Les réverbères : arts vivants

Comme dans une « Romédie comantique »

Au Caveau, un spectacle d’un genre nouveau est présenté depuis la semaine dernière. Dans Le Patricia, comédiens et comédiennes explorent chaque soir un thème différent, dans un concept inspiré du Harold américain. À voir encore ce soir.

Le Harold consiste à demander une impulsion au public, sous la forme d’un mot, d’un thème, qui jalonnera ensuite le spectacle. Une forme de prise de risque, étant donné qu’on ne sait pas où cela peut conduire. Dans Le Patricia, on s’inspire donc de ce format pour engager la discussion sur une thématique, à partir d’un podcast qu’écoute un·e spectateur·ice et qu’iel présente brièvement, en étant choisi·e au hasard. Un extrait sélectionné de manière aléatoire donne ensuite les impulsions de base au spectacle. La représentation à laquelle j’ai assisté a débouché sur la thématique de l’amitié et de l’amour[1], le début et la fin de ceux-ci, le basculement de l’un à l’autre, les ruptures. Le sujet était-il trop ambitieux ? Disons-le d’emblée, si l’idée est tout à fait intéressante, le résultat demeure très inégal.

Un essai pas totalement concluant

Il est toujours difficile d’écrire sur de l’improvisation, car le spectacle n’est jamais le même d’un soir à l’autre – contrairement au théâtre « classique », dans lequel on peut se raccrocher à un texte, à une trame générale et à des personnages bien définis… L’expérience peut ainsi être totalement différente, selon la forme des comédien·ne·s, l’ambiance et la relation nouée avec le public. Ici, il faut ajouter le paramètre de la thématique, qui peut influencer fortement le déroulement de la soirée, particulièrement si celle retenue implique des réflexions plus profondes. Voilà un premier élément qui peut expliquer que tout n’a pas parfaitement fonctionné.

Un spectacle d’impro est bien souvent inégal, et ce constat est inhérent à la discipline : certaines manches inspirent plus que d’autres, la complicité marche plus ou moins bien, on peut se tromper de direction et il devient difficile de rattraper le coup… Mais durant la représentation à laquelle j’ai assisté, ces différences paraissaient encore plus grandes que ce dont on peut avoir l’habitude. Certaines scènes sont très bien parties, provoquant l’hilarité du public. On pense à cette partie de pétanque qui débouche sur une grosse ambiguïté entre deux amis, ou encore à cette émission totalement loufoque lors de laquelle Thomas Cruise (prononcez-le bien à la française) débarque accompagné d’un enfant qu’il a embrassé en public, alors que ce n’est pas le sien. Oui, « improvisation » peut aussi ressembler à « improbable ». Pour autant, d’autres scènes, en particulier celles partant de moments d’introspection, nous ont parues plus hermétiques. La volonté paraissait affichée de partir d’expériences personnelles pour embrayer sur des improvisations plus universelles – comme celles précédemment citées – mais ici, le thème du soir a peut-être exigé plus d’engagement personnel de la part des comédien·ne·s que d’autres sujets potentiels. On a ainsi par moments l’impression d’assister à une forme de thérapie de groupe, de laquelle le public est d’une certaine manière exclu, un sentiment renforcé par quelques « private jokes », comprises uniquement de la troupe et de leurs proches.

Difficile, toutefois, de tirer des conclusions générales sur le format en n’ayant assisté qu’à une représentation : peut-être que les autres soirées ne se sont pas déroulées de la même manière ? On conclura donc en disant que l’idée de base est tout à fait intéressante, mais que le concept doit sans doute encore être affiné pour trouver son public. Rappelons ici qu’il s’agissait d’une première, un concept d’un nouveau genre, assez loin de ceux qu’on connaît habituellement. Cette dernière remarque me pousse à également souligner le courage de la troupe face à cette prise de risque : la Cie Patricia··· a désormais toutes les cartes en mains pour envisager des pistes de réflexion, au cas où le format devait être repris ultérieurement, en s’inspirant des passages qui ont mieux fonctionné. On leur souhaite bon vent !

Fabien Imhof

Infos pratiques :

Le Patricia, par la Cie Patricia···, du 27 avril au 7 mai 2023 au Caveau.

Jeu : Nadim Ahmed, Raphaël Archinard, Bastien Blanchard, Noà Bollman, Verena Lopes, Alexandra Marcos, et Lionel Perrinjaquet

Musique : Léon Boesch

https://theatrelecaveau.ch/show/le-patricia/2023-04-28/

Photo : © Le Caveau

[1] En partant d’un podcast qui parlait d’une comédie romantique, avec le lapsus de la spectatrice qui l’a introduite en disant « Romédie comantique », d’où le titre de l’article.

Fabien Imhof

Titulaire d'un master en lettres, il est l'un des co-fondateurs de La Pépinière. Responsable des partenariats avec les théâtres, il vous fera voyager à travers les pièces et mises en scène des théâtres de la région.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *