Avec mAthieu Bertholet, « adieu » ne veut pas dire qu’on ne se reverra jamais
C’est les yeux brillants que mAthieu Bertholet a présenté sa dernière saison en tant que directeur du POCHE/GVE. Après 10 ans de bons et loyaux services, il s’envolera vers Zurich pour de nouvelles aventures. L’ovation qui lui a été réservée était bien méritée.
Tout a commencé dans le noir, avec une voix à l’autotune un peu trop présent. Lorsque les lumières se sont allumées, quelle ne fut pas la surprise de découvrir Rébecca Balestra. Comédienne emblématique au sein du POCHE/GVE sous la direction de mAthieu Bertholet, c’est avec elle que la soirée s’est ouverte. Elle a proposé une lecture de La Folle en costume de folie de Ramuz. Entrecoupée de plusieurs textes d’auteur·ice·s marquant·e·s des dix dernières années du théâtre – Jon Fosse, Guillaume Poix ou encore Sarah Kane – elle a délivré les mots avec beaucoup d’émotion, qu’elle a tenté de dissimuler derrière quelques blagues bien senties. C’est que la comédienne de théâtre fait désormais aussi du stand-up ! Pour accompagner cette lecture-performance, alors que Rébecca Balestra avait revêtu son plus bel habit de lumière – d’abord littéralement, avant de laisser place à une robe bleue à paillettes, assortie à sa perruque – plusieurs chansons de Cher sont venues apporter une touche musicale à ce moment qui résonnait comme une fête. On citera Believe, son fameux duo I got you babe avec Sonny, ou encore Strong Enough.
Vous l’aurez compris, cette saison d’adieux ne sera pas placée sous le signe de la tristesse, mais bien de la fête ! mAthieu Bertholet l’a d’ailleurs rappelé lors de son entrée en scène – alors même qu’il avait oublié toutes ses notes ! : pour lui, Valaisan de son état, « adieu » n’a rien de définitif. Cela veut à la fois dire bonjour, au revoir, t’as où les vaches ? Cette dernière saison sera donc l’occasion de dire tout cela, dans un dernier tour de piste ponctué de rencontres et d’occasions de se revoir, de retrouver des spectacles qui ont marqué. De la joie avant tout, nous a-t-il dit.
Le futur ancien directeur du POCHE/GVE a ensuite tiré un rapide bilan de son aventure à la tête de l’institution : une cinquantaine d’auteur·ice·s présenté·e·s, alors que lui-même était le premier auteur à être nommé à la tête d’un tel théâtre. Il a évoqué les émotions qui l’envahissaient durant ce moment, sans oublier de remercier le public, les équipes, la ville et tous les organes qui l’ont soutenu. Revenant sur les différents comités – de lecture ou de spectateur·ice·s – il a également rappelé que de nombreux rendez-vous perdureront durant la saison à venir : le rdv du 1, les différents ateliers, l’intro du dirlo les soirs de deuxième. Quant au grand projet qui doit encore l’occuper cette année, il s’agit du Projet vert pilote. Depuis huit ans, le POCHE/GVE met un point d’honneur à imaginer des scénographies vertes renouvelables. Depuis la saison dernière, Sylvie Kleiber, scénographe permanente devient Artiste Associée, pour réfléchir encore plus avant à cette idée. Une scénographie finale sera présentée en fin de saison, mais impossible d’en dire plus pour l’heure.
Une saison de joie
Pour marquer cette dernière saison, la joie prédominera. Il y aura un peu de nostalgie, avec des reprises ou recréations de spectacles marquants, des nouveautés, des retours… Tout commencera le 30 septembre avec Jeff Koons. Dans ce texte de Rainald Goetz, que mAthieu Bertholet mettra en scène, on ne parlera pas de Jeff Koons. Son nom est plutôt le prétexte pour réfléchir au marché de l’art et à ce milieu qui nous dépasse parfois, avec une esthétique évidemment kitsch.
Dès le 28 octobre, place à l’absolu coup de cœur du comité de lecture, qui l’a choisi à l’unanimité. Dans Déclaration d’amour de Louis Hee à John Ah-Oui, un texte de Nicolas Barry, Raphaël Archinard déclamera un long monologue d’amour, dans une écriture positive et joyeuse. Une belle occasion pour lui de marquer la fin de son parcours dans l’ensemble du POCHE/GVE.
À partir du 4 novembre, Fred Jacot-Guillarmod et Laurent Sauvage clôtureront la première partie de la saison, sur ce plateau « légèrement violet », pour le dernier tour de piste du premier sous la direction de mAthieu Bertholet. Ils reprendront Dans la solitude des champs de coton, déjà présenté à La Bâtie, dans une mise en scène de Maya Bösch.
L’année se terminera avec un spectacle à (re)voir dès le 12 décembre, et même à l’occasion du Nouvel an. Dans Le Père Noël est une benne à ordure, réécriture parodique du film mythique du Splendid, on se questionnera sur le rire, quarante ans plus tard. Peut-on encore rire de tout et faire du politiquement incorrect ? La mise en scène sera signée Manon Krüttli, Artiste associée au POCHE/GVE durant quatre ans.
L’année 2025 débutera par une collaboration avec le TPR, dans laquelle les troupes permanentes des deux théâtres se rencontreront. En création à la Chaux-de-Fonds, Ça commence par le feu permettra à Magali Mougel et Anne Bisang de travailler ensemble, comme elles l’avaient fait pour Guerrières ordinaires il y a quelques années. Ce texte se présentera comme un feuilleton, avec une écriture adressée à celles et ceux qui vivent en périphérie de ce qui semble être habituellement important.
Autre collaboration avec le TPR, Carte blanche à ma mère est la première mise en scène de Valeria Bertolotto, qu’elle interprétera également seule en scène. Elle y rendra hommage à sa mère, grande abonnée du POCHE/GVE et décédée en 2017. Arrivée en Suisse pour suivre son mari engagé au CERN, elle s’est intégrée grâce à la culture et au théâtre. Une belle manière de lui dire, à elle aussi, adieu.
Enfin, pour boucler la boucle, on reprendra le premier texte présenté sous la direction de mAthieu Bertholet. Dans Villa Dolorosa, on assistera à une revisite des Trois sœurs de Tchekhov, dans une nouvelle mise en scène, signée cette fois-ci Manon Krüttli, après celle, initiale, signée Guillaume Béguin.
Cette dernière création marquera la fin de l’ensemble du POCHE/GVE, avant que Martine Corbat ne reprenne la direction du théâtre, pour la saison 2025-2026. En attendant, on aura encore l’occasion de dire Tchao, Adieu, Tchüss à la direction actuelle.
Fabien Imhof
Le programme complet et les détails de chaque spectacles sont à retrouver sur le site du POCHE/GVE.
Photos : ©Chloé Cohen