Les réverbères : arts vivants

Blaguer sur Genève : pari réussi pour Kevin Eyer

Kevin Eyer s’est lancé un drôle de défi pour cette rentrée : écrire des blagues sur Genève et en faire un spectacle d’une heure, avec l’aide de Thibaud Agoston pour l’écriture. Recherches historiques à l’appui, le pari est tout à fait réussi pour un one-man-show particulièrement bien documenté !

Afin de chauffer la salle centrale de la Madeleine, Kevin Eyer s’est payé le luxe de faire appel à deux premières parties – on est à Genève après tout, le luxe, on connaît ! C’est donc Nadim Kayne qui a débuté avec du stand-up tout en efficacité et en autodérision sur son statut d’indépendant et sa carrière lancée juste avant la crise du Covid… il a eu du nez ! Avec quelques blagues bien senties autour des frontaliers, notamment, nous voilà parfaitement entré·e·s dans la thématique de la soirée. On a hâte d’en découvrir plus le 16 septembre prochain au douze dix-huit. Place ensuite à Adrien Laplana, avec son rôle de jeune papa et son imaginaire débordant qui font mouche à chaque fois ! Grâce à ses talents d’improvisateur et de comédien, il nous a fait découvrir, entre autres, le petit Mathis et son rêve de devenir boucher-charcutier éco-responsable (et accessoirement d’ouvrir les portes de l’enfer, mais c’est un détail)… Voilà donc la soirée bien lancée avant l’arrivée de Kevin Eyer !

Un humour bien local

En choisissant de ne parler que de Genève ou presque, Kevin Eyer a pris un certain risque. Alors, pour se mettre immédiatement le public dans la poche, il interagit avec celui-ci, cherchant à savoir d’où viennent les spectateur·trice·s, pour se moquer gentiment des quartiers genevois : de la « guerre » entre les Avanchets et le Lignon, en passant par la totale opposition entre rive gauche et rive droite, ou encore l’affiliation de Thônex à la France, voire même la naissance de Carouge, véritable ancêtre des Pâquis… Il enchaîne ensuite avec quelques clichés sur la cherté de notre belle cité, le tout afin de bien se mettre en jambes en attendant la suite. On appréciera également ses allusions aux « monuments » genevois, comme le shawarma des Pâquis[1] – sur lequel il aurait, de ses propres dires, pu écrire tout un spectacle.

En se moquant – gentiment bien sûr – des clichés qui courent sur notre ville, du fait que toute la Suisse nous déteste, comme le petit frère arrivé en dernier et qui profite de tout ce qu’ont mis en place ceux qui étaient là avant lui, l’humoriste inclut rapidement tout le public dans son spectacle. On pourrait bien parler d’humour communautaire, mais c’est aussi la mixité genevoise qu’il met en avant, celle qui a fait que celle qu’on nomme la Cité de Calvin est aussi ouverte sur le monde aujourd’hui.

Des thématiques inattendues

Durant son heure de blagues, Kevin Eyer ne tombe pas dans le pathos : exit les thématiques comme les frontaliers ou les casseroles des politicien·ne·s genevois – mise à part une ou deux vannes bien senties par-ci par-là – ; il laisse cet humour à la Revue. Ce qui l’intéresse, lui, c’est plutôt l’histoire, les monuments, l’évolution des quartiers… Pour ce faire, il s’est renseigné et documenté durant deux mois et monte un spectacle abordable, sans tomber dans la conférence historique. Car le but premier est bien de nous faire rire. Pas si simple lorsqu’on aborde des thématiques comme l’Escalade, la Réforme, le Jet d’eau ou encore les Fêtes de Genève… Et pourtant !

Sans spoiler les blagues, on évoquera le syndrome de Stockholm de la Mère Royaume, cette Lyonnaise d’origine qui maîtrise parfaitement la physique ; la fierté d’avoir hébergé ici la mort de Sissi l’Impératrice ; la différence entre le LHC – accélérateur de particules et le LHC – Lausanne Hockey Club ; la revisite de la célébrissime À la belle escalade façon invasion de Genève par Poutine, ou encore le fameux Théodore « DE BAISE »          …

Alors certes, ce n’était que la première représentation et certaines vannes tombent un peu à plat. Mais pour la plupart, elles sont réussies et tout se tient : les transitions fonctionnent, on rit énormément et Kevin Eyer parvient à transmettre son énergie et son amour pour notre ville. Car, et il faut le préciser, cette heure de blagues est avant tout un spectacle sur la transmission : lui qui est jeune papa le fait aussi pour son fils, pour que ce dernier sache d’où il vient : la base pour savoir où l’on va.

Avant de nous laisser sur les paroles de Genève de Marekage Streetz, reprises à sa sauce par Kenzy dans son titre éponyme, histoire de conclure la soirée en beauté et de façon locale…

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Une heure de blagues sur Genève, de Kevin Eyer, le 3 septembre 2022 à la salle centrale de la Madeleine.

Photo : © Michel Marie

[1] Que certain·e·s désignent aussi par le terme kebab.

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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