Concert plastique contre les inégalités à Saint-Gervais
Paul et Olympe forment le duo Polympe(s). Ils sont sur la scène du Théâtre Saint-Gervais jusqu’au 16 novembre, dans un spectacle entre concert et performance plastique, conçu par Isis Fahmy sur des textes d’Olympe de Gouges.
Dans la salle de théâtre en rond du troisième étage, Paul et Olympe accueillent le public… dos à lui, dans deux vitrines, tels des mannequins de publicité. On s’assied, et on les écoute débiter des « indignations » d’Olympe de Gouges, sur des événements qu’elle a vécus comme des injustices. Après une dizaine de minutes, ils se tournent enfin et se présentent : ils sont Paul et Olympe (Claire Deutsch et Benoît Renaudin), alias Polympe(s), du même nom que la signature d’Olympe de Gouges. Qui est l’homme, qui est la femme ? On ne le sait pas vraiment. Personnalités interchangeables, pas vraiment définies, habillées et coiffées exactement de la même manière, ils placent leur spectacle sous le signe de l’égalité. On est prévenu d’emblée : ils vont interpréter des chansons engagées, basées sur les écrits d’Olympe de Gouges, avec – Genève oblige -, quelques références à Jean-Jacques Rousseau.
Une mise en scène aux multiples références
Ce qui frappe d’abord, ce sont les deux vitrines dans lesquels se tiennent les deux comédiens-chanteurs. Elles rappellent certaines publicités de grands magasins, où les mannequins aux proportions parfaites – selon les dires – sont exposés. La société de consommation en prendra pour son grade. Pour preuve, la première chanson qui invite à se défaire de ses attaches matérielles. Ces vitrines créent également une certaine distance, comme si on était face à deux stars inatteignables qui valaient mieux que nous. Bien vite, ceci est démonté par la proximité et l’intimité qu’ils créent à travers leurs interprétations, puis en sortant de ces vitrines qui les enfermaient.
On est ensuite surpris par l’apparence des deux artistes : perruque noire au carré, chemise blanche, pantalon en cuir noir et bottines marron. Tels deux jumeaux indissociables, ils forment un tout inséparable. L’un n’est rien sans l’autre, la guitare sans la voix, la voix sans la guitare ne résonneraient pas pareil. Par cette subtilité, ils nous rappellent qu’hommes et femmes sont égaux, que l’un ne vaut pas mieux que l’autre. Olympe de Gouges a passé sa vie à se battre contre les inégalités, défendant les femmes, comme les pauvres ou les noirs, avant d’être pendue pour cette raison justement en 1793.
Des chansons à la fois engagées et légères
Ses mots sont mis en musique et interprétés à la manière de chanteurs engagés des années 80, mêlant dissonances et expérimentations musicales, avec des sons de guitare qui résonnent puissamment. On perçoit une certaine dérision. Concentrés sur cette manière de chanter qui paraît décalée et aujourd’hui dépassée, on en oublierait presque les paroles, qui sont pourtant le cœur du spectacle. Ce choix, plein de finesse, permet de désamorcer quelque peu la gravité du propos, le rendre plus léger et, de fait, plus audible, sans plomber l’ambiance.
Et puis, petit à petit, on passe sur des rythmes plus doux, aux allures folk, comme une ballade. La chanson sur les fous devient un moment particulièrement marquant, qu’il faut absolument découvrir avant le 16 novembre. Entrecoupés de petites interventions sur Genève, son île Rousseau, ses banques et ses magasins de luxe, les mots d’Olympe de Gouges résonnent encore fortement, montrant que le décalage et les inégalités existent toujours, plus de deux siècles après sa mort.
Ce spectacle prend ainsi tout son sens, dans une édition du festival Les Créatives où le maître-mot est la colère. L’indignation de cette icône est présente, sans être tragique. C’est, au contraire, un spectacle plein d’humour, avec une note de légèreté bienvenue, qui n’oublie pas de transmettre au public le véritable objectif des mots d’Olympe de Gouges : la lutte contre les inégalités, plus que jamais d’actualité.
Fabien Imhof
Infos pratiques :
Polympe(s) d’Isis Fahmy, d’après les textes d’Olympe de Gouges, du 11 au 16 novembre 2019 au Théâtre Saint-Gervais, dans le cadre du festival Les Créatives.
Mise en scène : Isis Fahmy
Avec Claire Deutsch et Benoît Renaudin
https://saintgervais.ch/spectacle/polympes
Photos : © Francesca Palazzi