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Critiques : Le Réveil et L’Amant de la déesse Lune

Aujourd’hui, nous vous proposons deux critiques, consacrées à deux romans différents : Le Réveil (Laurent Gounelle) et L’Amant de la déesse Lune (Alain Bagnoud).

Ces critiques ont été produites dans le cadre de l’Atelier d’écriture du Département de langue et littérature françaises modernes de l’UNIGE (Université de Genève). Elles sont signées Amel Debbah et Jeremy Perruchoud.

Bonne lecture !

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Réveil et gueule de bois

Avec Le Réveil, Laurent Gounelle, qui signe là son neuvième opus, nous presse de reprendre le contrôle de notre vie.

Tom, jeune ingénieur français, suit de près l’actualité et son Président, qui déclare la guerre à la mort. Loin de réaliser que les mesures liberticides qui s’en suivent servent plus les multinationales que la santé des Français, Tom les estime légitimes et y adhère. C’est Christos, un ami philosophe qui a travaillé sur les notions de contrainte et de manipulation de masse, qui le met en garde contre les dangers de telles lois et lui rappelle que faire peur à la population la rend plus malléable… Mais Christos est loin et Tom, pris dans une spirale, ne mesure pas le calcul des multinationales et des politiques, ni la division de la population…

Cet engrenage menant à une situation qui n’est bien sûr pas sans rappeler la situation en France depuis la crise sanitaire. Gounelle appelle ses lecteurs à réfléchir, par le biais d’une histoire. La trame, a priori simple, est soutenue par un rythme rapide, un style épuré. Écrit dans l’urgence de diffuser un message d’utilité publique, le roman comporte des personnages peu étoffés, manquant de substance et de détails. Il en va de même pour la déconstruction quelque peu simpliste des mesures imposées. Le lecteur apprend sur quelle émotion elles jouent, ce qu’elles impliquent en termes de droits, mais en sait peu au final sur les moyens de s’y opposer… L’effet n’en est pas moins saisissant, et ne peut que mener à se poser les questions importantes sur notre avenir en tant que société globalisée et souhaiter de (re)devenir libre.

Amel Debbah

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La face cachée de la lune

Roman. Sur un ton léger aux accents caustiques, L’Amant de la déesse Lune nous entraîne dans la quête de Sybille, une peintre en mal de reconnaissance, accro au yoga et à la masturbation. À la demande de l’ancien éditeur de son défunt ami Pablo, elle part à la recherche de l’hypothétique roman perdu de ce dernier.

Oscillant entre le sordide et le touchant, Alain Bagnoud nous dépeint la morbidité d’un milieu artistique en proie à ses démons. De la grande écrivaine amnésique au sculpteur bougon et colérique, en passant par la bibliothécaire bipolaire, les personnages accompagnant le lecteur sur les traces de Pablo sont à l’image du roman : ambivalents et bien plus profonds qu’ils ne le paraissent. En effet, derrière l’alcool, le sexe, la drogue et le mysticisme dans lesquels baignent les proches de Pablo rencontrés par Sybille, c’est avant tout une quête de sens qui vient éclairer le lecteur de ses rayons blafards.

 « Aucune trace ne restera de nous et ce vide sera notre œuvre », écrit Pablo dans l’une de ses lettres, retrouvée par Sybille. Peut-être est-ce là l’un des principaux ressorts du texte, car si l’intrigue s’attache à reconstruire l’histoire de Pablo et de ses déboires à travers le regard de sa famille, de ses amis et de ses amant·e·s, elle est surtout l’occasion d’explorer les turpitudes de la condition d’artiste pour en faire paradoxalement jaillir une multitude de questionnements en creux.

La plume d’Alain Bagnoud ne se laisse néanmoins pas pour autant aller à l’emphase philosophique et conserve toujours une pointe d’humour et d’autodérision qui rend la lecture de L’Amant de la déesse Lune particulièrement croustillante.

Jeremy Perruchoud

Références :

Laurent Gounelle, Le Réveil, Calmann-Lévy, 2022, 198 pages

Alain Bagnoud, L’Amant de la déesse Lune, Vevey, Éditions de l’Aire, 2022, 236p.

Photos : ©Magali Bossi (banner), Amel Debbah et Jeremy Perruchoud (couvertures respectives des ouvrages)

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