Cie MUance : mêler les arts et le corps
De passage à Genève, la compagnie lausannoise MUance, fondée par Fanny Balestro, présente son dernier spectacle, Au revoir pour toujours, à l’Étincelle. L’occasion pour Fabien Imhof de rencontrer la violoncelliste/danseuse/comédienne.
La Pépinière : Fanny Balestro, bonjour. En parcourant le site de la Cie MUance, on s’aperçoit que les spectacles prennent des formes à la fois variées et précises : un monologue musical et chorégraphique, une pièce sonore immersive et déambulatoire, en ce moment une pièce pluridisciplinaire… Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Fanny Balestro (F.B.) : Le côté pluridisciplinaire a toujours été au cœur de notre projet. Dans le premier monologue, Itin-er(r)ance, tout s’est construit autour du violoncelle, avec de la danse, du théâtre… Dans La symphonie des bruits, notre deuxième spectacle, c’est aussi la musique qui était au départ de la création, avec toujours beaucoup de mouvement autour de cela. On part donc toujours d’un art pour y intégrer ensuite les autres. Avec Au revoir pour toujours, la première idée était la chorégraphie. On est parti d’une corde attachée à ma taille et à celle de l’autre danseuse, qui nous reliait les deux, et on a voulu rattacher cela à la thématique du deuil, de façon onirique et détournée. Le texte n’est venu qu’après coup.
La Pépinière : Dans ce dernier spectacle, vous mettez en avant le lien entre rêve et réalité, avec le jeu de lumière et des corps qui s’allie au texte et à la musique. Que voulez-vous transmettre via ce mélange de disciplines ?
F.B. : On ne voulait surtout pas rendre le spectacle lugubre ou pesant, avec une telle thématique. La chorégraphie permet ainsi quelques détours. Quant au texte, il est plus concret, avec quelques moments davantage poétiques. Dans ce spectacle, la lumière joue un rôle très important : elle donne un éclairage différent selon les tableaux, avec beaucoup de jeux d’ombres. La deuxième danseuse, par exemple, est dans une sorte d’ambivalence entre ombre et reflet. En plus, elle me ressemble physiquement, ce qui a pour effet de perdre le spectateur, qui ne comprend pas tout de suite que nous sommes deux personnes différentes. Avec ce jeu d’ombres, cela lui permet également d’incarner beaucoup de personnages. Cette notion d’ombre est au cœur du projet, et elle induit aussi un jeu avec les spectateurs, qui se retrouvent dans un moment d’évasion, avec une grande place laissée à leur propre interprétation. On n’est pas dans un objet concret où tout est donné, d’où le côté très onirique.
La Pépinière : Vous évoquez également une forte présence de la corporalité. Pourquoi le corps est-il si important dans votre projet ?
F.B. : On a toujours eu la volonté de mélanger beaucoup de choses. Moi-même, je suis à la fois musicienne, comédienne et danseuse. Le corps et le mouvement créent un lien entre les différents arts. On a ainsi travaillé à un traitement gestuel très particulier par moments, qui permet une continuité entre les tableaux, de manière à avoir du liant. On a aussi des moments de duo, où le rapport entre les corps est particulièrement important.
La Pépinière : Le corps permet donc de suggérer beaucoup, si je comprends bien. D’où le lien avec le monde du rêve ?
F.B. : Sur la scène, on ne sait pas exactement ce qui se passe. Il y a donc un travail à faire de la part du spectateur. Mais cela nous permet aussi de ne jamais savoir si on se trouve dans un rêve ou dans la réalité. Avec la thématique du deuil, on oscille beaucoup entre la présence et l’absence. On joue sur un mélange de différents espace-temps, où les personnages se croisent sans se voir, alors que le public, lui, les voit, ce qui peut le dérouter quelque peu.
La Pépinière : Dans quelle mesure ce spectacle s’inscrit-il dans la continuité des précédents ? Est-il totalement indépendant, ou y a-t-il un vrai lien entre les pièces ?
F.B. : On est une troupe encore très récente, et ce spectacle a été reporté pour les raisons que l’on connaît. À la base, il devait se jouer peu de temps après les précédents, il y a donc forcément un lien. Dans la première pièce, il était question de racines, de voyages, avec un côté très onirique. On peut dire qu’il y a une continuité au niveau esthétique, plus que dans la thématique. Le lien se trouve sans doute plus dans le traitement de la musique : dans Au revoir pour toujours, on diffuse le son en six points, pour que le spectateur soit véritablement en immersion. Félix Bergeron, qui s’occupe de la musique, travaille sur un mélange électro-acoustique, géré en live. Il y a ainsi une part d’improvisation dans la musique, et c’est quelque chose qu’on retrouvera aussi dans notre prochain spectacle.
La Pépinière : La transition est donc toute trouvée ! Comment se présentera ce prochain spectacle ?
F.B. : On sera assez éloigné de ce qu’on fait en ce moment, puisqu’il se jouera en plein jour, dans des lieux publics. On avait envie de s’insérer dans un environnement urbain. La musique sera là aussi au centre du projet : les spectateurs auront un casque, de manière à être dans une immersion auditive totale.
La Pépinière : J’aimerais revenir sur le mélange de tous ces arts, qui a l’air de vous tenir particulièrement à cœur. Comment procédez-vous pour la création de vos spectacles ?
F.B. : Il y a quelque chose de très intime dans la façon dont les arts se mélangent. En répétition, on fait beaucoup de recherches au plateau. Avec Sarah, l’une des danseuses, on collabore depuis très longtemps, on est ainsi en train de se créer un vrai univers. Dans le cas de Au revoir pour toujours, on est partis d’abord de la chorégraphie. Le texte a été écrit après notre résidence à Orbe. Le point de départ était ainsi très différent, même si on savait déjà quelle serait la thématique du spectacle. C’est ce qui est beau dans ce mélange des arts : la création peut surgir de n’importe où.
La Pépinière : Vous parlez d’Orbe, c’est là que la tournée de ce spectacle va se terminer. Quels sont les futurs projets de la Cie MUance ?
F.B. : On va donc jouer le 20 novembre la dernière de ce spectacle. Ensuite, on créera une Symphonie des bruits, qu’on a déjà pu jouer en septembre dans un cadre parascolaire. Mais la vraie création publique aura lieu en septembre 2022, dans le cadre du Festival Court-circuit. En parallèle de cela, en mars prochain, on montera un deuxième monologue autour du violoncelle, avec un ajout électronique plus important cette fois-ci. Ce sera probablement un solo avec une régie au plateau. Ce projet-là vient d’une demande du directeur du Creative string Festival de Lausanne, qui souhaite varier les arts, autour des instruments à cordes. Ca se jouera au 2:21.
La Pépinière : Fanny Balestro, un grand merci pour ce moment, et on vous dit m**** pour la suite !
F.B. : Merci à vous pour le temps que vous m’avez consacré !
Propos recueillis par Fabien Imhof
Plus d’infos sur le site de la Cie MUance.
Photos : © Mei Fa Tan