Les réverbères : arts vivants

« C’est simple, sois juste heureux »

Sortie de son appartement, la Cie des Plaisantes s’adapte à la scène du Théâtricul, avec cette question simple : comment atteindre le bonheur ? Autant dire que pour y répondre, on a L’embarras du choix.

« C’est simple, sois juste heureux. Si tu voulais tu le serais », dit Angèle dans sa chanson Tout oublier. À l’heure où « le spleen n’est plus à la mode », une mouvance générale enjoint tout un chacun à chercher le bonheur, en soi-même le plus souvent, et par tous les moyens. Les livres, émissions, podcasts, tutoriels et autres coaches en développement personnel sont légion, et on en voit fleurir un peu partout, si bien qu’on ne sait plus où donner de la tête. Sur la scène du Théâtricul, Wave Bonardi et Julia Portier s’emparent de cette thématique, dans une mise en scène signée Charlotte Riondel, pour retourner la situation et se moquer de ces trop nombreuses injonctions.

Jouer sur tous les tableaux

L’arrivée dans la salle des deux comédiennes peut surprendre : les voilà qui entrent par la sortie de secours, étincelantes (leggings à paillettes, vestes et shorts dorés), en transportant le canapé qui constituera pratiquement le seul décor du spectacle. Il sera tour à tour celui d’un intérieur cosy, du cabinet d’une psychologue ou encore un lit, refuge pour les âmes esseulées. Sur le plateau, les saynètes s’enchaînent, pour envisager différentes approches du bonheur : psychologie positive, développement personnel, travail sur la respiration (façon Eurovision !), émission de radio ou encore travail sur l’écoute active au sein de la compagnie… aucune méthode ne leur échappe !

Alors, Wave et Julia s’en moquent gentiment, à grands renforts de chorégraphies, gestuelles délibérément loufoques et autres bons mots, pour nous dire que tout cela va peut-être un peu trop loin. Attention donc à ne pas écouter et tester toutes les propositions, à ne pas tout prendre au pied de la lettre, au risque de retrouver complètement perdu·e, comme la patiente de cette psy qui se retrouve à chercher en elle un petit cycliste antipathique… Pour comprendre l’idée, le mieux est encore d’assister au spectacle.

Prendre la tangente

La Cie des Plaisantes ne tombe pour autant pas dans un spectacle stéréotypé où il s’agirait simplement de se moquer de ces méthodes qui marchent parfois, selon les personnes. L’embarras du choix a la finesse de renverser aussi la situation, en présentant des situations tristes, jouant ainsi sur le contraste entre l’humour et le sensible. On découvre ainsi la face cachée de ces injonctions au bonheur, à travers un dialogue entre deux sœurs qui ne vont pas si bien qu’elles en ont l’air, ou encore lors d’une scène d’anniversaire qui ne tourne pas comme attendu. Alors, on se demande si ce malheur n’est pas aussi source de thérapie : pourquoi ne pas s’imaginer le malheur des autres, alors qu’une femme a eu l’indécence de pleurer dans le bus ? Autrement dit : et si le malheur des autres faisait le bonheur des un·e·s ?

En jouant ainsi sur tous les tableaux, la Cie des Plaisantes retrouve ce qui faisait déjà la force du spectacle joué en appartement (Sous clé. Le bonheur s’ouvre de l’intérieur), qui a donné naissance à L’embarras du choix. Si toutes les scènes n’ont pas été conservées, que d’autres ont été fortement remodelées, on retrouve le même esprit, dans une adaptation réussie à la scène. Tout fonctionne, de la chorégraphie sur Allo, allo, monsieur l’ordinateur à la baffe reçue par l’une des comédiennes, en passant par ce concert de respiration d’anthologie ! Et nous, spectateur·ice·s, ressortons avec notre dose de bonheur, ou tout du moins le sourire aux lèvres. Et si le bonheur ne tenait finalement qu’à des moments comme celui-ci ?

Fabien Imhof

Infos pratiques :

L’embarras du choix, de la Cie des Plaisantes, du 8 au 18 juin 2023 au Théâtricul.

Mise en scène : Charlotte Riondel

Avec Wave Bonardi et Julia Portier

https://ciedesplaisantes.com/lembarras-du-choix/

Photo : © Cie des Plaisantes

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

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