Connexion micellaire
En piratant les ondes FM, la Compagnie Pluton nous propose avec Echec Mycose une escapade dans son univers singulier, à voir à la Maison Saint Gervais.
Comment faire exister les voix qu’on n’entend pas ? C’est la question à laquelle tentent de répondre Axel (Alice Oechslin) et Chloé (Ulysse Berdat), quand iels décident de hacker les ondes FM pour créer leur propre radio, Fréquence Mycose. Cette problématique se pose à partir d’un fait divers particulier : la nouvelle de l’exclusion des femmes trans des compétitions internationales d’échecs. Privée de sa voix au chapitre par son club de quartier, Chloé est d’abord démunie, puis avec l’aide d’Axel, iels échafaudent des plans pour être entendus et visibilisés.
On embarque donc avec les deux acolytes dans un univers foutraque, fortement marqué par la présence de la nature. Axel est passionné par les champignons, les plans élaborés vont donc inclure leurs super-pouvoirs. Par exemple, leurs propriétés odorantes, avec l’idée de projeter des spores de vesse-de-loup à l’odeur de pet sur la tour de la RTS, ou bien en tentant d’humidifier assez les murs du bâtiment pour que la moisissure en prenne possession, et fasse fuir les occupants. Chloé, elle, est plus inspirée par les plantes, particulièrement les pensées, avec lesquelles elle entretient un lien particulier depuis son enfance, depuis que sa grand-mère lui a appris à bouturer les fleurs.
Le fil rouge du spectacle est le format émission de radio, qui permet à Alice et Ulysse d’avoir de petits intermèdes qui composent la pièce. On découvre ainsi une symphonie micellaire, un tuto pour extraire soi-même ses hormones à partir d’urine de vache, un instant “confession”, et un final musical mettant en scène une ré-interprétation de la chanson J’ai demandé à la lune d’Indochine. Ces différentes formes permettent aux deux comédien·ne·s de s’amuser et de mettre en scène leurs rêveries extravagantes où leur alchimie est touchante, mais le tout manque un peu de cohérence et de connivence avec le public.
La scénographie est à l’image de leur imagination débordante, avec des piliers en cartons style art déco qui se déplacent pour former tour à tour des pièces d’échiquier, des champignons, une tour de radio… Leurs costumes sont également DIY, avec des armures de chevalier créées à partir d’opercules de cannettes, peut-être celles des cannettes de la tante Eli d’Axel, dont iel garde de tendres souvenirs.
La pièce interroge ainsi le lien entre la non-binarité et la nature, qui nous offre pléthore d’exemples de nuances (les champignons peuvent avoir 23’000 sexes différents !), autres que les supposés deux genres humains. Le très beau poème de Léa Rivière Je ne suis pas trans dans la forêt, duquel iel se sont inspiré pour le spectacle, rappelle qu’il est possible d’exister entre les failles, et de porter de nouvelles histoires.
Léa Crissaud
Infos pratiques :
Echec mycose, d’Alice Oechslin et Ulysse Berdat, du 6 au 11 mai 2025 à la Maison Saint-Gervais et du 14 au 18 mai 2025 à l’Arsenic.
Avec Alice Oechslin et Ulysse Berdat
Photos : ©Zoé Aubry