Cri d’amour 1 sur 2 : partons en Égypte
Le Studio d’Action Théâtrale produit sur la scène du Galpon un monologue puissant ; un sacré défi pour une actrice brillantissime.
Même si la météo est toujours bonne et qu’on vient de vivre un mois de septembre étonnamment chaud, l’automne arrive. On le perçoit aux feuilles des arbres qui bordent la Route des Péniches, au bout de laquelle apparaît le Théâtre du Galpon.
Ce Théâtre à l’intérieur si accueillant propose au public de découvrir deux des Trois cris d’amour de Giovanni Testori. En voici le premier, Cléopatrasse.
Giovanni Testori écrit ces trois « cris » dans les années 1990, mais ils ne seront publiés qu’en 1994, un an après sa mort. Ces textes s’inscrivent dans un projet plus grand, celui des Branciatrilogia, des trilogies qui réunissent trois œuvres écrites dans une perspective totalement centrée sur le mot, ou le langage. Il y en a eu deux, et les Trois cris d’amour (I Tre lai en italien) clôturent la deuxième Branciatrilogia. Je ne connais pas les deux autres textes (Sfaust et sdisOrè), mais il me semble approprié de finir un cycle de création par ces textes puissants, des cris déchirants de femmes fortes de l’Histoire qui se dénudent (figurativement) sur scène.
Car en effet, Cléopatrasse est un monologue tragique : la splendide Reine d’Égypte pleure la mort de son Tognasse (Antoine) aimé, une heure (la durée du monologue) avant de mourir elle-même, comme tout le monde le sait, du venin d’un serpent.
L’histoire de Cléopâtre est bien connue et a été visitée et revisitée, ce n’est donc pas l’histoire elle-même qui surprend dans cette production. C’est plutôt le langage, la fixation de Testori pour ses textes qui explorent les infinies possibilités que la combinaison de lombardien, latin et italien standard peut créer. Et voici le premier défi pour cette production : la traduction d’un texte si complexe en français implique d’inventer tout un petit sous-univers du langage. Parfois shakespearien, parfois vulgaire, c’est un monologue qui oscille entre la battle de rap et l’ode médiévale. Tragique mais drôle par moments, Cléopatrasse est toute une expérience linguistique.
Tout ceci est magnifiquement délivré par l’actrice Clara Brancorsini, élégamment vêtue tout en or, qui dégage une irrésistible énergie sur scène. Une scène minime : un canapé, une table d’appoint et un plateau de fruits. Cléopatrasse se promène dans cet espace réduit, où elle recevra enfin le tant espéré venin dans son sein…
Je découvre avec plaisir l’œuvre de Giovanni Testori ; rendez-vous bientôt pour le deuxième cri d’amour : Hérodiasse.
Alicia del Barrio
Infos pratiques :
Cléopatrasse, de Giovanni Testori, du 26 septembre au 3 octobre 2023, puis le 7 octobre dans le cadre de la Fête du Théâtre, au Théâtre du Galpon.
Direction artistique: Gabriel Alvarez
Avec Clara Brancorsini
https://galpon.ch/spectacle/cleopatrasse/
Photos : © Elisa Murcia Artengo