Les réverbères : arts vivants

Cri d’amour 2 sur 2 : cette fois-ci, c’est en Judée que ça se passe

Après l’amour, le désamour. Le Studio d’Action Théâtrale produit sur la scène du Galpon un deuxième monologue féminin :  celui d’une femme qui exprime sa douleur. Après Cléopatrasse, écoutons Hérodiasse.

Me voici de retour au Théâtre du Galpon, comme prévu, pour assister à la représentation de Hérodiasse, de Giovanni Testori.

Petite piqûre de rappel : Giovanni Testori a écrit Trois cris d’amour, œuvres s’inscrivant dans sa série de Branciatrilogia et dans lesquelles il joue avec la langue, en mélangeant l’italien, le lombardien, et le latin. Il crée en somme une expérience linguistique.

Hérodiasse est le deuxième cri de cette trilogie, et se base sur le personnage historique d’Hérodiade.

Un crash course en Histoire et histoire chrétienne : Hériodade, c’est une princesse juive, petite-fille de Hérode le Grand (oui, celui qu’on connaît dans la chrétienté comme le responsable du massacre des Innocents dans les évangiles), mariée deux fois (d’abord à son oncle, Hérode, et puis à son… oncle… oui, aussi… Hérode Antipas… hm, original tout ça !), et selon les évangiles, mère de celle qui a demandé à Hérode Antipas de lui servir la tête de Jean le Baptiste (dans la tradition chrétienne, celui qui a baptisé Jésus, d’où son surnom) sur un plateau. Cette histoire a inspiré moults artistes, dont fameusement Le Caravage, avec son Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste ou bien Oscar Wilde et sa pièce Salomé. En faisant des recherches pour cet article, j’apprends que Salomé est le nom qu’un historiographe a donné à cette « fille d’Hérodiade » ; il n’est donc par le fait d’un évangéliste. Intéressant. Le fait est que, depuis, Salomé devient alors synonyme de « tentatrice sensuelle ».

Gardez ces détails « historiques » à l’esprit, ils sont importants pour comprendre ce dont Hérodiasse parle dans son monologue.

Revenons au théâtre. Alors que Cléopatrasse était un cri d’amour, celui d’une femme qui a perdu son amant, Hérodiasse est un cri de désamour, celui d’une femme qui, faute de ne pouvoir conquérir  l’amant qu’elle désire, décide que personne d’autre l’aura. Une histoire de femme vexée dans son orgueil, et qui complote contre celui qui en est la cause. Ce n’est pas une victime, mais la capitaine de son destin.

En rentrant dans la salle, tout est plongé dans le noir… mais l’intuition révèle qu’il y a quelqu’un au centre de celle-ci. Elle est intimidante, cette présence silencieuse dans le noir.

Les lumières s’allument et on découvre Justine Ruchat, qui donne vie à Hérodiasse. Seule la partie supérieure de son corps est visible ; on dirait qu’elle surgit de la terre même. Royale dans sa robe rouge sang, tragique dans ses gestes, elle déverse son venin sur la tête de Jean le Baptiste, présente sur scène sur son beau plateau. L’une reçoit le venin, l’autre en exsude. Dans les deux cas, c’est une délivrance.

Puissante performance ; les mots débitent et construisent un monologue sur des jeux de langage. Comme pour Cléopatrasse. Si ces deux personnages pouvaient se rencontrer dans la vraie vie… Quelle incroyable bataille dialectique !

En sortant, une question me taraude : le corps d’Hérodiasse surgit d’un trou au milieu de la scène, qui est peinte de vert émeraude. On dirait des feuilles, ou bien serait-ce des vagues ? Est-ce qu’Hérodiasse se trouve placée au centre d’un chou ? Et ces lignes rouges, est-ce du sang qui coule sur ledit chou, du sang parvenant de la tête coupée de Jean le Baptiste ? Google peut m’aider pour les faits historiques, mais je ne trouve pas de réponse à ces questions.

Les deux monologues sont ensemble à l’affiche à l’occasion de la fête du théâtre les 7 octobre prochain : Cléopatrasse à 20h15 et Hérodiasse à 21h30. Ne les manquez pas !

Alicia del Barrio

Infos pratiques :

Hérodiasse, de Giovanni Testori, du 3 au 8 octobre 2023 au Théâtre du Galpon

Direction artistique : Gabriel Alvarez

Avec Justine Ruchat

https://galpon.ch/spectacle/herodiasse/

Photos : © Elisa Murcia Artengo

Alicia del Barrio Montañés

Thésarde qui cherche à s'évader de son laboratoire, lectrice avide et grande admiratrice de l'offre culturelle genevoise. Un mix triomphant qui a poussé Alicia à écrire sur ses découvertes cinématiques et théâtrales !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *