a présenté la grande nouveauté de la saison : le Théâtricul est désormais doté d’un système de billetterie en ligne, avec un QR-Code, « comme les grands » ! S’en est suivi un petit discours sur le rôle d’administrateur par David Valère, qui nous a rappelé que, pour faire du théâtre, il faut être fou, dans le sens de déraisonnable. Trois minutes étaient ensuite accordées à chaque artiste pour venir parler de son spectacle.

La saison débutera donc vendredi 6 septembre, avec Hélène Marquer, qui incarnera La femme parfaite. Dans ce seule-en-scène, on suivra une fille dont la mère va mourir. C’est l’occasion de creuser le passé et ses frustrations – toutes les ancêtres étant mortes d’un cancer. Ce spectacle très personnel vise à faire exister des archétypes féminins qu’on ne voit pas souvent, dans le but de se réconcilier avec et de les accepter. Puis, avec Eric Salama et Fred Polier, on découvrira un diptyque de discours. Le premier, Discours de la servitude volontaire, a été écrit par un jeune Etienne de la Boëtie. Dans ce qui constitue l’un des grands textes fondateurs de la philosophie politique, il raconte les tyrans par ceux qui les subissent et collaborent avec, malgré eux. S’ensuivra Pour Vaclav Havel, prononcé par Dürrenmatt, trois semaines avant sa mort, à l’occasion de la venue du dirigeant tchécoslovaque en Suisse. Il y avait comparé notre pays à une prison, dans laquelle nous sommes à la fois prisonniers et gardiens. Un discours qui n’avait pas manqué de faire réagir, entre rire, surprise et choc. À voir du 24 septembre au 6 octobre.

Le 11 octobre, on retrouvera Maulde Couteau et Mathieu Chardet dans une adaptation et lecture du journal d’Etty Hillesum. Cette juive hollandaise l’avait écrit dans un camp de transit, entre 1941 et 1943, soutenant ses camarades grâce à la puissance de la joie qu’elle conservait malgré les circonstances. La Joie Malgré Tout, une mise en lecture, accompagnée de la musique de Nicolas Reichelt. On voyagera ensuite au Venezuela, les 19 et 20 octobre, en compagnie de Zorybel Garcia et Luis Enano Bogado. Entre cirque et danses, les deux artistes, qui ont ouvert une école d’art au Venezuela, pour les enfants pauvres, viennent chaque année à Genève, là où leur parcours a commencé. Cette année, iels présenteront leurs talents dans une soirée bénéfice pour soutenir leur école.

Du 12 novembre au 1er décembre, avec le texte de Floriza Flor, nous nous retrouverons dans ce qui pourrait être une petite bourgade ouvrière du Nord. Un tueur en série de femmes y sévit. Durant l’enquête, on fera la connaissance d’Anémone, une vieille bigote qui entend une voix ; ladite Voix, qui s’invitera aussi à la radio ; l’Adoré, frère d’Anémone avec qui il entretient une relation étrange ; le Gardien de nos morts, un être intriguant qui travaille au cimetière ; et un Inspecteur venu d’ailleurs, dont on ignore tout. L’enquête promet, dans Dans l’ombre de mon Prédateur.

Pour clore l’année, le mois de décembre sera consacré au Théâtre Cirqule. Du 6 au 8, on retrouvera les artistes en formation pré-professionnelle. Du 10 au 12, place au Sacha show, du nom de la prof de danse, pour un spectacle dans lequel on retrouvera aussi de la magie et des chansons. Les 13 et 14, le groupe Zosso animera les soirées en reprenant des tubes de Led Zeppeline. Le 15, dans Le Prédateur, on retrouvera du cirque, avec une thématique liée aux animaux, pour un moment tout en légèreté. Puis un solo nous est déjà annoncé, dont la création est en cours. Les festivités se clôtureront, comme de coutume, par le cabaret hommage à Gérard Challande, fondateur des lieux et décédé il y a 3 ans. On nous promet de la joie, un moment de fête, de la musique, du cirque et du théâtre. Bref, tout ce qui l’animait !

En janvier, on se retrouve avec Couples, Ploucs, Scoulp, basé sur des textes de Molière, Jarry, Durringer ou encore Tardieu. On y explorera le langage théâtral, à travers les mésaventures du couple et les prises de pouvoir au sein de celui-ci. La musique sera signée Nicolas Reichelt, qui liera les scènes en s’appuyant sur les différents textes pour ses compositions. Puis, du 28 janvier au 9 février, dans Sourcière, Elsa Anzules mettra en scène Christine Aebi, pour narrer l’histoire d’une sorcière face à un juge, alors qu’elle est la dernière à avoir vu un homme avant sa disparition. Est-elle témoin ou accusée ? On ne sait pas trop… Quoiqu’il en soit, le spectacle abordera des thématiques telles que la transmission féminine à travers certains savoirs, le rapport à la nature, pour aller à la rencontre de la différence et de l’autre, tout en se jouant du juge.

Du 14 au 23 février, dans Consoler Madeleine, on se demandera pourquoi on garde certains objets, alors qu’on en conserve d’autres. Ces éléments incongrus, qu’on a reçus ou hérités provoquent émotions et souvenirs. C’est l’histoire d’une maison à vider rapidement avant sa destruction, et la rencontre avec un brocanteur pour décider quoi faire du bazar qui reste. Mais attention, les objets pourraient bien ne pas vouloir partir… On s’envolera ensuite à Cuba, dans un bar de La Havane, pour Papá Doble. On découvrira Hemingway comme on ne l’a jamais vu, l’homme derrière l’artiste. On y verra ses fêlures, son humanité et ses paradoxes. Dans sa rencontre avec celui qui semble être un admirateur, ce sont deux visions du monde qui s’opposent, dans une joute oratoire entre un monde judéo-chrétien et une philosophie de vie totalement différente. Ou comment enjoliver le réel pour mieux le supporter.

Supporter le réel, il en sera aussi question du 28 mars au 13 avril, dans Les Solitudes ou Si j’étais une Sardine. Carole Bruhin et Marie Probst y confronteront leurs solitudes, pour les rendre plurielles. Dans ce spectacle qu’elles nous annoncent comique, elles traiteront de chansons sur la thématique, en montrant qu’on n’est jamais aussi seul·e qu’on ne le pense, même quand on l’est. On retrouvera ensuite Petite, la première création d’Anne Probst. Elle y racontera comment elle a joué aux Barbie de ses 4 à ses 14 ans et comment cela l’a conduite au théâtre, alors que ses poupées étaient ses actrices. Jusqu’à ce que ce monde-là s’écroule du jour au lendemain, avec l’entrée dans l’adolescence…

On découvrira ensuite l’univers de la lutte suisse. Dans un « travail encore en progrès », qui sera peut-être un monologue, on suivra l’histoire d’un vieux monsieur, qui doit livrer son dernier combat face à un jeune lutteur, en étant convaincu qu’il va gagner. Voilà un joli prétexte pour parler du folklore suisse et de la reconnexion avec son être profond, via un anti-héros solaire. Le titre, Magnus, s’inspire du nom du taureau offert au roi de la fête fédérale de lutte. On retrouvera ensuite un trio de femmes dans On va pas se mentir, ça fait mal aux pieds. Entre tendresse et autodérision, ce voyage musical dressera différents portraits de femmes. « La femme avec un grand H », nous a-t-on dit !

En guise de conclusion de la saison, le Théâtricul accueillera le trio Jancik, Macasdar et Miserez, pour Épongez vos dettes, faites du théâtre, selon la maxime de Molière. Dans ce spectacle plein d’ironie, deux frères héritent d’un théâtre en faillite. Pour le sauver, il faudra réussir le défi ultime et créer LE spectacle !

La soirée s’est ensuite conclue avec un petit historique du théâtre par Yvette Challande, co-propriétaire des lieux, en évoquant le projet de fondation qui doit reprendre le Théâtricul d’ici deux ans, pour le garder vivant. On croise les doigts !

Fabien Imhof

La programmation complète et les détails de chaque spectacle sont à retrouver sur le site du Théâtricul.

Photos : ©Théâtricul

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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